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Dissolution, censure, volonté du peuple et avenir de la France

, par  Nathalie MP Meyer , popularité : 6%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

On me demande : Et la dissolution, vous étiez pour ou contre ? Et la nomination de Michel Barnier à Matignon ? Et la censure de son gouvernement ? Et François Bayrou comme nouveau Premier ministre ? Vous en pensez quoi ? Je vous l’avoue, j’ai du mal à répondre. Ou plutôt, j’ai le sentiment légèrement angoissant que ces questions de nature essentiellement institutionnelle et politique, quoiqu’occupant l’intégralité du débat public actuel, ne sont pas les questions les plus importantes pour l’avenir de la France.

Non pas que le respect du fonctionnement démocratique soit un élément négligeable du bien-être d’une nation, raison pour laquelle j’ai vu d’un bon œil la dissolution arriver. On ne peut éternellement gouverner en étant minoritaire à l’Assemblée nationale et balayé dans les urnes. Après les vingt-trois 49.3 de la Première ministre Elisabeth Borne (mai 2022 – janvier 2024) et la défaite cinglante du camp présidentiel lors des élections européennes de juin 2024 (Gabriel Attal étant Premier ministre), il était nécessaire de “redonner la parole au peuple” afin, si possible, de remettre en phase le législatif et l’exécutif.

Le malaise français est très loin de se limiter à ses impasses politiques

Oh, bien sûr, j’entends les arguments adverses présentés à l’époque : ce ne sont “que” des élections européennes ; leur scrutin proportionnel favorise l’éparpillement des votes ; la participation a été faible ; Macron, suprêmement vexé, a choisi la politique de la terre brûlée ; il casse la baraque, alors que la réforme des retraites, indispensable, a été adoptée – par 49.3, d’accord, mais la Constitution l’autorise ; et puis comment savoir qu’une majorité claire va se dégager suite à un nouveau vote ? Etc.

Pas plus de majorité qu’avant dans la nouvelle chambre, c’est exact, mais ne pas dissoudre, c’eût été s’arroger le droit de savoir mieux que le peuple ce qu’il désire et maintenir un couvercle autoritairement vissé sur une situation politique potentiellement explosive. Finalement, l’explosion a eu lieu lors de l’adoption par 49.3 du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. En cette occasion, le Rassemblement national (RN) a mêlé ses voix à celles du Nouveau Front populaire (NFP) pour censurer avec succès le gouvernement Barnier, auteur dudit projet.

Ayant abondamment exprimé ici tout le mal que je pensais du Projet de loi de finances présenté par Michel Barnier et ses équipes de Bercy pour l’année prochaine, la chute de ce gouvernement ne m’émeut pas plus que ça. En effet, alors qu’on nous avait promis 60 milliards d’effort budgétaire répartis en 40 milliards de dépenses en moins et 20 milliards d’impôts en plus, le fameux mirage des baisses de dépenses “en tendance” a fait qu’on s’est retrouvé avec une hausse des dépenses supérieure à l’inflation et 60 milliards de prélèvements obligatoires en plus. L’exact inverse de ce qu’il faudrait faire, selon moi.

Car en cet automne-hiver 2024, le malaise français est très loin de se limiter à ses impasses politiques. Il est aussi, et peut-être même surtout, le fait de ses impasses budgétaires, lesquelles ne sont finalement que la transcription dans nos comptes publics de la monumentale impasse idéologique où en est arrivé notre modèle social hyper-collectivisé, hyper-redistributif, hyper-égalitariste et, osons le dire, hyper-clientéliste – ce dernier point expliquant une bonne partie de la coupable couardise de notre classe politique dans sa façon de ne surtout pas aller au fond des problèmes.

Je disais donc “malaise”. Petit florilège rapide : Michel Barnier était à peine nommé à Matignon qu’on apprenait depuis Bercy que le déficit public de la France avait de bonnes chances d’atteindre 6,2 % du PIB en 2024. Une dérive qui ne s’explique par aucune circonstance exceptionnelle qui se serait soudainement abattue sur la France. Peu de temps après, plusieurs agences de notation financière plaçaient la France sous perspective négative . Moody’s, qui avait inexplicablement maintenu une note d’un cran plus élevée que celles des agences concurrentes il y a un mois et demi, vient tout juste de l’abaisser à AA3 , soit l’équivalent du AA- de Standard and Poor’s et Fitch. Tout ceci restant dans l’ensemble plutôt bienveillant pour un pays qui emprunte maintenant à des taux ponctuellement plus élevés que la Grèce ou l’Espagne. Encore quelque temps après, ce sont les résultats de l’évaluation internationale TIMSS 2023 en maths et science pour les classes de CM1 et de 4ᵉ qui venaient confirmer que les élèves français accusent des retards majeurs par rapport à leurs pairs des pays développés. Parallèlement, on constate que le taux de chômage, loin de s’acheminer gaiement vers les 5 % espérés par Emmanuel Macron, reste solidement accroché à 7,4 % en moyenne pour toute la population active, avec un chômage des jeunes de 15 à 24 ans de presque 20 % au troisième trimestre 2024. Les plans sociaux s’accumulent et le nombre des faillites d’entreprises est en train de caracoler vers des niveaux atteints seulement pendant les grandes crises économiques de 1993 et 2008. Et pendant tout ce temps, la simple lecture quotidienne de la presse nous apprend trop souvent que tel ou tel patient a dû être hospitalisé dans un garage (novembre 2024) ou sur un parking d’hôpital hâtivement reconverti en annexe des services d’urgence (décembre 2023). À ces dates-là, difficile d’incriminer la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie de Covid…

De ce fait, il est d’autant plus préoccupant de savoir que si le mauvais budget de Michel Barnier a été censuré, c’est uniquement parce que les censeurs avaient en tête un budget encore plus mauvais.

Du côté gauche, le Nouveau Front populaire formé autour de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon aurait voulu que soient votés 55 à 60 milliards d’euros de taxes en plus sur les riches et les superprofits ; et du côté droit, le Rassemblement national de Marine Le Pen, après avoir obtenu qu’il n’y ait pas de déremboursements de médicaments, n’a pas accepté que les pensions de retraite ne soient pas toutes indexées(*) sur l’inflation.

Le risque que la situation du pays se dégrade encore plus est bien réel

Mais il faut croire que telle était à ce moment-là la volonté de la majorité du peuple dûment représentée par la majorité des députés.

Sortir de la dépense, des aides, des subventions, de la redistribution et des monopoles d’État ? Il arrive qu’on en parle, mais personne ne songe à faire un budget en ce sens. Déréglementer, simplifier les procédures (comme pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris), libérer les énergies, laisser la créativité et l’innovation faire leur chemin ? Il arrive qu’on en parle, mais personne non plus ne songe à légiférer en ce sens.

J’en arrive à la dernière question. François Bayrou ? On voit mal comment il pourrait changer la donne ; ni son propre CV ni l’état d’esprit encore très étatiste des Français et de leurs représentants ne l’y prédisposent. Première grande réflexion du nouveau locataire de Matignon : réautoriser le cumul des mandats pour les parlementaires afin de “réenraciner les responsabilités politiques” dans la vie locale. On sent comme un léger décalage…

Le risque que la situation du pays se dégrade encore plus, jusqu’à un point de faillite qui ne trouverait de résolution ultime que dans la rue et/ou sous l’égide amère d’instances internationales telles que le Fonds monétaire international ou la Banque centrale européenne est tout sauf nul. Or ce sont dans ces moments où les institutions sont dépassées et où l’État perd son autonomie que l’État de droit souffre le plus et que les citoyens ont le plus à perdre.

Dans ces conditions, les acteurs et commentateurs de la libéralosphère dont je suis n’ont d’autre choix que de poursuivre inlassablement l’exposé de leurs arguments en faveur d’un État limité, en espérant qu’ils commencent à prendre sens auprès d’un nombre croissant d’électeurs et de responsables politiques avant qu’il ne soit trop tard.

(*) Le fait que les retraites puissent être plus ou moins revalorisées au gré des besoins de financement de l’État et/ou des besoins de sa “clientèle” électorale est à l’évidence une hérésie. La solution ne réside pas dans un jeu de curseur ou d’indexation, mais dans le détachement progressif de l’État par introduction de tranches de capitalisation.

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2024/1...