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La Constitution française à l’épreuve syrienne

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Depuis plusieurs jours et encore plus récemment et avec plus de force à la tribune de l’Assemblée nationale, des voix s’élèvent tant dans la "majorité" élargie que dans l’opposition pour réclamer un vote du Parlement sur l’engagement des forces armées françaises dans une expédition punitive contre le régime du dictateur Bachar El Assad. L’Exécutif répond, fort justement, que la Constitution française ne prévoit pas une telle expression des assemblées parlementaires, limitée éventuellement à un débat. En tout état de cause, une décision en ce sens (vote) relève de la seule décision présidentielle ne cesse de marteler le Premier ministre.

Avant d’examiner concrètement la situation d’une intervention militaire contre la Syrie au regard de l’article 35 de la Constitution française, remarquons que l’affaire syrienne réveille l’élan parlementariste en France. On peut s’en réjouir à première vue mais comme trop souvent on sous-estime les conséquences de ce qui peut apparaître comme une évidence, voire un progrès démocratique.

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Rien de nouveau en réalité sous cet angle, la révision constitutionnelle de 2008 ayant enclenché une dynamique en cette direction, au risque d’ailleurs sur certaines dispositions modifiées d’entraîner une instabilité politique. Mais ne soyons pas dupés par les faits et leur enchaînement institutionnel chez nos alliés. En Grande-Bretagne, la sollicitation des députés est traditionnelle. Si à l’occasion du dossier syrien, les élus de la Chambre des Communes ont rejeté pour la première fois depuis 1782 une motion présentée par le Cabinet en faveur d’une action militaire, leur vote n’est qu’indicatif. Mais là encore, les Premiers ministres se conforment à la décision parlementaire. Aux États-Unis, la prétendue volte-face présidentielle (décision d’en appeler préalablement au Congrès) ne peut s’expliquer que par des considérations liées à des difficultés de dégager une coalition internationale, surtout après le refus exprimé par les députés britanniques.

En réalité, la loi sur les pouvoirs de guerre (War Powers Act) du 7 novembre 1973 est claire : le Président doit informer le Congrès de tout projet d’intervention armée à l’extérieur ou, à défaut, dans les quarante-huit heures suivant les premières frappes, ce qui est la norme constatée. Les parlementaires ont le choix d’autoriser, de rejeter toute intervention ou de ne rien voter auquel cas l’Exécutif a les mains libres pendant 60 jours au minimum. La norme là également. En France, l’article 35 de la Constitution revisité en 2008 oblige seulement le gouvernement à informer la représentation nationale dans les 3 jours qui suivent une intervention armée extérieure. C’est déjà un progrès par rapport à sa rédaction initiale. Mais il n’est nulle part écrit la nécessité d’un vote hors le cas d’une durée d’intervention excédant quatre mois.

Les parlementaires qui réclament l’organisation d’un vote restent muets sur la procédure à imaginer. En effet, si vote il y a par la volonté présidentielle, il ne peut déboucher que sur un avis et non une décision liant le Chef de l’État, Chef des armées et seul titulaire, faut-il y insister, du feu nucléaire. C’est déjà beaucoup. Mais quelle conséquence si l’Assemblée nationale approuve et le Sénat rejette une demande d’intervention extérieure ?

Si l’on s’en tient à l’article 35, alinéa 3 (autorisation demandée pour une prolongation d’une intervention au-delà d’un délai de quatre mois), la logique est d’accorder la priorité à l’Assemblée nationale. Peut-être. Mais quelle image et quel effet sur la décision de la représentation nationale que celle qui verrait s’opposer les deux institutions parlementaires ! En effet, il n’est jamais question à l’article 35 -dans ses dispositions qui font intervenir les instances parlementaires- du "Parlement réuni en Congrès", qui seul offrirait la certitude d’une décision unique.

Pour éviter une telle issue, toujours imaginable surtout avec un Sénat aujourd’hui fragilisé par les communistes et les écologistes qui ont défié à plusieurs reprises le gouvernement sur des textes importants (financiers notamment), le texte constitutionnel offre une parade et prévoit une facilité.

La parade c’est l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur le fondement de l’article 49, alinéa 1. Par cette disposition, utilisée par le gouvernement Rocard en 1990 pour la première guerre du Golfe, l’Exécutif sollicite la confiance de l’Assemblée nationale sur une déclaration de politique générale, et d’elle seule (exit le Sénat qui appréciera de ne pas être consulté selon une procédure similaire sur le fondement de l’article 49, alinéa 4 mais qui ne peut aboutir juridiquement à la démission du gouvernement à la différence de celle suivie à l’Assemblée Nationale).

La facilité, et certainement la solution politiquement la plus appropriée, est en fait le vote d’une résolution en vertu de l’article 50-1 de la Constitution par laquelle les assemblées expriment un point de vue politique sur une question dont elles sont saisies par le gouvernement ou par un groupe parlementaire, y compris de l’opposition ou minoritaire. Le vote, approuvé par le gouvernement, n’engage pas la responsabilité du gouvernement. Il n’aboutit qu’à un avis.

Si malgré ces voies constitutionnelles ouvertes, le Président de la République, gardien de la Constitution aux termes de l’article 5 de la Constitution, décidait finalement d’autoriser un vote du Parlement par une lecture imprudente de l’article 35 (ce qui n’est pas écrit n’est pas interdit), il participerait de l’émergence d’une convention constitutionnelle (pratique en marge de la Constitution, voire inconstitutionnelles) qu’il serait bien difficile de défaire par la suite. On peut le critiquer. On peut s’en féliciter.

Là n’est pas la question. Les parlementaires font valoir que le Président ne peut agir sans l’approbation des représentants de la nation. Mais le Président, élu au suffrage universel direct, représente la nation au même titre que les parlementaires, et peut-être mieux qu’eux car élu par un seul corps électoral.

Les gaullistes renieraient-ils ce fondement de la Vème République depuis 1962 ? Le Président doit-il être prisonnier des contingences partisanes et de politique intérieure ? La réponse tombe sous le sens : non. Pour autant, la situation particulière résultant de l’absence de légalité internationale implique, à coup sûr, une expression claire mais non décisive des élus du peuple. La Constitution leur en donne les moyens.

À eux de prendre leurs responsabilités plutôt que de rejeter systématiquement sur l’Exécutif une inertie qui ne traduit qu’une lecture respectueuse du texte constitutionnel. Or le Président est le gardien de cette Constitution ? Quel paradoxe -pour ne pas dire quelle ironie- pour des membres de l’opposition déclarée ou larvée- de demander au Chef de l’État de ne point respecter le texte suprême de notre République !

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