Ce papier m’attirera vraisemblablement les foudres d’un certain nombre de personnes qui estimeront sans doute que j’enfreins l’union sacrée pour des raisons purement partisanes. Qu’on se le dise : ma démarche ne vise pas à sanctionner un parti pour en défendre un autre. J’estime d’ailleurs que la droite a pris en son temps des décisions qui ont leur part dans la situation dramatique que nous vivons aujourd’hui (réduction du budget des armées, réforme des services de renseignement, guerre en Libye, …).
Seulement, comme beaucoup, je suis consternée de voir que le gouvernement tire profit d’un événement survenu en grande partie à cause de sa propre incurie. Si nous sommes tous convaincus de la nécessité d’opposer à Daech un front uni et déterminé, l’exigence de l’union nationale ne doit pas, pour autant, neutraliser tout exercice critique, d’autant moins à un moment où des décisions capitales doivent être prises pour l’avenir de notre pays, la sécurité de ses ressortissants et la lutte finale contre l’ennemi.
Car il est certaines questions que le gouvernement ne pourra éluder bien longtemps :
Pourquoi les mesures drastiques que nous prenons maintenant n’ont-elles pas été prises dès le 7 janvier ? Pourquoi avons-nous attendu que 130 personnes soient froidement abattues pour déclarer l’état d’urgence, aller fouiller les caves et recueillir les armes qui y sont stockées ?
Pourquoi n’avons-nous pas songé, au lendemain du massacre de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, à dissoudre les associations et à fermer les lieux de culte soupçonnés de véhiculer un message pro-djihadiste ?
Pourquoi avoir tant attendu avant de consentir à armer les policiers en dehors de leurs heures de service, alors que l’épisode de Charlie Hebdo et du Thalys nous avaient déjà montré l’opportunité d’une telle mesure ?
Pourquoi avons-nous rétabli il y a une semaine seulement les contrôles aux frontières, alors que nous savons depuis plusieurs mois que des islamistes de Daech s’infiltrent parmi les réfugiés syriens ?
Pourquoi avons-nous attendu novembre pour opposer à Daech en Syrie un front uni ? François Hollande dénonce aujourd’hui la division de la coalition internationale contre l’Etat islamique, mais qui s’obstinait hier à ne pas coopérer avec la Russie ?
La vérité, c’est que nous avons perdu près d’un an. Car il y a un an, tous ceux qui préconisaient les mesures actuellement prises par le gouvernement se faisaient aussitôt accuser de dérives réactionnaires et fascisantes. Les temps changent, tant mieux. Mais, comme l’exprimait une nouvelle fois Natacha Polony, « on peine à étouffer la rage en pensant à ce qu’il a fallu de larmes et de sang. »
Outre ce qui n’a pas été fait, il est également nécessaire de souligner ce qui ne l’est toujours pas à l’heure actuelle :
- Comment se fait-il que le gouvernement n’aie pas désavoué Christiane Taubira ou, à tout le moins, sa politique pénale ? Alors qu’il était urgent d’affirmer l’autorité de l’Etat dans la lutte contre la criminalité, le message de laxisme envoyé par la Garde des Sceaux et sa réforme pénale sape jour après jour le travail et la crédibilité des forces de l’ordre.
- Comment se fait-il que le Président de la République soit toujours aussi incapable de nommer l’adversaire ? La France ne pourra remporter la guerre qu’à la condition de connaître son ennemi. Parler de « terroristes », c’est nommer le mode opératoire de Daech sans cerner l’idéologie constitutive de sa nature et de son action : l’islamisme radical.
- Pourquoi l’Union européenne n’a-t-elle annoncé aucun plan de lutte contre les infiltrations de terroristes parmi les réfugiés qui arrivent sur le continent ? Pourquoi la France ne l’y pousse-t-elle pas ?
Je terminerai, enfin, en rapportant ce que peu de journalistes ont relaté après l’opération de mercredi dernier en Seine-Saint-Denis. Les médias ont souligné le succès de cette opération sans évoquer le fait que les unités militaires mobilisées pour participer au « bouclage élargi » de la zone d’intervention du RAID et de la BRI ont été violemment insultées et parfois menacées de mort par certains habitants du quartier. Les soldats estiment avoir été confrontés à des situations et ambiances proches de celles qu’ils ont gérées à Bangui. Ils ont eu le sentiment d’être en face d’une population hostile qui défend son territoire contre un « corps extérieur ».
Entre les islamistes radicaux et une population respectueuse des lois, il existe donc une réalité intermédiaire qui pose un véritable problème à la République. C’est probablement cette portion qui constitue aujourd’hui l’enjeu essentiel pour la France. Si le gouvernement peut se glorifier du succès réel et indiscutable de notre police mecredi dernier, il continue de rester passif face à une situation plus générale qui se dégrade de mois en mois dans « les territoires perdus de la République. » Et il devra en rendre des comptes.
Cet article Ce qui n’a pas été fait est apparu en premier sur De choses et d'autres....