Badinter a fait voter l’abolition de la peine de mort. La belle affaire, dont nous ne finissons pas de payer les conséquences.
Macron adore ça, les hommages. Avec l’hommage à Robert Badinter, Il doit en être à près de 30 depuis sa première élection. Faire le kéké, c’est sa raison de vivre. D’ailleurs, si on y réfléchit, il ne fait rien d’autre. Mais ce n’est pas de lui que je veux parler aujourd’hui, mais de l’ancien garde des sceaux, l’homme qui a fait sortir la France des ténèbres pour la placer en pleine lumière. Grâce à lui, en France, on ne tue plus… que la victime, si j’ose dire. L’assassin, lui, peut dormir tranquille dans sa prison trois étoiles (quand il est emprisonné, ce qui n’est pas toujours le cas, loin de là), sans vivre l’angoisse d’être réveillé au petit matin par son avocat, le directeur de l’établissement, le coiffeur qui lui dégagera la nuque pour que le couperet glisse mieux, des gardiens musclés au cas où il faudrait convaincre le futur décapité de suivre bon gré mal gré la procession pré-funéraire jusqu’à la « veuve », enfin le curé, l’imam ou le rabbin s’il croit en l’au-delà.
Badinter, que voulez-vous, était un homme sensible, un vrai cœur artichaut, toujours prêt à défendre non pas la veuve et l’orphelin, mais plutôt celui qui les avait réduits à cet état civil. Avocat des pires criminels de son époque, il utilisait tous les arguments, y compris les plus saignants, les plus abjects (oui, oui, j’assume ce terme, lisez en fin de tribune) pour leur épargner la guillotine… peut-être aussi ne manifestait-il pas un enthousiasme débordant à l’idée de devoir se lever avant l’aube pour assister au décollement de ses clients. En tout cas, ce que l’on peut dire, c’est que la suppression de la peine de mort, qui était, il faut le reconnaître, déjà très peu appliquée avant son abolition, a provoqué, tous les juristes sérieux vous le diront, un bouleversement de tout l’édifice judiciaire. Le ver était déjà dans le fruit avant Badinter, mais c’est à partir de 1981 et le militantisme du garde des sceaux, que l’on s’est « officiellement » mis à considérer que la peine de prison, à ne prononcer qu’avec parcimonie, devait avant tout servir à réinsérer le délinquant ou le criminel, qui était lui aussi une victime, mais de la société. La victime de la « victime de la société » a été depuis, peu à peu, passée en pertes et profits. Exit la fonction originelle de la peine, la punition du coupable (œil pour œil, dent pour dent), qui, en satisfaisant les proches de la victime, permettait d’éviter que la vengeance privée décime des familles entières. Plus fort de café, alors que les criminels, une fois entre les mains de la justice, bénéficient de toutes les garanties offertes par le fameux « État de Droit », avocats gratuits, expertises, soins médicaux, présomption d’innocence jusqu’à la condamnation, multiplication des recours, aménagements de peine, sorties, chambre nuptiale, libérations anticipées…les victimes (lorsqu’elles survivent), et leurs proches sont totalement, je dis bien totalement, ignorées par cette même justice. S’ils souhaitent se porter partie civile, ils paient leur avocat et les frais de procédure. On ne les informe jamais des suites judiciaires, ni de la remise en liberté éventuelle de leur bourreau. C’est cela, ce qu’est devenu la justice des lumières, le monde à l’envers. Et Badinter en est l’un des initiateurs. Alors non, je ne lui rendrai pas hommage. Même si sa famille a été décimée dans les camps de concentration, même s’il s’est battu pour dépénaliser l’homosexualité (on ne précise pas qu’il souhaitait aussi dépénaliser les relations homosexuelles entre un adulte et un adolescent de plus de 15 ans), qui l’était déjà de fait. Même s’il a lutté contre l’antisémitisme, dont il a mis longtemps à nommer les auteurs d’aujourd’hui. Non, le bilan de Robert Badinter n’en fait pas un saint laïc, tout juste un homme de convictions, bonnes ou mauvaises, mais constantes, ce qu’il faut lui reconnaître.
Il n’empêche que depuis Badinter, le pire des criminels a une bonne chance de sortir un jour de prison. Ses victimes, elles, n’ont aucune chance de quitter leur cercueil.
Note : Pour ceux que cela intéresse, j’avais écrit en 2010 une tribune, « démocratie et peine de mort », dont je vous livre un extrait.
« Je terminerai par l’argument avancé par Badinter à l’époque, et que je trouve pour ma part révoltant : la peine de mort ne console pas les familles de victimes. Ah oui ? Qu’est-ce qu’il en sait, Badinter ? Sans doute pense-t-il que ça doit être un réconfort, pour la mère d’un enfant violé et assassiné, pour l’épouse d’un flic abattu par un voyou, de se dire tous les matins en se levant qu’au même moment, l’assassin de leur fils ou de leur mari se réveille dans sa prison ; tous les soirs, qu’il se couche, peut-être en rêvant à l’enfant qu’il a violé, ou à son exploit d’avoir descendu un keuf… Et tous les jours, le journal, les infos à la radio, et l’angoisse de lire ou d’entendre un jour que le bourreau de l’enfant ou du flic va être libéré pour bonne conduite. Ce n’est pas de la barbarie, ça ? »