Elle est là ! Elle arrive… Greta Thunberg est attendue à Paris, demain. Elle devrait visiter l’Assemblée nationale, où certains élus ont le mauvais goût blasphématoire d’appeler au boycott du « gourou apocalyptique ». L’excellent Jean-Paul Brighelli nous rappelle en quoi la Suédoise à couettes n’est que le produit de peurs irrationnelles, lesquelles sont « propres à favoriser l’essor d’une nouvelle religion »…
Peut-être vous rappelez-vous Marie Alacoque (1647-1690). Mystique attachée au mystère du Sacré Cœur de Jésus, elle fait partie de ces bienheureuses qui, habilement manipulées par les Jésuites (en l’occurrence Claude La Colombière, 1641-1682), réorientèrent la politique française autour de la révocation de l’édit de Nantes (1685). Mais vous vous souvenez sans doute de Bernadette Soubirous (1844-1879), à qui la Vierge apparut 18 fois à Lourdes (nous lui devons de savoir que Marie parle occitan), ce qui a permis à L’Église de réactiver le sentiment religieux dans la France post-révolutionnaire. Les témoignages de Catherine Labouré, à qui la même Vierge est apparue rue du Bac juste avant la révolution de 1830, ou de Mélanie Calvat, à qui la sainte mère fit le même coup peu avant celle de 1848, ne s’étaient pas révélés totalement concluants, sur le plan politique. Mais face à une IIIe République obstinément laïque, L’Église put compter, dans le dernier quart du XIXe siècle, sur Thérèse de Lisieux — une aubaine, au moment où le pape Pie IX publie à la fois l’encyclique Quanta Cura et son Syllabus (1864), condamnations sans réserves de la séparation de l’Église et de L’État dont l’idée germait alors chez les vrais Républicains…
Ne nous moquons pas ; après tout, 1,8 milliards de musulmans croient que l’archange Gabriel est venu visiter un chamelier au VIIe siècle…
Mais ça, c’était avant.
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Désormais nous avons Greta Thunberg, zélote de la dernière religion à la mode, l’écologisme intégral — qui, comme le bronzage du même nom, ne laisse aucune espèce dans l’ombre, à part l’humanité.
Une spécialiste de Malraux me dit un jour que l’affirmation du plus célèbre des gaullistes opiomanes (« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas ») était introuvable dans l’œuvre de l’ancien ministre de la Culture, mais qu’il n’était pas exclu qu’il ait pu proférer la phrase, entre deux pipes. Quoique l’auteur de la Condition humaine préférât en général « spirituel » plutôt que « religieux », prenons au sérieux la citation, pour apocryphe qu’elle soit, ne serait-ce qu’en raison de son succès, qui signifie quand même quelque chose.
Nous assistons en effet à un retour (de bâton) du religieux depuis une quarantaine d’années. Les catholiques, avec la Fraternité de saint Pie X, ont ouvert le feu en 1970. Les sectes protestantes, avides de ramener à la foi les hippies dégénérés, sévissent un peu partout, et sont en passe de convertir le Brésil. Les Islamistes, confortés par les Frères musulmans et tous les cinglés du wahhabisme, sont repartis à la conquête du monde. Mais avec l’écologie profonde (deep ecology dans l’anglais d’Arne Næss, un autre Scandinave illuminé), nous avons droit à la version inspirée de ce qui aurait dû rester une science — nécessaire — des relations inter-environnementales.
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C’est en suivant les consignes de ces activistes pas du tout fanatiques que Douglas Tompkins, par exemple, a racheté 810 000 hectares de Patagonie à des paysans déshérités qui se cassaient le dos depuis des générations à tenter d’arracher cette terre ingrate à une nature hostile, puis a cassé les canaux creusés pour assainir le sol, réintroduit les moustiques, qui méritent autant que nous de sucer le sang des pauvres, et finalement rendu les terres au gouvernement argentin, à condition d’en faire un sanctuaire à l’abri de l’homme, cet animal dégénéré. L’effort de dénaturation entrepris patiemment depuis la révolution néolithique, qui a fait des paysages des productions humaines, doit cesser. Le transhumanisme, c’est la sacralisation du diptère — que l’on voudra bien cesser de sodomiser. Back to the trees ! comme dit l’oncle du héros de Pourquoi j’ai mangé mon père — lecture indispensable s’il en est.
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La menace du « bug de l’an 2000 » ayant fait « pschitt », les millénaristes du temps présent ont trouvé l’écologie pour alimenter les peurs irrationnelles propres à favoriser l’essor d’une nouvelle religion. Nous voici menacés d’une « sixième extinction », celle de l’Holocène. Nous n’étions pas là lors des précédentes, qui du coup nous passent un peu par-dessus la tête, même si elles ont fourni de jolis sujets au duo Crichton / Spielberg. Mais la prochaine, nous la vivrons en direct live — ou en direct death. Pour corser l’affaire, et conformément au schéma religieux, nous sommes sommés de nous sentir coupables de la disparition des pandas — alors que la récession continue de ces créatures incapables d’assimiler 90% de la nourriture spécialisée qu’elles ingèrent (le bambou) est la preuve formelle de la sélection darwinienne. N’importe : « C’est ma faute, c’est ma très grande faute… »
Manquait une icône féminine pour donner un visage à la prédication. Aymeric Caron — Philippulus le prophète, né chez Tintin et réincarné chez Ruquier — a beau se coiffer comme le Christ de Zeffirelli et se présenter …