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La Chine n’est plus l’enfant gâté de la mondialisation. Le plus grand pays communiste du monde avait joui, avec Kissinger et sa politique d’ouverture et de soutien qui ont tiré la Chine du sous-développement, d’une forme (toute relative) de prospérité grâce à sa population nombreuse et ses salaires bas qui en ont fait, délibérément, l’usine du monde. Le « Made in China » entre en sa phase de déclin. La dépendance de la deuxième économie du globe se révèle dans son essor comme dans son déclin.
Les chiffres économiques de la Chine – certes souvent surestimés par le régime communiste qui a fait de la manipulation des statistiques une sorte de spécialité – sont en chute libre. Malgré un volume d’échanges en hausse avec la Russie, les exportations chinoises ont baissé de 14,5 % depuis un an, et ont connu une chute continue depuis trois mois. On n’avait pas vu telle dégringolade depuis février 2020, au début du covid. Dans le même temps les importations ont également affiché des volumes négatifs, avec une baisse de 12,4 %.
Le « Made in China » ne paie plus
Pourquoi la Chine peine-t-elle à obtenir des commandes étrangères ? La première cause est l’inflation et la hausse des taux chez ses principaux clients, en Occident, où la demande se contracte. Mais d’autres facteurs sont en jeu : tensions internationales, droits de douane et désaffection des étrangers à l’égard d’un régime perçu comme de plus en plus autoritaire (ou présenté comme tel, puisque le communisme chinois n’a jamais été tendre et qu’il fut un temps ou acheteurs et fabricants occidentaux se fichaient bien de savoir que le pays pratiquait l’avortement forcé, l’exécution sommaire des opposants politiques et autres horreurs de ce genre) explique la ruée des sociétés étrangères et des investisseurs vers d’autres contrées.
A quel point cela est-il voulu ? Par qui ? Pour l’heure, contentons-nous des faits : les expéditions vers les Etats-Unis ont enregistré une baisse de 23,1 % en juillet : c’est près du quart. Et l’on constate des scénarios similaires pour d’autres « clients » tels Taïwan, le Japon et l’Union européenne. Les entrées nettes d’investissements étrangers se sont écroulées, perdant 87 % entre avril et juin pour se fixer à 4,9 milliards de dollars. C’est le montant trimestriel le plus bas depuis 25 ans, reconnaît l’Administration d’Etat des échanges étrangers. Des observateurs étrangers estiment que le chiffre réel est bien plus bas.
Cela dessine une réalité inquiétante pour la Chine : ces investissements étrangers sont à la source de 30 % des exportations chinoises, et aujourd’hui les fabricants venus d’ailleurs cherchent des pâturages plus verts, en raison notamment des restrictions légales et des exigences nouvelles de la part du parti communiste chinois, qui exige désormais d’avoir un secrétaire du PC au conseil d’administration de ces sociétés étrangères. Le principe de l’agent du parti dans l’entreprise n’a rien d’inédit, mais aujourd’hui, assure un analyste du SOAS China Institute, son rôle a évolué : il représente les intérêts du Parti et sert de relais à ses injonctions.
La politique du « Chine +1 »
A cela s’ajoute le risque lié aux restrictions covid fluctuantes et imprévisibles, mais aussi des coûts à la hausse, alors même que la population en âge de travailler décroît en raison de la funeste politique de l’enfant unique. Les sociétés qui veulent augmenter leur production construisent désormais leurs usines dans un ou plusieurs autres pays – « Chine +1 » ou « +2 » comme l’Indonésie, le Vietnam et la Thaïlande, sans compter l’Inde dont la population continue (pour le moment) de grandir. La croissance potentielle pour l’Inde fuit ainsi au-delà de ses frontières.
Ce n’est pas seulement le manque à gagner qui peut inquiéter la Chine. Elle a beaucoup compté sur les investissements étrangers sur le plan de l’innovation technologique, profitant de l’apport externe pour « copier » les usines implantées pour faire du même.
L’usine du monde se replie faute de ressources intérieures
Cet immense pays ne pourrait-il donc bénéficier d’une croissance interne ? Difficile, alors que celle-ci a également été gérée « à la communiste », avec la construction d’infrastructures qui arrivent à saturation, et la baisse bien ancrée et continue de l’immobilier, qui constitue le réceptacle de l’épargne de la plupart des Chinois : ainsi l’épargne perd-elle de la valeur, au moins sur le papier. Revenir sur ce déclin, comme en rêve l’administration de Xi Jinping, relèverait du miracle : comment l’obtenir avec une population active qui décroît tandis que le taux de natalité est passé sous la barre des 1,3 enfants par femme ? On ne peut que construire des logements que personne n’habitera jamais. La chose s’est beaucoup faite en Chine mais le système a ses limites…
La croissance est même tellement ralentie que les chiffres de l’inflation dont désormais négatifs : les prix ont chuté de 0,3 % en juillet par rapport à il y a un an. Et les jeunes ne trouvent plus de travail. « Mangez de l’amertume », leur dit désormais Xi Jinping. Le cynisme communiste, lui, est une valeur qui dure.
Anne Dolhein