Pourquoi ressortir cette affaire alors qu’il y a plus d’un mois qu’elle a fait la une de tous les médias, l’indignation de toutes les bonnes consciences ? Parce que comme pour Nicolas Bedos, comme pour Gérard Depardieu, cette envie de pénal qui gangrène nos sociétés et que dénonçait déjà Philippe Muray au siècle dernier ne fait que croître et embellir…
Une institutrice a donné une fessée à une petite fille de 3 ans… Elle aurait été plus avisée d’écraser un gendarme en fonçant sur un barrage, elle s’en sortirait mieux !
Je n’arrivais pas à en croire mes yeux et mes oreilles. Repassait en boucle dans tous les médias l’insupportable agression d’une petite fille innocente par une tortionnaire digne de figurer au palmarès des kapos nazis les plus sanguinaires. Vous vous rendez compte ! Une institutrice donnait une fessée (peut-on parler de fessée lorsqu’on ne porte qu’une seule fois la main sur le postérieur de quelqu’un, même avec une certaine force, je ne sais pas ?), suivie peu après d’une aspersion de ce qui semblait être de l’eau, à une petite fille de 3 ans (on nous l’a assez répété, qu’elle n’avait que 3 ans, la petite chérie) qui était manifestement en pleine crise… une crise qui avait commencé avant la réaction malencontreuse de l’institutrice, si l’on analyse attentivement la vidéo prise fort opportunément par une « maman » bien intentionnée.
On a tout entendu : un drame, une affaire gravissime, pour les appréciations les plus mesurées. Et puis, après une enquête approfondie, on découvre que l’institutrice était une récidiviste ! Il y a à peine 10 ans, elle avait giflé un élève ! Comment l’a-t-on laissée exercer après ce crime affreux ? L’ensemble des inquisiteurs et délateurs de notre beau pays (et Dieu sait qu’il n’en manque pas), accusent : négligence du directeur, pas de vague du rectorat, yeux grand fermés du ministre, en même temps du président, mutisme du pape…
Bon sang ! il s’agit d’une fessée, rien d’autre. La gamine était en pleine crise. Mon épouse qui s’y connait me dit que dans ces cas-là, il faut distraire l’enfant, lui raconter une histoire… Sauf que la petite n’était pas toute seule, il y avait une vingtaine de bambins dans la classe, et le risque que ça dégénère. Et puis il y avait la « cinéaste », tout heureuse de faire le buzz.
Alors je vais vous le dire crument. Cette affaire n’aurait jamais dû avoir lieu. La délatrice aurait dû garder sa vidéo pour elle, ou, encore mieux, ne pas la faire, et essayer plutôt d’aider la maîtresse à calmer le petit ange, quitte à informer la mère de ce qui n’est qu’un incident regrettable mais tout de même pas justiciable des travaux forcés. La mère aurait dû dans le meilleur des cas rencontrer l’institutrice, lui demander ce qui s’était passé, et essayer de peser le pour et le contre, plutôt que de se rendre directement au commissariat pour porter plainte, avec le seul témoignage d’une vidéo qui ne montre que la réaction de l’institutrice, mais pas ce qui l’a amenée à réagir aussi maladroitement.
Parlons-en, d’ailleurs, des conséquences prévisibles de tout ce cirque. La petite fille, si je ne m’abuse, a attendu pour être « gravement traumatisée » d’apprendre que ce que la maîtresse lui avait fait était très grave (je répète intentionnellement le mot grave, tellement cette affaire est grave – mdr). La mère, quant à elle, s’est répandue dans les médias, sans objection, sans contradiction, sans questionnement, pour expliquer que sa fille ne dormait plus, restait accrochée à ses jupes, ne voulait plus se rendre à l’école. Tu m’étonnes ! Mettez-vous à la place de la petite : on la fait examiner par un médecin pour évaluer son état physique, puis par un pédopsychiatre pour les séquelles psychologiques qu’elle ne manquera pas de présenter. Comment voulez-vous après les « agressions » qu’elle subit de son propre entourage, il n’y ait pas quelque chose qui se déglingue chez elle ? Et sera-t-on surpris dans 20 ans si on la retrouve portant plainte dans un commissariat parce qu’un « prédateur sexuel » assis à trois tables de la sienne, dans un restaurant, lui aura fait un clin d’œil jugé concupiscent ?… ce qui nous ramène aux plaintes contre Bedos ou Depardieu.
Quant à l’avocate de la mère (tiens, où est le père ?), elle a rapidement évoqué une indemnisation nécessaire par l’État du gravissime préjudice subi par sa cliente, c’est toujours bon à prendre. Tout cela pour une fessée… L’Occident est devenu fou. Je précise l’Occident, parce que partout ailleurs dans le monde, dans tous ces pays qui n’ont pas encore rencontré la lumière, quand un enfant revient de l’école en se plaignant d’avoir pris une gifle ou une fessée par son instituteur, il s’en prend une autre par la mère, puis par le père quand il rentre du travail, pour faire bon poids.
Bon, soyons sérieux un moment : et si l’on apprenait dans quelque temps que l’institutrice, clouée au pilori, menacée d’un procès en correctionnelle, dévastée par l’inquisition médiatique s’est suicidée ? Les charognards auront-ils un peu honte ?