La dernière chance pour Juppé d’être Président, c’est de rassembler la gauche derrière lui au deuxième tour des primaires de droite (sic).
Je l’avais réécrit la semaine dernière, et je le ré-réécris : l’idée des primaires, c’était déjà une belle connerie, mais des primaires ouvertes, c’est un vrai crime contre l’intelligence. Permettre au camp d’en face de choisir l’adversaire qui sera le plus disposé à jouer contre son camp, c’est absurde, stupide et ridicule. Heureusement, et paradoxalement, les Français de droite, qui pour une fois ont bien compris l’entourloupe, ont décidé de ne pas se laisser « empapaouter ». C’est ce qui (d’après moi) explique qu’il y ait eu grosso modo un million de plus de votants que prévu, et que ces votants, moins acquis à un candidat qu’à leurs « valeurs de droite », aient « mal voté » en choisissant le candidat qui les représentait le mieux, plutôt que les deux favoris des sondages.
La preuve par les chiffres :
Les prévisions des instituts de sondage s’appuyaient sur une participation de l’ordre de trois millions d’électeurs « motivés », dont un nombre conséquent de sympathisants de gauche et un peu moins du FN (le FN, faut-il le préciser aux pisse-vinaigre, est situé à droite, pas à gauche). Si l’on s’en était tenu à ce chiffre, il ne fait aucun doute que Juppé serait en tête. Avec environ 1,2 million de voix, dont près de 500 mille plutôt gauche-centre (c’est vous dire si Juppé est candidat de la droite), il aurait atteint 40% des suffrages, comme prévu. Sarkozy aurait fait environ 800.000 voix et 28%. Fillon se serait retrouvé en troisième position, malgré une belle remontée. La « kolossale » différence vient de ce million de votants imprévus, qui ont donné à Fillon une avance de 600 mille voix sur Juppé ; votants de dernière heure qui ne voulaient pour rien au monde de Juppé, de son identité heureuse, de ses accointances avec l’Islam, de ses amitiés avec Bayrou, et, en prime, de son jeu trouble avec les socialistes.
Pourquoi est-ce Fillon qui a profité de leurs suffrages, plutôt que Sarkozy (ne parlons pas de Lemaire, qui s’est grillé dans les débats TV) ? Parce que Fillon est d’abord et avant tout Sarkozy compatible (je parle de la ligne politique, pas du bonhomme), sans les défauts comportementaux de Sarko qui auraient fait irrémédiablement perdre l’ancien Président contre Juppé au deuxième tour.
Et pour dimanche prochain ? Hé bien, c’est très clair : Juppé, mathématiquement, n’a aucune chance de retourner la situation. S’il se maintient contre l’évidence, c’est qu’il espère un double effet « kiss-cool » : que d’une part les électeurs au premier tour de Fillon et de Sarkozy (lesquels voteront à 99% Fillon au deuxième tour), considérant que c’est plié, se disent qu’ils ont mieux à faire que de poireauter une heure ou deux pour déposer un bulletin qui ne changera pas le résultat. Et d’autre part que la gauche vienne massivement à son secours (plus d’un million de voix supplémentaires sont quand même indispensables) ! C’était d’ailleurs le sens à peine caché de son allocution de dimanche soir : amis de gauche et du centre, votez pour moi, sinon vous aurez Sarko bis (en pire, Fillon serait carrément libéralo-tatchérien), et ce sera à peine moins l’apocalypse qu’avec Marine le Pen. En échange de vos bons offices, demandez-moi ce que vous voulez, c’est accordé d’avance.
Ah, que c’est beau, la démocratie !
Note : message à Nathalie Kosciusko Morizet : non, Nathalie, ce n’est pas toi qui as gagné le premier tour de la primaire de la droite et du centre. Tu es certes arrivée 4ème, mais avec seulement 2,6% des voix. Pas de quoi pavoiser.