« La violence s’en prend aussi à la littérature »
L’atmosphère est puante. A mesure que l’Etat jacasseur se délite sous ses mots creux, se consolide une violence de plus en plus banalisée. Elle n’est plus seulement cantonnée aux cités insurrectionnelles. Mais cette autre brutalité ne rencontre pareillement aucun obstacle. Le soudaine prise en otages des usagers de la SNCF par les syndicats de cheminots, le jour des départs en vacances de la Toussaint, en est une illustration. Arguant d’un droit de retrait contestable, suite à une collision qui s’est produite mercredi soir entre un train et un convoi exceptionnel bloqué sur un passage à niveau, les grévistes ont pris tout le monde par surprise. Jamais un tel comportement de flibustier n’avait été jusqu’alors observé à ce point chez les agents de la SNCF. "C’est la première fois que je viens sur un plateau dire qu’un droit de retrait est manifestement illégitime", a expliqué Guillaume Pépy, le patron de l’entreprise publique. En l’espèce, rien ne justifiait en effet de l’application d’un arrêt de travail sans prévis. Une telle procédure implique l’urgence d’un danger immédiat pour la sécurité du personnel ou des usagers. Seule la faiblesse des pouvoirs publics explique que les syndicats, et singulièrement la CGT, ont choisi l’épreuve de force, sans égard pour les gens pris au piège. La déliquescence de l’autorité donne des ailes à ceux qui veulent faire la loi.
Le plus inquiétant est de constater que la littérature elle-même est atteinte par le sectarisme des nouveaux justiciers, adeptes de l’épuration. Dans Causeur, l’écrivain et éditeur Roland Jaccard révèle que Gabriel Matzneff, à qui il était rendu hommage lors d’une soirée organisée jeudi dans un café du Quartier Latin, a été violemment pris à partie par des militants d’extrême droite lui reprochant ses écrits licencieux sur les jeunes filles. Matzneff a eu à subir également, ce même jour, les foudres de militants d’extrême gauche. Quelques jours plus tôt, Renaud Camus avait été agressé par des antifas dans le Jardin du Luxembourg. Dans ce même périmètre, La Nouvelle Librairie, située rue de Médicis, est régulièrement la cible des nouveaux fachos qui ne supportent pas son positionnement à droite. L’établissement avait été pris d’assaut en février, lors d’un épisode des Gilets jaunes, par ces mêmes antifas. Ils ont renouvelé leur opération commando le 4 octobre, en pulvérisant la vitrine de la libraire parce qu’elle allait accueillir Jean-Marie le Pen pour la signature (maintenue) de son dernier livre. A aucun moment ces violences faites à des écrivains et à des livres, au cœur du Paris littéraire, n’ont été dénoncées par les habituels nez délicats : ne sentent-ils rien du "nauséabond" qui les gagne ?