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Mai et Juin 1962 : Arrivée massive des « Pieds-Noirs » à Nice.

, par  Manuel Gomez , popularité : 54%
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Mai et Juin 1962 : Arrivée massive des « Pieds-Noirs » à Nice.

(Source : Institut d’histoire du temps présent/cnrs - Daniel Olivesi.

A la fin de l’année 1962, environ 17.000 dossiers dont 12.000 depuis la signature des « Accords d’Évian » et de l’indépendance algérienne, ont été traités à Nice. La population secourue représente un total de plus 60.000 rapatriés pour l’ensemble du département, qui ont préféré, et on les comprend, « La valise » au « Cercueil » (surtout à la fosse commune)

Entre 1960 et 1962, la capitale azuréenne gagne 48 000 habitants (de 247 000 à 295 000), réalisant un taux de croissance proche des 20 %.

Le Comité d’aide aux rapatriés, placé sous le parrainage moral d’Antoine Pinay, organise le 17 octobre 1962, à Nice, salle Bréa une réunion privée d’information sur le thème : « Problèmes actuels des rapatriés et perspectives ».

Les promoteurs de cette réunion ont obtenu le concours d’un ténor parlementaire de la droite nationaliste et de l’ex mouvement poujadiste, et un des plus ardents supporter de la cause de « L’Algérie Française », le député de la Seine, Jean-Marie Le Pen. Devant un auditoire de 1 300 personnes, composé pour l’essentiel de jeunes rapatriés survoltés, Le Pen n’a pas besoin de forcer ses talents d’orateur et de tribun pour remporter une véritable triomphe en dénonçant les « agissements douteux et les exactions des barbouzes » et en réclamant « une indemnisation intégrale par l’État des pertes matérielles subies par les rapatriés, comme pour les autres dommages de guerre ». Jacques Peyrat (Qui deviendra maire de Nice) cet ancien d’Indochine s’élève notamment contre les poursuites judiciaires lancées par le régime « contre de nombreux officiers restés fidèles à la parole de la France ». Il deviendra, quelques années plus tard, maire de Nice.

À Nice, comme partout où les Pieds-Noirs vivent nombreux, la classe politique se détermine désormais par rapport à eux. Pratiquement tous les organes de presse ouvrent ou alimentent de façon régulière une rubrique intitulée : « Défense des rapatriés » ou « Chez les rapatriés » ou encore « Chez nos compatriotes d’Afrique du Nord ».

Le front commun Médecin/rapatriés se consolide pendant l’année 1964. En juin, la déclaration du général De Gaulle à Saint Quentin sur la réussite de sa politique algérienne, accompagnée d’un hommage au patriotisme des rapatriés suscite la même réaction indignée du maire et des associations de pieds-noirs, qui estiment d’un commun accord que cette « auto absolution » équivaut à une « monstrueuse tromperie de l’opinion ».

Nice constitue un cas exemplaire. Plus qu’une entente, c’est une véritable alliance qui est négociée et passée au début de l’année 1965 en vue des élections municipales. Dans un document adressé à tous les rapatriés vivant dans les Alpes-Maritimes (daté du 4 mars 1965), la Fédération mise en place quelques mois auparavant engageait clairement et fermement chaque pied-noir à apporter son soutien actif, et bien sûr son bulletin de vote, au seul candidat considéré comme un ami fidèle : Jean Médecin.

Jean Médecin avait été le premier maire de France à créer en 1962 un service municipal des rapatriés. Il avait toujours lutté pour le maintien de « L’Algérie Française ». Il avait toujours eu le courage de prendre position publiquement en faveur de l’amnistie et de l’indemnisation. En clair, le maire de Nice recevait un brevet de bonne conduite « algérienne ». Il trouvait ainsi la récompense, dit un rapport de police de l’époque, « de sa politique violemment antigouvernementale et de ses déclarations démagogiques en direction de la masse des rapatriés ».

Il n’est pas exagéré de dire que la réélection triomphale de Jean Médecin en mars 1965 doit beaucoup aux rapatriés. Par rapport au scrutin municipal précédent (celui de 1959) Nice compte 20 000 électeurs inscrits de plus. Pour l’essentiel, un électorat pied-noir qui semble avoir fait bloc et voté comme un seul homme. À lui seul, cet électorat qui représente environ 15 % des inscrits a fait pencher la balance. En recueillant 54 % des suffrages exprimés, Jean Médecin était élu au premier tour avec la totalité de ses colistiers. Il remportait les 36 sièges à pourvoir. Il écrasait ses adversaires en réunissant 66.166 voix, soit un total largement supérieur aux voix communistes et gaullistes additionnées : 30 290 + 26.780.

À Cannes aussi, les 2 000 rapatriés avaient largement contribué à la nette victoire de Bernard Cornut-Gentile. Partout dans le département, « les pieds-noirs avaient voté dans l’honneur », comme l’écrira Manuel Gomez.

1965 sur la Côte d’Azur, correspond vraiment au « printemps des rapatriés ». Celui de l’espoir, pour une communauté qui a trouvé à Nice une ville refuge, une terre d’accueil et en la personne du « roi Jean », un protecteur passionné et déterminé qui leur a offert une première et vraie revanche sur De Gaulle et la Ve République dont ils sont les principales victimes.

Ce mariage d’amour, cette lune de miel entre le maire de Nice et « ses » pieds-noirs se concrétise au lendemain de la victoire des municipales par la naissance, le 26 avril, de « Midi », magazine pied-noir, baptisé dans les salons de l’hôtel Splendid à Nice, en présence du premier des Niçois, leur maire, Jean Médecin.

« Midi » est un magazine écrit par des pieds-noirs, pour les pieds-noirs de la Côte. Le numéro 1 qui sort en mai 1965 consacre deux pages entières à Jean Médecin, sous la forme d’une interview amicale conduite par Manuel Gomez.

« Jean l’Africain » y redit tout l’amour qu’il porte aux rapatriés, les assure de son amitié indéfectible et se déclare prêt à poursuivre le combat à leur côté pour l’amnistie sans laquelle ils ne pourront jamais se sentir chez eux en France et pour l’indemnisation. Le bienfaiteur multiplie les gestes de bonne volonté dans toutes les directions et évoque même la construction prochaine d’un « Mémorial des rapatriés », trait d’union avec la terre d’Afrique, pour lequel il affirme avoir donné un « magnifique terrain très bien situé en hauteur ».

Jusqu’à la fin de l’année 1965, moment du décès du maire de Nice, "Midi" consacrera à ce dernier un ou plusieurs articles dans chacune de ses livraisons mensuelles. L’éloge est toujours appuyé, chant d’amour sincère et dithyrambique à la fois. Jean Médecin et son héritier sont régulièrement associés aux temps forts, aux anniversaires et grands événements commémoratifs qui soudent la communauté pied-noire, la rassemble périodiquement et lui donne son identité : la messe du 26 mars en souvenir de la fusillade tragique de la rue d’Isly par exemple. En juillet, le maire de Nice honore de sa présence la grande kermesse annuelle qui réunit au Palais des expositions plus de 5.000 personnes. C’est lui qui remet son prix à la jeune Michèle Menu, 20 ans, élue « miss Pied-Noire » de l’année.

À la même époque, Jean Médecin reçoit une « immense ovation », selon "Midi", lors de l’assemblée constitutive des Amitiés algéroises de la Côte d’Azur, qui se tient au théâtre du casino à Nice, occasion pour lui de délivrer un discours « énergique, sans ambiguïté et de franche opposition au pouvoir » sur la question de l’amnistie.

Une question sensible pour laquelle "Midi" ouvre largement ses colonnes à de grandes plumes comme celles de Jacques Isorni et Tixier-vignancour, interviewés par Manuel Gomez.

En novembre 1965, les pieds-noirs installés dans le département forment une communauté d’environ 100.000 personnes et en conséquence, une masse électorale évaluée à 41.000 votants (soit 10 % du corps électoral des Alpes-Maritimes). La lecture des éditoriaux politiques de la presse « Pied-Noire », celle des comptes rendus fournis par les associations de rapatriés, donne l’impression d’un très grand élan en faveur de la candidature de Tixier-Vignancour. Cette dernière soulève même parfois l’espoir d’en finir avec « l’odieux régime de la froide raison d’État ».

Nombreux sont les rapatriés qui animent les comités Tixier-Vignancour. Le vendredi 14 mai 1965, un meeting du candidat de l’ultra droite anti-gaulliste réunit au Palais des expositions de Nice plus de 10. 000 personnes. Les hommes qui se succèdent à la tribune s’appellent Canat, ex-député de Constantine, Marçais, ex-député d’Alger, le colonel Thomazo dit « nez de cuir », Le Pen le « Danton de l’Algérie française ».

Une partie des conseillers municipaux de Jean Médecin font eux aussi campagne pour Tixier-Vignancour, Jacques Peyrat en tête, qui organise, avec Jean-Marie Le Pen et Manuel gomez, le meeting de Cannes, Boulevard Gazagnaire, qui rassemble 5000 partisans.

Comme on pouvait s’y attendre, le score réalisé par Tixier-Vignancour dans les Alpes-Maritimes est très nettement supérieur à sa moyenne nationale. Le soutien massif des pieds-noirs explique les 12,5 % des voix obtenues contre à peine 5,1 % pour l’ensemble du territoire national.

À Nice même, où le « roi Jean » sur son lit de mort entre les deux tours a appelé à voter contre de Gaulle, Mitterrand l’emportait de plus de 7 000 voix.

Avec Jean Médecin, la communauté des rapatriés perdait un de ses plus fidèles soutiens.

Décédé le 19 décembre 1965, il laissait les pieds-noirs orphelins et en deuil. L’hommage ému et sincère qu’ils vont lui rendre révèle un attachement sentimental et affectif profond. Il exprime la gratitude, la reconnaissance pour un homme qui, à la fois par conviction et par calcul politique, avait su les entendre, les comprendre, les accueillir et les « cajoler », les consoler, les entourer d’une sympathie active qui visait aussi à les acculturer, à les transformer en « vrais Niçois ».

Le « roi Jean » laissait Nice, sa ville, son fief, son territoire en héritage à l’un de ses fils. L’élection municipale complémentaire de janvier 1966 voit Jacques succéder à son père au fauteuil de maire. Adopté, adoubé par la communauté des rapatriés qui contribua de manière enthousiaste à son élection, Jacques à son tour était sacré « défenseur et ami » des Français d’Algérie, trompés en 58, vaincus en 62, de tous ceux et celles qui avaient quitté leur pays dans des conditions tragiques et qui avaient trouvé à Nice une terre d’accueil au bord de cette Méditerranée entre espoir et nostalgie.

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