A voir les images de Gisèle Pélicot arrivant telle une rock star au tribunal d’Avignon, entre deux haies de groupies trépignantes, souriante, serrant des mains, mitraillée par une cohorte de photographes, je me suis demandé à quoi tout cela rimait. Et je me suis mis à douter, ce qui n’est pas bon signe.
Dans ce procès, Il y a les « invités » de Dominique, le mari, accusés de viols sur personne vulnérable. La police en a repéré 83, mais n’en a identifié que 50 sur les vidéos prises par Dominique Pélicot. Il ne fait aucun doute que ces 50 types sont des pervers. Des pervers qui se sont rendus sur le site « coco.fr », dans le but de rencontrer d’autres pervers. Ils sont tombés sur l’offre de Pélicot, pervers s’il en est, qui leur proposait de coucher avec son épouse, pendant que lui assisterait aux ébats. Il y avait bien un rituel à respecter, se déshabiller entièrement dans la cuisine, se laver les mains à l’eau chaude pour que madame, qui était endormie, ne se réveille pas à leur contact - rien d’étonnant dans ce cérémonial, puisque, je le répète, il s’agissait d’une partie fine entre pervers -. Quand bien même Pélicot précisait qu’il avait drogué son épouse pour l’endormir, « l’invité » pouvait légitimement se dire qu’il n’en était rien, que cela faisait partie du scénario, que l’épouse prenait son pied en simulant l’inconscience et le mari en jouant les voyeurs, que si après tout c’était ce qui les faisait jouir, pourquoi les en priver, quand il s’agissait en plus d’un coup gratuit. Cela dit, et aussi crédible que soit leur défense, je ne doute pas que dans l’ambiance de chasse aux sorcières actuelle, où l’homme, surtout blanc, égale salaud de prédateur, violeur, etc… la majorité, voire l’intégralité de ces 50 zigotos vont être condamnés pour viol aggravé. Sauf qu’ils le seront sous la pression de l’opinion publique, et ce sera encore une fois en tordant le Droit, qui précise que pour qu’il y ait viol, il faut que l’auteur ait conscience qu’il est en train de pratiquer une agression sexuelle sur une personne sans défense.
Et puis il y a la victime, Gisèle Pélicot. D’abord pourquoi exiger un procès public plutôt que le huis clos habituellement pratiqué, alors que dans cette affaire, on voit bien ce qu’elle a de sordide, mais quelle serait sa valeur d’exemple, qui mériterait qu’on en fasse un happening mondial ? S’agirait-il de punir les hommes, surtout les blancs, qui, chacun en convient maintenant, droguent leurs épouses, les offrent à l’encan, les violent à l’occasion, les maintiennent en esclavage domestique, et, tant qu’à faire, les battent comme plâtre quand ils rentrent bourrés comme des petits Lu du bistrot où ils ont dilapidé la paye de la semaine ? Les hommes blancs, tous des salauds !
Et, dans ce procès, il reste des zones d’ombre que l’on ne souhaite manifestement pas éclairer : Gisèle Pélicot a été droguée à mort pendant 10 ans au moins, violée plus de deux cents fois… et elle ne s’est jamais réveillée pendant ces actes ignobles, ni terminé aux urgences après une overdose. Elle ne s’est jamais rendu compte que quelque chose ne tournait pas rond chez son mari, elle le trouvait même plutôt attentionné, amoureux, adorable avec leurs petits-enfants, mais elle avoue à un journaliste que cet époux modèle lui avait proposé de rejoindre des partenaires échangistes, proposition qu’elle avait repoussée, non pas avec répugnance, mais, explique-t-elle, parce qu’elle n’avait aucune envie de coucher avec des inconnus – étonnant, non, pour une épouse vertueuse ? Les médecins consultés sur ces étranges pertes de conscience, malgré de nombreuses analyses, n’ont jamais rien trouvé d’anormal. Et puis, elle a eu la chance insensée de ne jamais contracter une maladie vénérienne, avec tous ces partenaires qui ne semblaient pas prendre de précaution particulière. Il y a aussi son attitude de plus en plus militante au fil du procès. Pourtant madame Pélicot ne donne pas l’impression d’être manipulée par des féministes hystériques. Elle s’exprime avec aisance, ses mots semblent pesés, réfléchis, adéquats. Son parcours professionnel est des plus honorables (cadre chez EDF dans un service de logistique pour les centrales nucléaires). Bref, elle sait ce qu’elle dit et elle sait ce qu’elle fait.
Et je ne peux pas m’empêcher de me demander : qu’est-ce que c’est que ce barnum ?