Quel beau 14 juillet ! A Notre Journal, nous avions mis en place un dispositif exceptionnel pour vous faire vivre l’événement : moi dans mon fauteuil, devant la télé, café et petits fours sur la table basse, télécommande en main, prêt à zapper à la vitesse de l’éclair de TF1 à France 2, BFM et I-Télé, pendant qu’un grand reporter de la rédaction se mêlait incognito à la foule des badauds soigneusement fouillés et parqués le long des Champs Elysées par un service d’ordre sur les dents.
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Hé bien nous pouvons aujourd’hui vous le révéler, cette année, les quatre médias cités plus haut ont réussi un exploit prodigieux, unique dans un pays démocratique, républicain et laïque, plus fort que la télévision Nord-Coréenne – et encore, les journalistes Nord-Coréens ont une excuse, eux, c’est leur peau qu’ils jouent chaque fois qu’ils évoquent leur bien aimé président à vie Kim Jong Un - : filmer la descente des Champs par François Hollande, les gardes républicains à cheval, les clairons qui s’époumonaient et les tambours qui tapaient comme des sourds, sans le son, et même sans une bonne partie des images ! En lieu et place de Sambre et Meuse et du « clap clap » des sabots sur le pavé, une logorrhée de commentaires ininterrompus, et ce sur les quatre chaînes, libres et indépendantes (c’est elles qui le disent) ! Quant aux images, on a vu et revu (la descente au pas de cheval des Champs, c’est long, très long) le président, comme toujours cravate de travers, boudiné dans son costume (mais pas de gros plan, à cause des boutons graisseux qui donnent de la personnalité à son beau visage), les gardes républicains et leurs chevaux, des hommes-grenouilles dans un aquarium (on se demande ce qu’ils faisaient dans un défilé pédestre), l’immarcescible Drucker dans un hélicoptère militaire (sur France 2), un journaliste de TF1 dans un Alpha Jet pour rappeler qui pissait le plus loin, et des incrustations de clips improbables sur les chaînes en continu, avec les experts habituels reconnus par leur concierge. Pas la moindre bonne bouille réjouie de spectateur enthousiaste, applaudissant le président ou agitant un petit drapeau bleu blanc rouge, pas de petit nenfant édenté dont on aurait recueilli religieusement les impressions, pas de touriste anglaise avec son charmant accent chantant s’exprimant dans une bouillie de Français…
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Et pour cause, dans nos médias d’information (sic !), on se pelait de trouille : ce 14 juillet devait être un hymne à notre Président-Candidat, ne souffrir d’aucune fausse note, la consigne venait de haut, de très haut. Les téléspectateurs verraient la vie en rose !
Or, la chance de trouver des spectateurs satisfaits, prêts à jouer le jeu républicain devant des caméras, étant quasi nulle, pas question de prendre le moindre risque en direct. Alors les gueux, on les parque loin de l’avenue, derrière une double rangée de barrières métalliques et un cordon sanitaire de policiers casqués et armés jusqu’aux dents. On ne filme pas la foule, on n’installe pas de micros d’ambiance. On ne montre que les militaires, il n’y a pas de risque et on est bien obligé, et les « amis socialistes » invités triés sur le volet, pour le bain de foule traditionnel du Président.
Oui, ce fut un beau 14 juillet. Notre président a été très satisfait de ses journalistes accrédités.