Il y a dans la gauche française une lourde hérédité. Figure dans son ADN le dérapage de 1792-1793 qui a conduit d’une monarchie constitutionnelle manquée à une république terroriste. Les terroristes sont toujours là et fiers de l’être. Ils se reconnaissent à quelques traits caractéristiques. D’abord leur célébration de l’humanité universelle passe par l’exécration d’une partie de leurs compatriotes, indignes selon eux de la République. Ensuite, leur enthousiasme pour la liberté et pour l’égalité les amène à édicter des lois liberticides et à couper les têtes qui dépassent. Enfin faute de percevoir les menaces réelles qui pèsent sur le pays, ils en créent une, objet de leur acharnement. Malheureusement pour notre pays, cet héritage particulier marque encore la gauche française. Là où en Europe, les gauches affrontent les droites sur les deux problèmes essentiels, la gestion de l’économie et la conception de la société, la gauche française est enlisée dans un marais idéologique, qui lui interdit de toucher aux vraies questions pour leur apporter une réponse pertinente et constructive.
Cette exception française de la gauche la plus sectaire, pour ne pas dire la plus bête du monde, rencontre une autre réalité nationale. Des années d’incurie et de lâcheté ont fait de notre pays un modèle de l’Etat social-démocrate accablé de dettes, noyé dans la dépense publique, dispersé dans de multiples interventions inopportunes qui l’éloignent de ses missions essentielles. L’Etat ne peut plus faire face aux questions qui sont de son ressort. Il n’a plus les capacités d’investir. Il n’a plus la force d’entraîner la nation dans un grand projet. Alors, il nie la réalité des dangers et vagabonde sur le chemin des problèmes secondaires auquel il apporte des solutions imaginaires.
Du mariage entre ces deux phénomènes est né un rejeton politique un peu monstrueux, contrefait, que l’on affuble du surnom de pastèque, car il possède en son coeur tous les ingrédients du gauchisme, et montre en surface un intérêt pour la préservation de la nature. Rouge à l’intérieur, mais vert pour les gogos. Sa défense de l’environnement se veut activiste, et sa guerre à la pollution contraignante. L’incohérence des thèmes et des objectifs révèle l’imposture. Cet ardent protecteur de la nature est à la pointe du combat contre la nature humaine et la vie, favorable à l’avortement, à l’euthanasie, partisan du « genre » produit de la société qui relativise le sexe. Il est aussi l’opposant le plus irréductible à l’énergie nucléaire, laquelle ne produit pourtant pas de gaz à effet de serre. La possession de la vérité indivise lui attribue l’autorité du prédicateur, voire de l’inquisiteur à la poursuite tenace du mal. Les méthodes d’action ainsi justifiées par les discours transgressent allègrement le droit, la propriété, l’ordre public. les occupations illégales, les arrachages de plantations lui paraissent légitimes. Mais la parcelle de pouvoir qu’il peut s’arroger révèle mieux encore sa nature. Elle est l’occasion de désigner l’ennemi de l’intérieur, le « ci-devant », d’ignorer superbement les urgences pour poursuivre des chimères, mais avec la joie suprême d’interdire, et de le faire si possible en contraignant la vie quotidienne du citoyen moyen. Les survivants ou les héritiers de 1968, ont manifestement oublié « il est interdit d’interdire ».
Une fois encore, « l’écolo des villes », le gauchiste « bobo » parisien vient d’imposer sa marque. L’ennemi est désigné, le conducteur, soupçonné de rouler « au diesel » et d’être responsable en toute inconscience de la mort des victimes de la pollution. Faute de pouvoir encore interdire les véhicules utilisant ce carburant, sans tenir le moindre compte des améliorations techniques, la réglementation va s’abattre sur l’ensemble des automobilistes de façon à leur empoisonner l’existence à défaut de désempoisonner l’atmosphère. Mais, était-ce le but ?
La gauche parisienne, verts et roses confondus, a fait de la circulation alternée l’enjeu d’un combat obsessionnel ces derniers jours. Le terrorisme et l’augmentation des morts dus aux accidents de la route peuvent attendre. La chasse à la voiture polluante est prioritaire. Le discours de la peur est rodé : il s’agit de la santé. On évalue à 1,7 milliard par an les dépenses de santé liées aux maladies des voies respiratoires, et à 42000 morts prématurées le triste bilan de la pollution de l’air. Mais ce diagnostic alarmiste est-il bien sérieux ? Le remède est-il efficace ? Il est évidemment impossible de quantifier le nombre des décès liés à un type de pollution de l’air de même qu’on ne peut imputer à un seul facteur la production des particules. Le pic de pollution n’a donné lieu à aucune variation dans les hospitalisations pour gêne respiratoire. Le chauffage, l’activité industrielle et les masses d’air en provenance de l’industrieuse Rhénanie y jouent un grand rôle. L’abandon par les Allemands du nucléaire et leur recours au charbon, ironie du sort, intervient sans doute. Lors de la dernière application de la mesure, on a observé une diminution de 18% du trafic et de 6% seulement du taux de particules fines. Non seulement, ce taux a pu baisser en fonction du climat du jour par rapport à la veille, mais il montre que l’effet est plus marginal que l’ampleur de l’interdiction. Pour obtenir ce résultat dérisoire, on a sans doute perturbé la vie de nombreuses personnes, gêné l’activité dans un pays où le travail est déjà insuffisant. On n’a pas non plus hésité à créer une discrimination entre les utilisateurs de véhicules motorisés. Bref, on a mis en oeuvre une mesure typique de la gauche française, liberticide et inutile. Il serait tellement plus intelligent d’inciter plutôt que d’interdire. Soyons reconnaissants envers Ségolène Royal d’y avoir résisté un moment…