C’est une pub pour une entreprise de surveillance qui vient, par inadvertance, de lever le lièvre : en France les vieux souchiens sont obligés de voler pour ne pas mourir de faim, tandis que les catégories de populations issues de la diversité mènent une vie douillette, abritées dans des résidences cossues.

C’est le scandale qu’on n’a pas voulu voir, tant il nous ferait honte. Dans une réclame pour « Sector Alarm », une famille diversifiée comme il y en a tant en France, du moins si l’on en croit la quasi-unanimité des annonces commerciales que l’on nous inflige - père racisé, mère cisgenre, enfants créolisés-, repousse courageusement, grâce à une alarme installée par l’entreprise ci-dessus citée, un cambrioleur cagoulé, à l’air particulièrement inquiétant, pa-tibulaire, comme disait Coluche, mais presque. Et le camp du bien de se féliciter à la vue de ce spectacle télévisé particulièrement édifiant. Oui, il est possible, comme le démontre cette séquence applaudie par notre ministre de l’Intérieur et notre garde des Sceaux, de lutter efficacement contre les sentiments d’insécurité et d’ensauvagement qui inquiètent sans raison les Français. Souscrivez un abonnement à Sector Alarm, et vous pourrez dormir sur vos deux oreilles, pendant que les voleurs se la feront tirer, eux, l’oreille.

Tout cela serait bel et bon si le cambrioleur de la réclame, et je suis le seul, je crois, à m’apitoyer sur son triste sort, n’était en réalité un pauvre vieillard, quasiment cacochyme, mal rasé, moustachu, une vraie loque humaine, à qui l’on a fait jouer le rôle du méchant contre quelques misérables euros. Un vieillard qui, j’ai mené une enquête approfondie et vous pouvez me croire sur parole, en a été réduit, après quarante-cinq ans d’intermittent dans le spectacle, et une retraite misérable, à mendier pour rester propre, manger et trouver un abri pour la nuit. Oui, à mendier, pendant que d’autres, et c’est cela le plus dur à admettre pour lui, n’ont qu’à pointer un doigt accusateur sur la France raciste pour qu’elle les couvre de ses bienfaits... Notre bonhomme n’étant ni roumain affublé d’une malformation congénitale, ni accordéoniste, ni saxophoniste, sa quête, dans le métro, auprès de Français croulant eux-mêmes sous les charges, et trop occupés à aider « l’autre » pour se montrer généreux avec les leurs, ne lui rapportait même pas de quoi se payer un café. Aussi, trop âgé pour se spécialiser dans les vols à l’arraché (il ne peut plus courir), le car jacking (il ne sait pas conduire) ou l’agression pure et dure (il n’est pas assez fort, et il a horreur des armes), et personne ne voulant de lui pour un travail régulier et honorable (trop âgé, moins rentable qu’un sans-papiers), dut-il se résoudre à s’engager dans la seule voie qui lui restait ouverte (si l’on peut dire) : le cambriolage...

Sauf que depuis que des firmes sans âme comme « Sector Alarm » ou « Verisure » sévissent sur le marché de la protection, le métier est devenu impossible. Plus la moindre résidence, le pavillon perdu dans la banlieue, la baraque branlante, d’où une sirène infernale ne retentisse dès que vous faites mine de vous approcher. Le tout relié à une centrale de surveillance qui vous dépêchera une armée de robocops impatients de décharger sur votre chétive personne leur trop plein d’agressivité. Humiliation suprême, vous serez emmené manu militari au poste de police sous les lazzis (je l’ai vu dans la pub) de la famille diversifiée, dont le bonheur affiché à votre infortune est un coup de poignard supplémentaire dans le cœur des pauvres hères.

Honte, honte, honte à un pays qui oblige ses vieux à voler pour survivre !