Les droits de succession sont assez généralement considérés comme justifiés et on en donne en particulier une justification prétendue morale. En effet on considère qu’il n’est pas juste que certaines personnes puissent hériter d’un capital plus élevé que d’autres sans avoir fait les efforts nécessaires pour cela et sans le mériter.
On évoque souvent de ce point de vue l’idée selon laquelle il faut assurer « l’égalité des chances » entre tous les citoyens. Mais il faut estimer ce point de vue comme étant totalement injustifié et c’est précisément pour des raisons éthiques que je critique l’existence des droits de succession.
En effet, lorsqu’on parle d’éthique il est essentiel de faire une distinction fondamentale entre « éthique universelle » et « éthique personnelle ». L’éthique universelle implique de définir des droits qui soient cohérents entre eux pour tous les individus du monde.
Une question d’éthique
Ces droits sont les droits des individus sur leur propre personne et sur leurs propriétés légitimes. Par ailleurs chaque individu peut avoir des préférences personnelles, par exemple en ce qui concerne des décisions d’ordre généreux ou égoïste à l’égard de telle ou telle autre personne ou catégorie de personnes. Mais ces préférences personnelles sont nécessairement diversifiées et ne peuvent pas donner lieu à la constitution d’une société cohérente.
Et tel est le cas de l’égalité des chances et de manière plus générale de tous les arguments en faveur de politiques de redistribution, celles-ci impliquant nécessairement de ne pas respecter les droits de propriété légitimes relevant de l’éthique universelle.
C’est par respect pour l’éthique universelle qu’il convient de s’opposer aux droits de succession. Ce qui est en cause en effet ce ne sont pas les droits personnels des héritiers, définis de manière arbitraire (on décide de manière discrétionnaire de prélever une part plus ou moins importante du capital reçu par les héritiers), mais ce sont les droits des légataires.
Si un individu est le propriétaire légitime d’un capital qu’il a accumulé pendant sa vie, il est profondément immoral de considérer qu’on ne doit pas respecter ses droits du fait de son décès.
En effet il a fait l’effort d’épargner des ressources – c’est-à-dire de renoncer aux satisfactions apportées par la consommation – afin d’accumuler ce capital, par exemple précisément pour pouvoir le léguer à ses enfants ou à une organisation charitable ou culturelle.
Les droits de succession : une atteinte au droit de propriété
Au nom de quoi peut-on mépriser ces efforts et porter atteinte aux droits de propriété de celui qui décède ? L’une des remarquables spécificités des êtres humains vient précisément du fait qu’ils sont capables de se projeter au-delà de leur vie.
Comparons les activités de deux individus disposant des mêmes ressources tout au long de leur vie, mais l’un d’entre eux épargne, pas l’autre. Pourquoi serait-il juste de punir celui qui a fait l’effort d’épargner une partie de ses ressources et pas l’autre ?
Si l’existence de droits de succession doit être critiquée pour des raisons éthiques, il est vrai par ailleurs qu’elle doit être aussi critiquée pour des raisons utilitaires. Par conséquent si on respecte l’éthique universelle il en résulte des situations satisfaisantes.
Ainsi l’incitation à accumuler du capital profite à tout le monde puisque cela permet, par exemple, d’améliorer la productivité des salariés d’une entreprise et donc le montant de leurs salaires. On pourrait considérer cela comme une justification suffisante pour ne pas imposer de droits de succession.
Une surtaxation du capital en France
De ce point de vue il convient de souligner qu’il existe en fait, en particulier dans le cas de la France, une surtaxation du capital car il existe différents impôts prélevés sur la valeur d’un capital, sur ses revenus ou sur sa transmission et l’on peut même démontrer que l’impôt sur le revenu constitue une atteinte à l’accumulation du capital. Or, il est important d’évoquer le fait que la croissance économique implique l’accumulation de capitaux.
En taxant le capital – par exemple par les droits de succession – on diminue l’incitation des individus à accumuler du capital et c’est toute l’économie d’un pays qui en est ainsi affectée en subissant une croissance moindre que celle qui serait sinon possible.
C’est donc pour des raisons pratiques aussi bien que morales qu’il convient de supprimer les droits de succession.
Un article publié initialement le 25 décembre 2021.