A ceux qui se demandent encore pourquoi les Européens et, singulièrement, les Français, ne se sentent pas défendus par l’Europe, les affaires BNP-Paribas et Google sont venues, ce jour, donner une réponse parmi d’autres.
BNP-Paribas dure avec les faibles, faible avec les forts !
Tous fiérots quand ils sont entre eux (ici en Pologne en 2011), les ministres de finances européens se couchent devant les Américains.
Dormez, bonnes gens !
Les Américains, qui ont, depuis 2000, décrété unilatéralement et sans mandat de l’ONU un embargo commercial sélectif sur l’Iran, Cuba, le Soudan et la Lybie, ont trouvé un bon moyen de racketter les Européens : les mettre à l’amende sans autre forme de procès, c’est le cas de le dire. Faute d’arguments, car une telle mesure ne peut légalement s’imposer aux entreprises étrangères, les États-Unis prennent prétexte du libellé en dollars des opérations commerciales incriminées. Ça tombe bien : tous les échanges internationaux se font obligatoirement en dollars ! Moyennant quoi, la Justice américaine s’appuie sur des lois américaines sur mesure pour imposer rétroactivement des amendes aux banques européennes – et seulement elles, pas aux Américaines ! – pour des affaires réalisées avec ces pays. J’y reviendrai dans la semaine car ça mérite bien des explications que vous ne lirez pas dans la grande presse.
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est le zèle de nos chers médias à rassurer les déposants. Parmi leurs arguments, celui-ci : « l’État couvre les comptes à hauteur de 100 000 €uros ». Autrement dit, ce que nous n’allons pas perdre comme déposants, si jamais la BNP se trouve mal, nous allons le payer comme contribuables. Un autre argument est que la banque, qui devrait être mise à l’amende à hauteur de 7 mds€, négocie à 6 mds€. Or, justement, c’est à peu près le montant de ses bénéfices prévus cette année. (Au passage, il est réconfortant de penser que la BNP comptait sur 6 mds€ de bénéfices alors que les Français tirent la langue !) Donc, dit par exemple l’ami Emmanuel Lechypre sur BFM-TV, la BNP ne fera pas de bénéfices, voilà tout. Et ce sont les actionnaires qui en seront de leurs dividendes. (Il ne le dit pas comme ça, évidemment mais c’est ce que ça signifie). Sans s’attarder sur les implications fiscales, sociales et autres dont la collectivité nationale pâtira in fine.
C’est évidemment une pure escroquerie. Si BNP-Paribas fait 6 mds€ de bénéfices nets, cela signifie que, même si, comme toutes les grosses boîtes françaises du CAC 40, elle ne paie que 7 à 8% d’impôts sur le bénéfice des sociétés (IS) grâce aux multiples niches fiscales dont elle joue allègrement (la pme ou le boucher du coin, eux, sont taxés à 38%), cela signifie que l’État, automatiquement, en est de 500 000 € (3,7 mds€ si les banques payaient vraiment leur dû !). De plus, les dividendes versés aux actionnaires sont ensuite imposés au taux libératoire de 21% et soumises à un prélèvement de 15,5% au titre des cotisations sociales. Total des pertes sèches dans le cas qui nous occupe : 1,74 md€ pour l’État (c’est-à-dire les contribuables) et 930 ms€ pour la Sécu (c’est-à-dire les assurés). Dormez, bonnes gens, pendant qu’on vous fait les poches !
Mais, rassurez-vous ; l’expérience a montré que, en réalité, ce sont les clients de la BNP qui vont casquer. En effet, quand le Crédit agricole a été pris dans la faillite d’une filiale américaine qui lui a coûté quelque 4 mds€, elle s’est rattrapée sur le dos de ses clients. Avec la complicité de l’État, qui a fermé les yeux, elle a fait exploser les frais de tenue de compte mais aussi le montant des pénalités pour dépassement de découvert et autres frais de procédure pour les clients défaillants. Il est évident que la BNP procédera de même et, à la place de ses clients, je commencerais à m’inquiéter.
Données personnelles : Google veut décider seul.
Condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne à supprimer des données personnelles d’internautes dans ses résultats de recherche, la firme a décidé de mettre en place une procédure en ligne plutôt curieuse. (Lire) Pour bénéficier de la protection de ses données, chaque usager devra faire une demande sur un formulaire ad hoc… en donnant des informations personnelles ! S’arrogeant le droit de juger du « juste équilibre entre la protection de la vie privée des individus et le droit du public à accéder à ces informations et à les diffuser », Google se réserve de décider de qui sera libre d’accéder ou non à la demande.
On est assez étonné que Google, qui est capable de stocker automatiquement et de mettre à la disposition de tous des données personnelles remontant quelquefois à très loin, ne soit pas à même d’assurer l’incognito de tous. Et on s’étonne encore plus que l’Europe paraisse se satisfaire de ça.
L’UE et la France à genoux.
Au-delà de ce camouflage de la vérité, la question qui se pose au fond et qu’illustrent les affaires BNP-Paribas et Google, c’est l’incapacité de l’Europe, mais plus encore de la France à défendre leurs intérêts, ceux de leurs entreprises, ceux de leurs citoyens, face à l’emprise dévorante des Yankees. A l’heure où l’UE négocie un partenariat commercial transatlantique très favorable aux Américains, à qui va-t-on faire croire que la France à elle seule n’a pas les arguments, les atouts, pour ramener les États-Unis à plus de mesure ?