Invitée en Algérie afin de procéder à l’élection de Miss Algérie, Madame Geneviève de Fontenay, lors de son discours d’introduction sur la scène et devant un très nombreux public, a commis la seule gaffe qu’il ne fallait pas commettre : un malencontreux lapsus citant l’Algérie française.
Aussitôt, et on peut le comprendre, il s’en est suivi un tollé général. Le ministre présent a quitté la salle et les officiels ont fui.
Les Algériens se sont déchainés contre cette vieille dame devenue indigne subitement et complètement perdue hors de son univers et sous son éternel chapeau.
Une importance démesurée donnée à ce bafouillage, une marée d’indignation, des élans nationalistes bien mal placés et qui remontaient de bien bas.
Pauvre Miss Algérie, une jolie jeune fille originaire de Bab-el-oued (là où je suis né), totalement désemparé au milieu de ses dauphines. Toute l’image de son pays retombait sur ses épaules : chance et malchance, avenir et désespérance, morbide et beauté.
Mais je laisse la plume à Kamel Daoud, sur le Quotidien d’Oran, ce jour 10 septembre 2014 : « Il y a quelque chose de triste, de risible et de malsain de pourfendre Mme de Fontenay alors que, vu l’histoire de ce pays, la colère dure depuis mille ans. Cette épisode démontre la fameuse schizophrénie nationale, bâtie sur le déni. Il y a quelque chose de lourd, de douteux et de trop insistant dans l’indignation. On y trouve une volonté de faire dans le zèle pour masques quelques honteuses évidences.
L’Algérie française existe.
Elle est là, sous nos nez. Elle est un tabou verbal mais une pratique courante.
Le président se fait soigner en France, jusqu’à y habiter, dans un hôpital français.
Les ténors du FLN ont leurs enfants installés, scolarisés, employés en France.
Les employés du régime ont leur double nationalité, en cas de soulèvement des indigènes, de mise à la retraite, ou de simple maladie.
L’Algérie française est là : en économie, dans les mœurs, dans les habitudes de voyages ou de dépenses, dans la scolarité des enfants, dans les contrats, dans les parrainages internationaux, dans les liens.
Refaire la guerre contre la France, avec des drapeaux et un chameau, est une vieille habitude, une facilité : la guerre du drapeau contre le chapeau.
La bataille d’Alger a été une bataille puis un grand film, aujourd’hui une bataille contre un chapeau. »