La condamnation d’Eric Zemmour dans l’affaire de Pétain et des juifs est passée sous les radars, dans le maelström provoqué par l’inéligibilité de Marine le Pen. Elle aurait pourtant mérité la Une de toute la presse, tant elle est symbolique de ce qu’est devenue la République des Juges.

Je n’ai pas souvenir d’affaire de presse dans laquelle, après qu’en première instance et en Appel un prévenu ait été deux fois relaxé, la Cour de Cassation soit amenée à se prononcer sur la légitimité de la double relaxe. Il en a pourtant fallu une, et c’est Zemmour, quel hasard !, qui en a bénéficié. Cette histoire est proprement ahurissante : Zemmour, comme chacun sait, avait soutenu face au mondain philosophe Bernard Henri Lévy que le maréchal Pétain avait sauvé les juifs « français » en négociant avec les allemands de ne rafler « que » les juifs étrangers qui, les malheureux, n’avaient pas fui à temps la zone occupée. Vous connaissez la suite, Zemmour poursuivi par toutes les associations bien pensantes qui aujourd’hui condamnent le « génocide » commis par les juifs sur les palestiniens ; Zemmour accusé de Pétainisme, lui, le gaulliste viscéral, qui, dans ses discours, cite de Gaulle toutes les trois phrases, à en exaspérer plus d’un (dont moi). Et, un comble, soupçonné d’antisémitisme, lui, le juif séfarade – après tout pourquoi pas, il y a bien des « Français de souche » islamo-gauchistes. Pour une fois, même la 17ème chambre, qui n’a pas la réputation de porter Zemmour dans son cœur, et qui en général le condamne allègrement quoi qu’il ait fait ou dit (voir sa condamnation récente après son commentaire sur les assassins de Thomas), l’avait relaxé, c’est vous dire si la plainte était sans consistance. Un jugement confirmé sans ambiguïté par la Cour d’Appel. Or, en général, lorsqu’il y a relaxe en appel, le ministère public n’insiste pas. Mais là, nous sommes dans un scénario sinon inédit, du moins exceptionnel, et qui ne devrait à la rigueur se produire (et encore, je n’en ai pas trouvé d’exemple) que dans des cas particulièrement graves. Alors comment comprendre que, malgré deux jugements allant dans le même sens, la relaxe en première instance, puis en appel, et une affaire qui relève plutôt de l’Histoire que du prétoire, le ministère public se soit quand même pourvu en cassation ? Et comment comprendre que la Cour de Cassation ait suivi le ministère public en invalidant les deux jugements, obligeant ainsi la cour d’Appel à prononcer une condamnation ? Je vous le répète, c’est inédit !
Se posent alors les « pourquoi du comment » : pourquoi le ministère public, en se pourvoyant en cassation, a-t-il désavoué les deux instances, dont au moins une n’est pas connue pour sa « clémence » envers Zemmour ? Parce que l’accusation trouvait cette relaxe scandaleuse, qu’il était impossible de laisser impuni un dangereux négationniste ? [Il faut ici rappeler une règle de procédure : ne peuvent se pourvoir en cassation en matière pénale que le défendeur (Zemmour en l’espèce) et le ministère public. Les parties civiles ne peuvent se pourvoir en cassation qu’en accompagnement du ministère public. Pour être clair, si le ministère public et le défendeur renoncent à se pourvoir en cassation, les parties civiles ne peuvent pas en avoir l’initiative, et le jugement est définitif.]
Et autre interrogation à laquelle je n’ai pas la réponse, n’ayant pas lu les attendus de la Cour de Cassation : sur quelles bases a-t-elle cassé le jugement de la Cour d’Appel ? La Cour de Cassation, pour citer le ministère de la Justice, « a pour mission de contrôler et d’unifier l’interprétation de la loi afin que les règles de droit soient appliquées de manière identique par l’ensemble des tribunaux et des cours d’appel de l’ordre judiciaire. Elle ne réexamine pas les faits qui sont à l’origine du litige, mais vérifie que la loi a été correctement appliquée et que les règles de procédure ont été respectées. »
Eh bien je vous soumets une explication plausible sinon possible, mais j’avoue que je marche sur des œufs : pour ce qui concerne le ministère public, il est très peu probable qu’un procureur ait pris seul l’initiative d’aller en cassation après deux jugements de relaxe, pour se voir une troisième fois débouté (au risque que cela fasse tache sur son CV). Il lui aura donc fallu des « encouragements », sinon des « instructions » ou des « pressions amicales ». Mais ne me faites pas dire, parce que jamais ô grand jamais cela ne se produirait dans notre pays des droits de l’homme, que le procureur aurait peut-être reçu la garantie que Zemmour serait cette fois condamné.
Décidément, il y a quelque chose de pourri au royaume de France.