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La cécité économique des dirigeants français

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Anne de Guigné, journaliste économique au Figaro, vient de publier Ils se sont si souvent trompés , un ouvrage très intéressant où elle nous invite à réfléchir sur l’aveuglement économique des dirigeants.

Dans Le Figaro du 12 avril dernier Jean-Marc Daniel en fait la recension :

« Ce que l’on retient de la lecture du texte d’Anne de Guigné, c’est la permanence d’une forme de cécité économique chez les dirigeants politiques ».

Dans le cas de la France, le diagnostic de cette brillante journaliste nous paraît particulièrement pertinent, et l’on pourrait dresser une liste particulièrement longue des erreurs commises par les différents dirigeants du pays dans la longue histoire de la France, du fait de leur « cécité économique ».

Parmi les divers épisodes d’aveuglement : en 2000, le passage aux 35 heures a beaucoup affaibli la compétitivité de l’économie française ; plus récemment, c’est la crise liée au covid qui a déclenché la prise de conscience tardive que la désindustrialisation du pays était la cause de son affaiblissement et du déclin de son économie.

En somme, il aura fallu une cinquantaine d’années pour que nos grands responsables politiques découvrent que la désindustrialisation du pays était une catastrophe nationale. Et même notre brillant président, au préalable ministre de l’Économie et des Finances, n’avait pas vu le problème. C’est à désespérer des énarques !

La France est ainsi régulièrement secouée par d’intenses crises au cours desquelles, selon l’historien Marc Lazar dans un article sur le site Slate, « s’expriment la détestation des élites et l’aspiration à une rupture complète ».

Il y souffle même parfois un vent de révolution. C’est le cas actuellement avec le refus de la réforme du régime des retraites : faire passer l’âge du départ en retraite de 62 à 64 ans provoque une levée générale de boucliers dans tout le pays, alors que dans les pays européens, l’âge de départ à la retraite se situe à 65 ans, voire 67 ans dans certains d’entre eux. La cote de confiance d’Emmanuel Macron a ainsi fortement baissé : elle est actuellement à 28 %.

Des décennies de très mauvaises performances économiques

Le service des statistiques des Nations-Unies a publié en 2018 les résultats d’une étude montrant l’évolution sur une longue période des économies d’un certain nombre de pays.

Nous indiquons, ci-dessous, en réactualisant les données, les évolutions des grands pays européens, en y ajoutant le cas particulièrement exemplaire d’Israël :

https://www.contrepoints.org/?attac...

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Sur cette période d’une quarantaine d’années, les performances économiques de la France ont été considérablement inférieures à celles des autres pays européens : il aurait au moins fallu un multiplicateur 4, ce qui aurait permis au PIB d’être majoré de 20 % à 25 % supplémentaires.

La cécité économique des dirigeants français

Très curieusement, les dirigeants français ne se sont pas rendu compte que les performances économiques françaises sont bien inférieures à celles de nos voisins.

Ils se sont satisfaits de la croissance du PIB par rapport à l’année précédente. Dans tous les rapports officiels, les données ont été fournies en termes de pourcentages par rapport aux données de la période précédente, trimestre par trimestre ; des éléments de conjoncture, négligeant la prospective. La progression est réelle, mais elle n’est rien en comparaison de ce qui se passe ailleurs.

Le pays auquel il aurait été primordial de s’intéresser était de toute évidence la Suisse, qui a : conservé sa monnaie (le franc suisse est une monnaie très solide) ; une balance commerciale chaque année très positive ; des salaires très élevés ; une industrie puissante ; jamais de grève grâce à un accord patronat/syndicats conclu en 1937 (Paix du travail ) selon lequel les conflits doivent se régler par le dialogue et non par la grève.

Il aurait été également utile d’examiner le cas d’Israël, un pays parti de rien après la Seconde Guerre mondiale et dont le PIB/capita est aujourd’hui supérieur au nôtre.

Le seul pays auquel on s’est intéressé est l’Allemagne, mais sans s’inspirer de son système de coopération patronat/syndicat conduisant à la cogestion des entreprises.

Pourquoi l’écroulement du secteur industriel français ?

L’industrie joue un rôle clé dans la création de richesse.

Par aveuglement, les gouvernements successifs ont laissé filer le secteur industriel. La relation existante, dans différents pays, entre la production industrielle et le PIB par habitant est évidente .

En ce qui concerne la France, avec une production industrielle faible de 6432 dollars par habitant, le PIB/capita est de seulement 39 030 dollars ; avec une production industrielle de 12 279 dollars, celui de l’Allemagne est de 46 208 dollars. Enfin la Suisse, avec un chiffre record de 22 209 dollars, a un PIB/capita de 87 097 dollars, soit le plus élevé d’Europe.

Les effectifs industriels français n’ont pas cessé de fondre depuis la fin des Trente Glorieuses, passant de 6,7 millions de personnes à 2,7 millions aujourd’hui. Le secteur de l’industrie ne contribue plus à présent que pour 10 % du PIB, alors que ce taux devrait se situer à au moins à 18 %. L’Allemagne ou la Suisse en sont à 23 % et 24 %. La France est devenue ainsi le pays le plus désindustrialisé de tous les pays européens, la Grèce mise à part.

Les dirigeants français ont été piégés par la mauvaise interprétation des travaux de Jean Fourastié , qui avait publié, en 1949, Le grand espoir du XX e siècle ; cet ouvrage a fait grand bruit à l’époque. En remontant très loin dans les séries historiques sur l’emploi, Fourastié avait démontré que dans les économies qui se développent, on passe successivement du secteur agricole (le secteur primaire) au secteur industriel (le secteur secondaire), puis du secteur industriel à celui des services (le secteur tertiaire). Les sociologues en ont conclu qu’une société moderne était une société post-industrielle où domineraient seulement des activités relevant du secteur tertiaire. Jean Fourastié avait raisonné en termes d’effectifs et non de valeur ajoutée : du fait du progrès technique rapide et important dans les activités industrielles, le secteur secondaire de l’économie se réduit effectivement en nombre d’emplois, mais en termes de valeur ajoutée il est toujours présent.

Cest ce qui n’a pas été compris par nos dirigeants qui ont vu dans le déclin du secteur industriel le signe de la modernisation du pays. Cela a été fatal à notre économie : ils ont laissé sans broncher la France se désindustrialiser.

Comment redresser notre économie ?

On se remet seulement à présent de cette méprise sur l’évolution des sociétés grâce à la crise liée au Covid-19 qui a ouvert les yeux de nos dirigeants. Il était temps !

Il s’agit donc, à présent, de remonter la pente en reconstruisant notre secteur industriel.

Le gouvernement l’a compris, et a lancé pour cela le plan « France 2030 » auquel sera consacrée une trentaine de milliards d’euros. Mais il ne veut apporter son soutien qu’aux industries dites écologiques, du fait des limites d’action posées par la Commission de Bruxelles. C’est bien dommage, car le pays a besoin d’au moins un million d’emplois industriels supplémentaires et l’environnement national et international n’y est guère favorable.

Sur le plan interne, les écologistes mettent des freins à la réindustrialisation du pays, le droit du travail français pénalise les chefs d’entreprise, la fiscalité tarde à être harmonisée avec celle de nos voisins, les réglementations européennes bloquent les initiatives éventuelles de l’État français pour réindustrialiser le pays, et le coût du travail est considérablement plus élevé que dans les anciens pays de l’Est maintenant intégrés dans l’Union européenne.

Sur le plan international, la guerre en Ukraine a fait fortement grimper le coût de l’énergie en Europe, ainsi que les mesures incitatives prises par le président Joe Biden pour investir sur le continent américain.

Inévitablement, la réindustrialisation va être lente. Le plan « France 2030 » d’Emmanuel Macron étant très insuffisant, la dette extérieure ne va donc pas cesser d’augmenter, alourdissant un peu plus chaque année le budget de la nation.

Les autorités de notre pays vont donc devoir veiller à ne pas suivre la voie de la Grèce qui a connu une grave crise en 2009. Son endettement était devenu considérable et l’agence de notation Fitch avait abaissé sa note en dessous de A. C’était la première importante dégradation dans un pays européen. Il s’ensuivit une panique en Europe. La zone euro fut jetée dans la tourmente ; FMI, BCE et Commission européenne durent intervenir à trois reprises. On imposa à la Grèce des mesures drastiques, au point qu’un gouvernement de gauche arriva au pouvoir en 2015, et voulut s’opposer à trop de mesures d’austérité car le peuple ne les supportait plus. Après six années de crise, le PIB du pays a été réduit d’un quart, et le taux de chômage est monté jusqu’à 25 %. La Grèce s’est très difficilement remise de cette crise. Le bilan social fut catastrophique.

Il serait donc temps que les autorités de Bruxelles laissent notre gouvernement libre d’agir afin de redresser le secteur industriel : le montant des investissements à effectuer se chiffre à hauteur de 350 milliards d’euros, et devrait pouvoir se réaliser en une dizaine d’années. Pour y parvenir, à la manière de ce que le président américain Joe Biden a prévu de faire avec l’IRA , la puissance publique devra apporter son soutien aux investisseurs privés via une aide à l’investissement de 20 000 euros les cinq premières années, par emploi créé, puis 10 000 euros les cinq années suivantes ; soit 150 000 euros sur dix ans.

Dans les circonstances actuelles et compte tenu des freins à la création d’emplois dans l’industrie, de telles aides sont indispensables. Il faudra en persuader la Commission européenne à Bruxelles en insistant sur l’état de délabrement de la France. D’ailleurs, il en va de l’intérêt même de tous les pays de la zone euro. Pour l’heure, tous les indicateurs convergent pour indiquer que le pays prend le même chemin que la Grèce. Les gouvernements successifs sont contraints de recourir chaque année à la dette pour boucler le budget, et celle-ci a maintenant atteint un niveau dangereux. Il serait donc temps d’agir. 2.13.0.0

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2023/0...