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L’INRA va-t-il mener l’agriculture française à la catastrophe ?

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Par Wackes Seppi.

L’opinion « publique » est leur guide

C’est rapporté par la France Agricole (réservé aux abonnés)  : lors des Controverses Européennes de Bergerac (anciennement de Marciac), le 11 juillet 2018, M. Christian Huygue, directeur scientifique de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), a déclaré :

Il y a de bonnes raisons de s’interroger sur les pesticides. Ils ont un impact indirect sur la biodiversité, ainsi que sur la santé humaine en modifiant les microbiotes, et donc un effet possible sur les générations suivantes. Le bénéfice réel d’aujourd’hui pourrait avoir un effet négatif sur les générations d’après. Et comme ces impacts systémiques sont inconnus, la méfiance s’installe.

Propos étonnants qui, manifestement, ne relèvent pas de la science. Les conjectures, de surcroît en chaîne, ne servent pas de point de départ pour une recherche, mais de jalons pour positionner l’INRA dans le courant de « pensée » dominant. En fait, c’est même de la surenchère.

Auparavant, au Salon de l’Agriculture, le Groupement National Interprofessionnel des Semences et Plants (GNIS) avait tenu un stand « VillageSemence » et a mis en ligne un « best of » de M. Philippe Mauguin, PDG de l’INRA. La nouvelle « sortie » d’un haut responsable de l’INRA est l’occasion de revenir sur les propos passés.

M. Mauguin avait expliqué, notamment, que la réduction de l’usage des pesticides passait par la mise en œuvre de plusieurs leviers, dont la génétique (l’amélioration des plantes) :

… à chaque fois qu’on va trouver des gènes de résistance à un champignon – au mildiou de la vigne, à la fusariose sur le blé ou à des nématodes sur les fruits et légumes – on aura besoin de moins de pesticides. Donc l’INRA est plutôt sur la recherche en amont. On va connaître le génome des plantes, regarder comment il s’exprime – le phénotypage des plantes au champ dans des conditions réelles de production – et à partir de là on va essayer de trouver les gènes qui vont être transférés de façon naturelle dans les plants qui vont ensuite être multipliés par les sélectionneurs et les semenciers et qui vont ainsi atteindre les agriculteurs…

Courage, ne sortons pas des clous de la bien-pensance

Que signifie « de façon naturelle », que nous avons graissé ci-dessus ?

L’art oratoire est difficile et il est possible que des mots aient été glissés malencontreusement dans une tirade. Mais, prima facie, cela signifie que le PDG de l’INRA se limite aux méthodes d’amélioration des plantes « traditionnelles », en l’occurrence les croisements suivis de sélection. On ose croire que cela inclut les croisements interspécifiques – non « naturels », donc condamnés par d’influents faiseurs d’opinion, mais pratiqués de longue date à l’INRA et ailleurs avec des succès notables (par exemple, la principale variété de blé cultivée en agriculture biologique en dérive). Mais cela exclurait la transgénèse – les OGM – et les NBT, les nouvelles techniques d’amélioration des plantes comme CRISPR-Cas9.

Notons que l’INRA n’a quasiment plus aucun programme de recherche à visée innovatrice dans le domaine de la transgénèse. S’interdira-t-il aussi la recherche-développement fondée sur les NBT ? Succombera-t-il aussi à la gesticulation militante en renonçant aux mutations induites ?

Catastrophe à l’horizon pour la compétitivité française

Une telle politique serait catastrophique, non pas pour l’INRA qui survivra à tous les obscurantismes et toutes les incohérences, mais pour la filière des variétés et des semences et, au-delà, pour l’agriculture française.

En premier lieu, notre recherche agronomique publique devrait alors logiquement limiter son champ d’investigation, pour une espèce donnée, à cette espèce et ses cousines proches ou plus éloignées avec lesquelles elle est susceptible de se croiser. Pas question, donc, de chercher un gène de résistance chez le poivron pour le transférer à la tomate…

Et dire qu’en Ouganda, par exemple, on cherche à diffuser – lorsque seront surmontées les oppositions téléguidées depuis la frileuse Europe – des bananiers résistants au flétrissement bactérien dû à Xanthomonas campestris pv. musacearum grâce à un gène de poivron ; et à sauver un aliment de base pour les Ougandais. Il est vrai que les Européens, et les Français en particulier, sont bien nourris.

En deuxième lieu, notre recherche agronomique publique, ayant identifié un gène d’intérêt, devrait se lancer dans les longues procédures de croisements et de sélection au lieu de recourir aux procédés modernes, bien plus rapides et (à condition que cesse l’hystérie réglementaire anti-OGM) bien moins coûteux. Imaginez que ce gène diffère du gène « sauvage » par une seule paire de base : CRISPR-Cas9 serait un outil adéquat pour transformer une, ou plusieurs, ou même toutes les variétés d’intérêt économique de l’espèce considérée.

Mais peut-être l’INRA voudra-t-il s’arrêter au stade de l’identification du gène et le mettre à la disposition des sélectionneurs français (moyennant, espérons-le, dépôt d’un brevet lorsque les conditions sont réunies). Toutefois, le signal donné par notre institut national (voire plus : une contribution active à l’ostracisation des NBT) n’est pas de nature à favoriser l’utilisation des outils modernes par les sélectionneurs privés… Notre recherche aura investi des moyens publics pour le bénéfice des concurrents étrangers travaillant dans des pays ouverts au progrès technologique.

Si un brevet a été déposé dans les pays clés, l’INRA obtiendra peut-être un retour sur investissement par le biais des droits de licences, mais notre filière des variétés et des semences sera confrontée à des concurrents qui auront été plus rapides qu’eux ou qui auront pu réaliser ce qui leur aura été interdit. Nos sélectionneurs délocaliseront peut-être leur recherche (Florimond Desprez s’est déjà installé en Argentine pour travailler sur des blés GM à haut rendement, résistant au stress hydrique et à la salinité excessive ; Limagrain envisage une délocalisation après le vandalisme de sa plate-forme d’essais de Verneuil-l’Étang en décembre 2017 par les « Faucheurs Volontaires »).

Serait-ce vraiment une bonne politique pour la France de favoriser la fuite des investissements et des cerveaux ? Que doivent penser les agriculteurs – déjà inquiets au sujet des importations de viande bovine du Mercosur – lorsque les blés argentins seront encore plus compétitifs grâce aux investissements français ?

Le consommateur privé de progrès nutritionnels

En troisième lieu, les plantes à multiplication végétative posent un problème particulier : on ne peut pas transférer par des croisements un gène dans une variété existante, par exemple rendre un cépage comme le sylvaner ou le riesling (je suis chauvin…) ou le chasselas (je suis aussi chauvin…) résistant au mildiou. Cela est dû à la structure génétique de ces variétés.

Par transgénèse ou avec les NBT, on peut.

La pomme de terre White Russet, de la série Innate de J R Simplot Company (non, les techniques modernes ne sont pas l’apanage du diable Monsanto…), est ainsi une Russet à laquelle on a conféré une résistance au brunissement quand elle est coupée, et aussi une réduction de la production d’acrylamide (un cancérogène suspecté) à la cuisson à haute température.

C’est là un bénéfice pour le consommateur dont nous serons privés pendant longtemps en l’absence de prise de conscience de la futilité de notre « précautionite ».

Quelques années ou quelques décennies ?

On peut en revanche, avec plus ou moins de difficultés ou d’efforts, créer par croisements de nouvelles variétés portant la résistance (ou un autre caractère désirable). Cela peut être la tâche de toute une vie.

Ainsi, le Nemadex Alain Bouquet, un porte-greffe de vigne permettant de lutter contre le court-noué, c’est plus de 20 ans de travaux. Et ce n’est que le premier porte-greffe de ce type. Pour en avoir d’autres, comptez à chaque fois vingt ans… plus éventuellement le temps perdu à cause de la délinquance.

Ce porte-greffe est issu de croisements faisant intervenir notre vigne (Vitis vinifera), une muscadine (Muscadinia rotundifolia) et un porte-greffe ancien lui-même hybride de Vitis berlandieri et Vitis rupestris. Les opposants aux techniques nouvelles et partisans des transferts « de façon naturelle » voudront bien noter cette généalogie complexe… Les agitateurs d’effets hors-cible des nouvelles techniques aussi : dans ce genre de croisements il reste toujours quelques pourcents du matériel génétique – inconnu – du parent sauvage.

Pour « empiler » des gènes et éviter que la résistance ne soit contournée par le pathogène, il faut aussi compter des années en plus pour les méthodes fondées sur les croisements. Et ne pas « empiler » c’est prendre le risque de contournement et, partant de perte rapide de ses investissements.

Il y avait aussi des porte-greffes expérimentaux résistants au court-noué à l’INRA de Colmar. Ils ont été saccagés par deux fois. Le programme a été arrêté. Le chercheur principal, M. Marc Fuchs, met maintenant sa formation scientifique et son expérience acquises en France au service de l’Université Cornell . Il figure comme co-inventeur dans six demandes de brevet de Cornell.

La recherche suisse – Agroscope – est très active dans la création de nouveaux cépages résistants à diverses maladies – Gamaret, Garanoir, Diolinoir, etc. sont les produits des méthodes traditionnelles, les seules disponibles quand leur programme de création a débuté (une intéressante synthèse ici ). Que fait l’INRA en France ? Il y certes eu d’importants travaux de feu Alain Bouquet qui se poursuivent sans nul doute à l’abri des regards et de la communication institutionnelle.

Mais pour quel résultat ? Dans l’absolu, on s’interdit certaines voies de progrès ; et dans le relatif on laisse à d’autres la voie rapide pour s’échiner sur la voie lente. L’INRA maintient-il – et maintiendra-t-il « la sélection française en vigne à son meilleur niveau international «  ?

Stratégie et sociologie en France, co-construction du progrès agronomique en Suisse

Que fait l’INRA en France ? De la stratégie et de la sociologie … la construction de la méfiance et de la défiance. En France, c’est une « enquête socio-économique menée en Languedoc-Roussillon[qui] fait [évidemment !] apparaître une diversité d’avis chez les professionnels ».

En Suisse, c’est une articulation directe avec des vignerons, puis des consommateurs, permettant une co-construction du progrès agronomique. Vous pouvez déguster (avec modération) un Gamaret ou un vin d’assemblage incluant les nouveaux cépages dans des restaurants suisses…

Serait-ce possible en France ? On peut légitimement en douter compte tenu de la sacralité des règles relatives aux appellations d’origine, et aussi de l’emprise de la contestation du progrès génétique dans le débat public.

Sans sursaut, la muséification, sinon la fossilisation, est en marche.

Montrer la voie

L’INRA a une mission de recherche publique. Il devrait aussi, tout comme les autres instituts de recherche, se donner une mission d’information, d’explication, de vulgarisation auprès du public et des instances de décision administratives et politiques. Susciter l’adhésion au progrès, dans son acception noble et non galvaudée.

Ne pas se contenter d’un : « Et comme ces impacts systémiques sont inconnus, la méfiance s’installe. » Ou pire, surenchérir dans le dénigrement (dans ce cas des pesticides, en bloc) avec : « Le bénéfice réel d’aujourd’hui pourrait avoir un effet négatif sur les générations d’après. »

Se cacher derrière son petit doigt, abonder dans le sens de la bien-pensance, ou pire encore alimenter les obscurantismes n’a qu’une conséquence : tuer à terme la recherche. Et tuer l’avenir.

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Sur le web

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