Si on en croit les générations de « franco-algériens » nés en France, confortées par une Histoire revisitée à charge, ce seraient leurs parents, venus à l’insu de leur plein gré d’Algérie, qui auraient reconstruit la France après la deuxième guerre mondiale…
J’ai encore entendu récemment à la radio un français « d’origine algérienne », comme on dit, expliquer que son père avait immigré en France pour reconstruire le pays, sous-entendant que la France lui devait à tout le moins, à lui et à tous ceux qui étaient dans son cas, une gratitude éternelle, et les diverses prestations sociales qui vont avec. Comme les gens qui assènent cette antienne ne sont jamais contredits - quand ils ne sont pas encouragés par les manuels scolaires et les historiens du camp du bien-, comment s’étonner que les originaires d’Algérie, qu’ils soient français ou non, n’éprouvent pas le sentiment que la France a quasiment réduit leurs parents en esclavage, et qu’ils n’aient pas envie de prendre leur revanche ?
Et après on jouera les vierges effarouchées lorsque l’un d’eux, lors d’une manifestation de gilets jaunes, agresse Alain Finkielkraut au cri de « barre-toi, sale sioniste de merde… la France, elle est à nous », ou que des « supporters » de l’équipe de foot d’Algérie, pour la plupart titulaires d’une carte d’identité française, mettent le souk sur les Champs Elysées en expliquant fièrement aux tendeurs de micros qu’ils allaient faire aux français ce que les français avaient fait à leurs grands-parents ? Quand notre président met de l’huile sur le feu en décrétant que la colonisation de l’Algérie a été un crime contre l’humanité, que fait-il d’autre que les conforter dans la détestation des « Français de souche » ?
Aussi, même s’il est trop tard, comme le craint Zemmour, et au risque de le rejoindre en prison, je vais remettre les pendules à l’heure. Pour cela, je me suis servi des travaux du regretté Daniel Lefeuvre, un historien, un vrai, qui allait chercher la vérité dans les faits et les chiffres, lui, et pas dans le manifeste de la bonne pensée pour les nuls. J’ai tout particulièrement puisé dans un ouvrage de 2006 que je vous recommande si vous en avez marre qu’on vous invite à vous couvrir la tête de cendres, et qui bien entendu lui avait valu un tombereau d’injures, « Pour en finir avec la repentance coloniale ».
J’en ai tiré les chiffres essentiels, émanant la plupart du temps d’organes officiels de la République, donc par définition les moins favorables possibles à la thèse que Daniel Lefeuvre défendait. Lefeuvre part d’un consensus pour une fois bien établi : « en 1950-1951, la France s’est relevée des destructions de la guerre. Cinq à six ans d’efforts et de sacrifices considérables ont été nécessaires pour parvenir à ce résultat ». Et il poursuit : « en 1951, 150.000 algériens et moins d’une dizaine de milliers de marocains sont présents en France. » A supposer que tous aient un travail, ils comptent pour moins de 1% de la population active. L’historien note qu’en 1953, sur les 220.000 algériens présents en France, 115.000 sont au chômage. La vérité, toute crue, toute dérangeante qu’elle soit, c’est que les centaines de milliers d’Algériens qui ont traversé la Méditerranée depuis 1945 sont venus de leur propre initiative et non pour satisfaire à une demande. Il précise que, contrairement à l’histoire officielle, le patronat français a d’autant moins sollicité la main d’œuvre algérienne qu’il était très réservé sur sa rentabilité (pour rester poli).
Pourquoi tant d’algériens sont-ils venus en France ? Pour la même raison qu’aujourd’hui tant d’immigrés sub-sahariens essaient à tout prix de rejoindre l’Europe : pour « fuir la misère et trouver de meilleures conditions de vie », ce dont on ne saurait les blâmer. La population de l’Algérie était passée de 6 à 9 millions entre 1930 et 1960 (preuve d’un vrai génocide, dirait Macron), sans que ni l’agriculture, ni les infrastructures, puissent suivre. En conséquence, l’Algérie subissait à cette époque un chômage de masse et une pauvreté considérables (mais moins importants qu’aujourd’hui, quand même). C’est sous la pression des gouvernements français, désireux de soulager les « départements français d’Algérie » ( attitude parfaitement colonialiste, remarquerait Macron), que les entreprises françaises acceptent bon gré mal gré cette main d’œuvre très dispensable. S’il y a d’ailleurs un reproche à faire à la colonisation en général, c’est d’abord et avant tout d’avoir apporté à l’Afrique un « progrès » scientifique, notamment en matière de médecine obstétrique et pédiatrique, en totale inadéquation avec les mœurs locales, ce qui a provoqué la catastrophe démographique que l’on sait… Désolé de les décevoir, les algériens n’ont pas reconstruit la France après la guerre.
Il fallait que ce soit dit, et ceci dit, belle abbesse (c’est le cas de le dire), s’ils sont convaincus que leurs pères ont reconstruit la France, qu’attendent les jeunes générations d’algériens de France pour traverser la Méditerranée dans l’autre sens et reconstruire l’Algérie qu’ils aiment tant ? One, two, three, viva l’Algérie