J’ai visionné avec un peu de retard le docu-propagande de France 2 « l’Algérie vue du Ciel », produit par le militant écologiste (les écolos ne sont pas à une contradiction près, j’aurais mieux compris qu’il filme "l’Algérie vue de ses pieds"), Yann Arthus Bertrand.
Autant l’avouer, je ne suis pas « fan » de ces images prises de haut qui rendent les choses tellement plus belles, mais aussi tellement artificielles, inodores et sans saveur. Et le film d’Arthus, c’est les bisounours à Disneyland, mais sûrement pas les Algériens en Algérie. Aussi, j’aurais certainement mis prématurément fin à ce dégoulinement saint-sulpicien s’il n’y avait eu le commentaire de Yazid Tizi, qui est, si j’ai bien compris, un de ces jeunes ( ?) Français, né en France, d’origine algérienne, et déchiré, cela peut se comprendre, entre sa nationalité Française bien confortable et ses origines Algériennes bien fantasmées.
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Le commentaire de Yazid Tizi était un modèle d’honnêteté intellectuelle (sans la moindre ironie). Bien sûr, il n’échappait à aucun des poncifs du genre. Comment pouvait-il en être autrement, quand les mêmes mensonges sont véhiculés à la fois par l’histoire officielle de l’Algérie et de la France ? Nous avons donc eu droit au dynamisme de la jeunesse algérienne, à l’excellence de son système éducatif (les jeunes qui « tiennent » les murs et se couperaient un bras pour un visa apprécieront), aux inévitables centaines de milliers de « martyrs » de la guerre d’Algérie - mais Tizi reconnaissait une fourchette (sic) de 300.000 à 1.500.000 tués -, à la réappropriation de l’Algérie par ses « propriétaires légitimes », grâce au sacrifice de ses valeureux combattants du FLN… bref, tout y est passé, comme d’habitude, mais avec modération, sans, pour une fois, en mettre une couche sur la torture pratiquée par l’armée Française [1] …
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Et peu à peu, sans probablement s’en rendre compte, emporté lui-même par les images splendides des ruines romaines de Tipaza, de Timgad ou de Cherchell, des forts espagnols, des villages de pêcheurs italiens, des immeubles haussmanniens, de la gare ou de la cathédrale d’Oran, du merveilleux port d’Alger, Tizi s’est mis à rendre hommage à tous les bâtisseurs de cette Algérie qui n’existait pas avant que la France lui donne son nom et sa réalité. Et puis, en soulignant fièrement les projets en cours de sa patrie de cœur, il avouait benoîtement que c’étaient des entreprises et des ouvriers chinois qui construisaient la grande Mosquée d’Alger, que les tours du front de mer Oranais s’élevaient grâce à des Français, des Suédois ou des Anglais, que l’Algérie, autrefois excédentaire, importait aujourd’hui plus de 80% de ses besoins alimentaires... et qu’il comprenait le déchirement des Pieds-Noirs chassés de « leur » terre légitime, pour qu’elle devienne ce qu’elle est aujourd’hui.
Bref, « l’Algérie vue du ciel », qui devait être le premier jalon du dispositif de campagne présidentielle de Hollande auprès des franco-algériens, s’est transformée en un hymne au passé colonial de l’Algérie. Comme quoi, on a beau se raconter toutes les histoires qu’on veut, les faits sont têtus. Cela vaut bien une histoire bônoise, non ?