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« La Fin du Reich » de Christophe Dutrône

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

René Schleiter invite à la lecture d’un ouvrage de Christophe Dutrône, historien.

♦ Voilà déjà un peu plus de six mois que Christophe Dutrône a fait paraître aux éditions du Toucan un superbe livre-album consacré à La Fin du Reich. Magnifiquement illustré par plus d’une centaine de photographies et de quelques cartes le plus souvent inédites, il retrace les dernières semaines de la Deuxième Guerre mondiale telles que les ont vécues militaires et civils allemands.
Cette fin de guerre pathétique est finalement assez mal connue des Français et l’ouvrage, exempt de tout esprit partisan, relate la mise à mort du régime national-socialiste sur le sol allemand.

L’ouvrage s’articule en quatre parties.
• Le livre s’ouvre sur une « veillée d’armes »

Les armées alliées à l’Ouest sont sur la rive gauche du Rhin, tandis que l’Armée rouge reconquiert la Biélorussie. Le peuple allemand, quant à lui, « est en proie à une inquiétude croissante ». Les raids aériens sur l’Allemagne s’intensifient, villes et usines sont ciblées et la Luftwaffe est clouée au sol. On parle beaucoup des « armes miracles » du Troisième Reich…
Le moral du peuple vacille. La tragique péripétie de Nemmersdorf est exploitée par Goebbels pour tenter de « galvaniser l’esprit de résistance ». L’auteur s’est abstenu d’en produire les abominables photographies qui ont circulé par ailleurs.
• « L’attaque des marches germaniques » et ce seront les dernières batailles lancées à l’Ouest par Hitler

Dès janvier 1945, après une tentative dans laquelle sont engagés 200.000 hommes – c’est la Bataille des Ardennes, qui échoue –, un affrontement très meurtrier se déroule en Alsace où, comme dans les Ardennes précédemment, les troupes allemandes dépourvues d’approvisionnement sont tenues de suspendre définitivement les opérations.

De leur côté, les Russes ne perdent pas la main et préparent une action d’envergure qui visera la Prusse Orientale et le territoire polonais, en ligne droite vers Berlin.

La bataille débute le 2 janvier 1945. Le 17, c’est la prise de Varsovie évacuée par les Allemands ; puis c’est le tour de la Silésie avec son bassin industriel.
Si en Pologne « des mesures d’évacuation des populations allemandes avaient été prises », il n’en fut pas de même en Prusse Orientale et l’offensive russe suscite « des mouvements de panique difficilement contrôlables qui ont jeté plus de deux millions d’individus sur les routes ». Ce fut le début du « Grand Trek ».

« Cet afflux de réfugiés (de réels réfugiés) s’est déroulé dans un véritable climat d’apocalypse » : plus de trains vers l’Ouest ; certains ont voulu gagner la mer, espérant y trouver des bateaux : que nenni, point de bateaux. Les foules s’entassèrent donc sur les presqu’îles. Plus d’un demi-million de réfugiés étaient « soumis aux attaques aériennes de l’aviation soviétique », aux ruptures de glace et aux températures extrêmement basses. On a compté près de 30.000 morts. Christophe Dutrône rappelle le torpillage par un sous-marin russe du navire de croisière Wilhelm Gustloff surchargé de femmes et d’enfants et de prisonniers de guerre français en évacuation vers l’Allemagne, le 30 janvier 1945.

Pour toute cette période de combats extrêmement durs, tant pour les militaires – quel que soit le camp auquel ils appartenaient – que pour les populations allemandes, l’auteur fait appel à des témoignages de toute origine : officiers et sous-officiers britanniques et américains (p. 66, 70, 72, 74), prisonniers de guerre français (p. 78, 84), une jeune fille allemande (p. 81), un officier et un tankiste soviétiques (p. 89-90), cette liste n’étant pas exhaustive.
• « Rupture des digues »

Dans cette troisième partie, on assiste au début du lâchage idéologique chez certains Allemands. Nous sommes en février 1945. On peut les comprendre : le sort auquel ils sont soumis par les Alliés peut largement l’expliquer, encore que « du fait de l’encadrement idéologique et de la discipline [congénitale] qui y règne, la crise morale est moins forte dans l’armée que dans la société civile (p. 94).

Devant la perte d’autorité du Parti, surtout dans la zone orientale de l’Allemagne, une reprise en main voulue par Himmler et Bormann « met clairement en garde les membres du Parti contre toute tentation de leur part ou de la part de leur famille de se soustraire à leurs devoirs » (p. 96). Un fort climat idéologique et de propagande s’instaure dans le pays. Le recours à l’histoire est utilisé pour exalter la résistance nationale. Malgré tout, le régime s’effrite, des tractations avec l’ennemi sont lancées à l’écart du Chancelier dont l’état physique se dégrade.

Les Alliés progressent, tant à l’Ouest qu’à l’Est ; des Britanniques, des Américains et des Français se préparent à franchir le Rhin dans lequel les Allemands nourrissaient un petit espoir (un court dossier est consacré au Pont de Remagen dont la destruction par ses gardiens a raté… p.101 et 102).

Nous sommes en mars 1945. L’Allemagne est à bout de souffle ; les tentatives de propagande lancées par Goebbels n’ont plus aucun effet, la disproportion des moyens humains et matériels entre le Reich et ses adversaires est trop grande pour résister et le délitement de l’armée va de pair avec celui des civils : drapeaux blancs, déserteurs, redditions…

A nouveau, l’auteur reproduit des témoignages d’origines diverses :

- soviétique (p. 116-118, 140), qui, là encore, évoquent « l’impunité avec laquelle les soldats russes pouvaient se livrer aux pires exactions » ;

- britannique (p. 120), un témoignage plus raffiné, tout en s’extasiant sur les décombres du centre ville de Clèves en Rhénanie-du-Nord-Westphalie ;

- allemande (p. 123), celui d’un combattant ;

- américaine (p. 128, 143-144, 147), avec la course vers le Rhin ;

- française (p.137), celui d’un réfractaire au STO et une rencontre avec des Mongols, « à la mine patibulaire », sous l’uniforme soviétique.

Selon des témoignages américains, la marche vers Berlin n’était pas une promenade de santé. Les Allemands savaient encore se battre. Le récit du capitaine Felix Sparks (p. 128) met en lumière la défense acharnée à laquelle les Alliés pouvaient être confrontés pour la prise de certaines localités. Les pertes en hommes étaient souvent importantes.

Du côté allemand, les punitions étaient sévères et définitives et les consignes données étaient exécutées : il n’était pas rare de rencontrer des soldats pendus à une potence, une pancarte au cou avec l’inscription sommaire : « Celui qui combat peut mourir. Celui qui trahit sa patrie doit mourir » (p. 98). C’est ce qu’ont découvert, par exemple, les soldats américains à l’issue de durs combats à Aschaffenburg en Bavière.
• L’apocalypse

Nous sommes début avril 1945.

Le Rhin une fois franchi par les troupes de l’Ouest, la population civile considère qu’il est inutile de poursuivre le combat, espérant surtout des Américains, des Britanniques et des Français qu’ils les préserveront des Russes.

Le pays est totalement désorganisé. La pénurie est totale. L’Ouest a accueilli 1.250.000 réfugiés venus de l’Est. Il demeure cependant une vie sociale : la radio fonctionne, en dépit de pannes fréquentes, les cinémas sont ouverts, évidemment tout cela sous la haute surveillance du ministère de la Propagande. L’administration continue cahin caha et, malgré le peu d’empressement de son peuple à poursuivre le combat, Hitler reste au sommet de l’Etat, refusant toute idée de négociations avec les Alliés.

Au cours des derniers mois de la guerre, Hitler n’apparaît plus en public. C’est un grand malade : la maladie de Parkinson dont il souffre déjà depuis l’été 1941 gagne du terrain. Son évolution s’accentue et le Chancelier a du mal à se mouvoir. Il est devenu un vieillard avant l’âge.

Au 21 avril, l’Armée rouge est à 12 km de Berlin qui, dans les jours qui suivent, est totalement encerclé. La fin approche et, dans le bunker souterrain de la Chancellerie, le Führer, entouré des généraux Keitel et Jodl, perd en quelque sorte la raison. Cette fin de règne est fort bien décrite, jour par jour, par Christophe Dutrône, sans sensiblerie ni dramatisation excessive. La question de la succession d’Adolf Hitler à la tête du Reich se pose et l’on assiste, inévitablement en de telles circonstances, à des rivalités fantasmagoriques : Goering se croit le légataire naturel du pouvoir, tandis que Himmler envisage encore de proposer aux Alliés anglo-saxons une paix séparée. L’un comme l’autre sont rejetés par Hitler et destitués de leur titre (compte tenu des événements le mot de fonction n’a plus cours).

Le 30 avril, les Russes ayant atteint le périmètre de la Chancellerie, Hitler, après avoir épousé sa compagne Eva Braun et désigné l’amiral Dönitz pour exercer la présidence du Reich, met fin à ses jours, suivi en cela par Joseph et Magda Goebbels, après avoir empoisonné leurs six enfants.

Le Troisième Reich n’est plus. L’amiral Dönitz fera tout pour tenter d’éviter à un maximum de soldats et de civils allemands de passer sous la coupe des Soviétiques, essayant de gagner du temps en négociant des redditions partielles à l’Ouest, mais il sent de la part des chefs anglo-américains des réticences à ne pas inclure des Russes dans ces pourparlers et c’est ainsi que le pouvoir lui échappe rapidement et que l’acte de capitulation sans conditions sera signé le 7 mai 1945 au quartier général d’Eisenhower à Reims, en présence du général américain Bedell Smith et de son homologue soviétique, le général Ivan Souslaparov.

Le livre ne se ferme pas sur ce très important événement historique. Le 23 mai, le gouvernement Dönitz à Flensburg est arrêté et ses membres sont emmenés en captivité en attendant d’être traduits devant ce qui sera le Tribunal de Nuremberg (l’amiral Dönitz sera condamné à dix années de prison).

Les dernières pages sont illustrées de photographies intéressantes et très instructives sur l’état des troupes vaincues. On y voit notamment des groupes de soldats allemands composés de jeunes garçons issus des Jeunesses hitlériennes et mobilisés à la dernière heure comme auxiliaires de la Wehrmacht généralement utilisés au sein d’unités antichars. S’y trouvent aussi des témoignages de soldats russes et allemands, de soldats français, d’une jeune mère de famille allemande habitant Berlin et des groupes de réfugiées accompagnées d’enfants dans les ruines de Berlin.

A ce dernier propos, on ne peut s’empêcher d’esquisser une comparaison entre ces millions de réfugiés (on cite le chiffre de 13.000.000), femmes, enfants, vieillards, chassés de leurs terres ancestrales en un quart d’heure et jetés sur les routes sans espoir d’être accueillis par quiconque, et les « réfugiés » d’aujourd’hui attendus – quand ils ne sont pas appelés (n’est-ce pas Madame Merkel ?) – par des comités d’accueil, nourris, logés, soignés, habillés et imposés aux autochtones…

L’ouvrage de Christophe du Trône est ce qu’on appelle un beau livre qui pourrait être offert aux adultes comme aux adolescents à l’occasion des fêtes de fin d’année et trouver sa place dans nos bibliothèques.

René Schleiter
Polémia
3/11/2015

Christophe Dutrône, La Fin du Reich / Avril, Mai 1945, Images inédites de la chute de l’Allemagne nazie, Editions Le Toucan, mars 2015, 223 pages, 120 illustrations.

Historien diplômé en histoire militaire, chroniqueur pour de nombreux journaux spécialisés, Christophe Dutrône est spécialiste de l’armée française.

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Voir en ligne : http://www.polemia.com/la-fin-du-re...