On a gagné, on a gagné !!! C’est vrai, ils ont tous gagné. Même ceux qui ont été battus dimanche, si on y regarde de plus près, n’ont pas tant perdu que cela. Et si ça se trouve, ceux qui ont gagné n’ont peut-être pas tant gagné que cela non plus. Explications.
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Bon, d’accord, le parti Socialiste a pris une fessée sévère. Il n’y avait qu’à voir sur BFMTV la tête d’enterrement de Jérôme Guedj, futur ex-président socialiste frondeur du Conseil général de l’Essonne, pour s’en convaincre. Le pauvre en pleurait presque, à l’idée de devoir abandonner sa voiture de fonction, le chauffeur qui va avec, les indemnités et les frais de représentation afférents au poste, et toutes les menues compensations qu’il est si juuuuste qu’un serviteur du peuple dont l’abnégation est proverbiale se voie attribuer. Mais qu’allaient-il devenir, lui et ses enfants, hein ? Le peuple de gauche, honte à lui, qui ne s’était pas déplacé, avait-il conscience qu’il condamnait une famille exemplaire à la précarité ? Mon cœur en saigne encore. Allez Jérôme, du courage. Nous sommes avec toi. Et puis si tu as trop faim, il y a les restos du cœur, et si tu es à la rue, les associations que tu as fait financer à grands frais par le conseil général ne te laisseront pas tomber… Mesquine jouissance personnelle à part, et si je vous disais que le PS n’a peut-être pas tant perdu que cela ?
Sinon, ceux qui ont incontestablement gagné, c’est le tandem UMP/UDI. 67 départements, près de 2000 conseillers, par ici la bonne soupe, de quoi gâter la famille et les amis. Bon, vous me direz qu’à part se partager les postes, l’UMP et l’UDI-Modem ne sont d’accord sur à peu près rien, et que même à l’UMP, entre Vauthier ou Guaino et Juppé ou NKM, c’est l’union de la carpe et du lapin…
Enfin, il y a le Front National. Lui n’a gagné aucun département, malgré plus de 25% au premier tour de ces élections dites démocratiques (si, si, les auto-démocrates du monde entier nous envient ce tour de bonneteau), alors que même les communistes ont encore un département ! Les reports de voix au deuxième tour n’ont pas été ce qu’il espérait, et en définitive, il n’a que 62 conseillers sur 4108, c’est maigre.
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Et maintenant, alors quoi ?
Hé bien, ces élections ont montré que rien n’était joué pour 2017 - ne personnalisons pas encore les candidatures, mais restons-en aux formations politiques : que ce soit le PS, l’UMP ou le FN, aucun de ces trois partis n’est dores et déjà hors course, mais aucun n’est certain ni de gagner, ni même d’être au deuxième tour, tant la barre pour se qualifier risque d’être haute.
Pour l’UMP, si elle l’emporte presque à tous les coups au second tour, quel que soit son adversaire, c’est qu’elle bénéficie d’un vote de rejet du PS, et de méfiance vis-à-vis du FN. Ses résultats de premier tour ne sont bons qu’en apparence, ils seraient même médiocres s’ils n’étaient amalgamés à ceux des centristes. Si le candidat de l’UMP aux présidentielles est concurrencé par un UDI ou un Modem, voire un UMP dissident, il ne passera pas le premier tour.
Pour le PS, on s’aperçoit que si la gauche est unie derrière un seul candidat, ce qu’elle sait bien faire quand il y va de ses intérêts sonnants et trébuchants, et pour peu que la droite se disperse un tantinet, ce qu’elle sait bien faire aussi, il peut croire en ses chances de figurer au deuxième tour. Par contre, il n’a clairement aucune chance d’emporter l’élection contre un candidat de droite. Son seul espoir est que l’UMP soit éliminée au premier tour, et que face à Marine le Pen, le « Front Républicain » fonctionne encore, ce qui est loin d’être acquis.
Quant au FN, avec 25%, il n’est pas absolument exclu qu’il se fasse devancer par une droite et une gauche unies derrière un seul candidat... auquel cas il ne passerait même pas le premier tour !
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A l’aune de ces constatations, la stratégie des trois prétendants à ces élections présidentielles devient alors lumineuse :
Le FN, qui ne peut compter sur aucune alliance, doit aller chercher un par un les abstentionnistes et les électeurs de ses concurrents directs ou des petits partis, en leur proposant ce qu’ils veulent entendre. Il est condamné à une forme de démagogie que l’UMPS et les médias ne manqueront pas de souligner. C’est le jeu. Mais son plus gros problème, c’est de « maintenir la foi » chez ses militants. Le risque, avec ces élections perdues d’un cheveu, c’est le découragement. C’est pourquoi Marine le Pen va nécessairement mettre le paquet sur les Régionales, qui lui sont plus favorables. Du nombre de Frontistes élus aux Régionales dépendra en grande partie le sort du FN à la Présidentielle.
L’UMP, elle, a beaucoup plus à craindre du FN, qui mord à belles dents dans son électorat, que du PS. Le FN est son ennemi mortel, c’est lui et lui seul qui peut lui fermer la porte du deuxième tour. Il lui faut donc à la fois persuader les centristes de se ranger sous sa bannière, stopper l’hémorragie des électeurs de droite, voire ramener à elle des électeurs perdus. C’est le grand écart.
Le PS est lui aussi écartelé : il doit susciter la montée du FN, mais pas trop, on ne sait jamais, pour se trouver face à lui au deuxième tour. En même temps, il ne doit pas trop « taper » sur l’UMP et le Centre, pour que leurs électeurs se reportent sur lui. Mais il doit d’abord passer le premier tour en rassemblant toutes les « forces de gauche ».
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Alors le FN n’a d’autre choix que d’ « éclairer » les Français patriotes sur le bilan et les connivences de l’UMPS, de les appeler à se défendre contre les mondialistes eurocrates et xénophiles qui sont à la manœuvre du « grand remplacement », selon la formule de Renaud Camus, et de prôner une politique économique de fermeture relative, de redistribution (mais aux seuls Français) et de préférence nationale.
L’UMP est condamnée à poursuivre sa stratégie des départementales : beaucoup abandonner à ses alliés centristes pour les faire tenir tranquilles, annoncer à grand fracas des « mesurettes » supposées « de droite » (le voile à l’université, les repas dans les cantines scolaires), et marteler le vote utile (voter FN, c’est voter PS).
Quant au PS, s’il brandit à tout bout de champ l’épouvantail fasciste, ce n’est pas tant pour contenir le FN –les socialistes ne sont pas stupides au point de croire à l’efficacité d’un slogan aussi éculé -, c’est pour passer le premier tour en rassemblant le « peuple de gauche », qui adore entrer en résistance contre les forces du mal. Et comme il ne peut pas (trop) fâcher les électeurs de l’UMP, dont il a besoin pour battre Marine le Pen au deuxième tour, sur quel adversaire de la "droite républicaine" a-t-il imaginé de taper, pour récuser l’accusation infamante de "libéralisme" venue de la gauche extrême, et d’UMPS venue de la droite du même nom ? Sur Sarkozy, voyons ! Sarkozy, qui présente le double avantage de mobiliser sur la seule évocation de son nom toute la gauche contre lui, une partie du centre, et même de la droite, tout en restant dans la République…
Et la France, là-dedans ? Bof…