Par César Casino Capian.
Le 4 mai, Isabel Diaz Ayuso a été reconduite haut la main à la tête de la Communauté Autonome de Madrid, lors d’un scrutin marqué par une participation record. Seule contre tous, elle a rendu intelligible et populaire un discours passionnément libéral qui, espérons-le, saura inspirer la droite française et européenne.
Une présidente récompensée pour son courage
Les résultats sont sans équivoque : Isabel Diaz Ayuso a écrasé ses adversaires en obtenant 45 % des voix, un résultat supérieur à celui des trois formations de gauche réunies. Il s’en est fallu de peu pour qu’elle obtienne la majorité absolue ; toutefois, elle pourra compter sur l’abstention de Vox pour lui garantir la gouvernabilité.
À gauche, le Parti Socialiste (PSOE) a subi une cuisante défaite : la candidature d’Angel Gabilondo n’a obtenu que 16,85 % des voix, ce qui implique une perte de 13 députés en deux ans. Mas Madrid, formation d’extrême gauche créée par des transfuges de Podemos, a obtenu 17 % des voix : c’est la première fois dans l’histoire de la démocratie espagnole que le PSOE perd sa suprématie à gauche. Les autres grands perdants de la soirée sont Ciudadanos, qui n’a pas atteint le seuil de représentation de 5 % des voix et disparaît donc de l’Assemblée régionale, et Podemos, qui n’a séduit que 7 % des Madrilènes.
En pleine pandémie, et seulement quelques mois après le record d’abstention de 47 % enregistré lors des élections catalanes de février , on aurait pu croire à une faible mobilisation électorale à Madrid. Pourtant, c’est bien la participation record qui a marqué ce scrutin : 76,25 % des Madrilènes se sont rendus aux urnes, une augmentation de 11 points par rapport à 2019. À titre de comparaison, le précédent record de participation avait été enregistré lors des comices de 1995, qui avaient mobilisé 70 % des électeurs.
Ainsi, cet engouement électoral rend la victoire d’autant plus jouissive que la gauche avait fait de la participation son cheval de bataille, présupposant que la mobilisation de son électorat traditionnel jeune et précaire, plus propice à l’abstention, augmenterait ses chances de victoire, au son de la mobilisation antifasciste. N’en déplaise à Jean d’Ormesson, pour qui « si l’on ne vote pas à gauche à vingt ans, on n’a pas de cœur », l’inédite participation de la génération Z (citoyens nés dans les années 2000) s’est inclinée vers la présidente madrilène, dérobant à la gauche son monopole de l’idéalisme juvénile et mettant au coin, parés d’un bonnet d’âne, les imbéciles lanceurs d’alerte antifasciste…
Ces élections ont même été le théâtre d’un tournant sociologique , puisqu’Isabel Diaz Ayuso a obtenu 100 000 voix parmi les électeurs socialistes et a fait du Parti Populaire (PP) la première force politique dans la « ceinture rouge », les quartiers populaires de Madrid traditionnellement portés au vote de gauche.
Une présidente récompensée pour son courage politique
Cette victoire témoigne du soutien populaire à la gestion sanitaire libérale de la présidente madrilène , qui depuis qu’elle a récupéré en octobre dernier les compétences sanitaires de sa Communauté Autonome, un temps recentralisées par le gouvernement, est parvenue à concilier une contention raisonnable et efficace de la pandémie avec la poursuite de l’activité économique.
En revanche, le gouvernement central qui s’est engagé dans la campagne madrilène a été châtié pour sa gestion centralisée, liberticide et inefficace lors de la première vague. Les Madrilènes, plus préoccupés par la défense de leurs intérêts que par une réédition fantasmée des événements de juin 1936, n’ont pas mordu à l’hameçon de la crispation proposée par la gauche.
Le succès d’Isabel Diaz Ayuso n’était pas acquis d’avance, puisqu’aux attaques sans merci adressées par la gauche du confinement, son propre parti a douté du bien-fondé de sa stratégie libérale et a tardé à la reconnaître à sa juste valeur. Les présidents des Communautés Autonomes de Castilla y Leon et de Galice, deux grandes figures du Parti Populaire (PP), ont mis en place dans leurs Communautés Autonomes des stratégies qui n’avaient rien à envier à celles du gouvernement central et en sont arrivés à critiquer la gestion de la présidente madrilène, qu’ils jugeaient « irresponsable ».
Face au manque d’ambition d’une classe politique espagnole, de droite comme de gauche, paralysée par la crainte des conséquences pénales de la gestion de la pandémie et sans aucune préoccupation pour la recherche d’un bien commun partagé et équilibré, Isabel Diaz Ayuso a courageusement pris ses responsabilités et fait sienne la phrase de Margaret Tchatcher :
Je ne suis pas une politicienne du consensus. Je suis une politicienne de la conviction.
Le libéralisme populaire d’Isabel Diaz Ayuso
C’est surtout avec pédagogie et honnêteté que la présidente madrilène a su justifier sa politique. Très loin de l’opacité ambiante qui caractérise nos démocraties covidisées, elle a expliqué l’idonéité de sa stratégie et a assumé tous les risques qui en découlaient. Elle déclarait en octobre 2020 :
Certes, la vie est la chose la plus importante, mais plein de commerces et de familles sont en train de se ruiner. Il faut prendre des mesures sensées, pondérées et chirurgicales pour cibler la transmission et éviter de pénaliser toute la population. Une situation si complexe ne se règle pas à l’aide de mesures grossières.
Le 4 mai au soir, dans un discours émouvant prononcé dans l’euphorie de la victoire, Isabel Diaz Ayuso a détaillé avec simplicité les grandes lignes d’une vision politique qui venait d’être ratifiée par les madrilènes.
À ses yeux, la liberté n’est pas intrinsèque à l’Homme, elle est un choix :
On ne peut pas tout fermer, et dire aux citoyens : « Voilà une indemnisation, et tu me seras redevable pour garantir ton existence ». Nous allons être libres car c’est notre choix, car nous voulons d’un Madrid où dès demain, les gens iront travailler, se lèveront tôt et se battront pour vivre. Cela vaut la peine : c’est la passion pour la vie !
Son grand succès est d’avoir réuni autour de ce discours une majorité transversale de Madrilènes, modestes comme riches, de droite comme de gauche, jeunes comme âgés, qui ont affirmé préférer un modèle où l’autonomie, le travail et la responsabilité primeraient sur l’arrêt d’une économie maintenue sous perfusion étatique.
Dans un article pour El Pais , Manuel Jabois a rassemblé quelques témoignages de ces différents profils qui ont voté pour Isabel Diaz Ayuso. C’est notamment le cas de William, un serveur immigré qui n’a pas encore le droit de vote, mais qui affirme que s’il avait pu voter, il aurait voté pour Isabel Diaz Ayuso car « elle nous a donné du travail ». Ou de Perla Avia, une Équatorienne dont le mari transporteur de marchandises n’a jamais vu son activité s’arrêter : « Ayuso a toujours été là, et nous lui en sommes reconnaissants ».
Même les artistes et intermittents du spectacle ont voté massivement pour la présidente madrilène : « Si tu savais combien de célébrités communistes ont voté pour Ayuso, tu n’y croirais pas. Ils ne le reconnaitront jamais », confessait à Manuel Jabois un artiste madrilène de renom, soucieux de préserver son anonymat. D’autres ont valorisé son courage : « J’aime cette fille. J’aime les mesures qu’elle prend, elle est courageuse », insistait Isabel Cortés, qui a traditionnellement voté socialiste.
Face à la sempiternelle patrimonialisation par la gauche de la notion de progrès et du bien public, Isabel Diaz Ayuso a prouvé aux Madrilènes, autant par sa gestion que par son discours, que le libéralisme pouvait servir le bien commun d’une manière autrement plus efficace que par l’application de politiques de dépense publique à outrance.
Contrairement à ce qu’avancent ses opposants , la stratégie de réduction des dépenses publiques menée depuis 20 ans à Madrid n’a pas empêché la Communauté Autonome d’avoir maintenu un des meilleurs systèmes de santé d’Espagne. D’ailleurs, la gauche sectaire n’a jamais su expliquer à ses électeurs que le néolibéralisme d’Isabel Diaz Ayuso avait pu débloquer 153 millions d’euros pour la construction d’un hôpital public anti-covid et ainsi faire face à l’urgence de la pandémie.
Les Madrilènes n’ont pas été dupes : au-delà des fantasmes de la gauche, l’expérience leur a montré que l’on peut parfaitement vivre dans un « enfer libéral » qui garantit 42 jours de temps d’attente en moyenne pour une opération chirurgicale, contre 212 en Andalousie et 269 en Castilla-la-Mancha, deux Communautés Autonomes gouvernées depuis plus de 30 ans par les socialistes.
C’est pour cela qu’Isabel Diaz Ayuso a revendiqué haut et fort la poursuite d’un programme économique et social libéral, que certains dirigeants de la droite espagnole ont du mal à défendre, sans doute à cause d’un complexe d’infériorité morale intériorisé :
Merci à tous pour votre confiance ! Nous vous promettons deux ans de gouvernement en liberté afin de baisser les impôts, protéger l’éducation publique, privée et spéciale, veiller sur notre système de santé et prendre soin de toutes les grandes choses que nous avons construites tous ensemble […] Nous gouvernerons avec respect et en portant fièrement le drapeau de la liberté.
Ce franc-parler a également rendu intelligible la philosophie libérale, y compris parmi des électeurs moins enclins à la soutenir. À l’aide de concepts simples, son discours résumait les fondements moraux du libéralisme :
Madrid, c’est la liberté : le sanchisme ne comprend pas notre mode de vie, et c’est pour ça qu’il ne gagnera jamais à Madrid. Parce qu’on ne peut pas diriger, parce qu’on ne peut pas contrôler, parce qu’on ne peut pas imposer.
Comme Margaret Thatcher , qui affirmait que « La société, ça n’existe pas », Isabel Diaz Ayuso a clamé haut et fort son rejet du collectivisme :
La liberté, c’est aussi le respect des différences et des individus : il n’y a pas deux personnes pareilles, il n’y a pas deux familles pareilles […] On ne peut pas parler au nom de tous. […]. On peut être Madrilène du Portugal, Madrilène du Venezuela, Madrilène de Colombie, Madrilène de Cuba, Madrilène de Cordoue, Madrilène de Chamberi [un quartier huppé de Madrid], Madrilène de La Corogne.
Laparrhèsia sauvera-t-elle le libéralisme ?
Dans Le courage de la vérité, Michel Foucault écrivait :
Quand il y a de la parrhèsia, et que le maître est là – le maître qui est fou et qui veut imposer sa folie-, que fait le parrèsiaste, que fait celui qui pratique la parrhèsia ? Eh bien justement : il se lève, il se dresse, il prend la parole, il dit la vérité. Et contre la sottise, contre la folie, contre l’aveuglement du maître, il va dire le vrai, et par conséquent limiter par-là la folie du maître. À partir du moment où il n’y a pas de parrhèsia, alors les hommes, les citoyens, tout le monde est voué à cette folie du maître.
Face à la folie autoritaire et sanitaire de Pedro Sanchez, qui sans éviter les décès de masse a empiré la crise économique, Isabel Diaz Ayuso s’est courageusement levée, seule contre tous et armée de pragmatisme, afin de garantir aux Madrilènes leur liberté et leur niveau de vie.
À un mois et demi des élections régionales, on ne pourrait que conseiller à messieurs Jacob, Ciotti, Bertrand , mais aussi à madame Pécresse et autres cadres des Républicains, de jeter ne serait-ce qu’un coup d’œil par-dessus les Pyrénées… Car oui, une alternative libérale existe, et elle peut même convaincre ! Encore faut-il avoir le courage de la mettre en œuvre pour la soumettre au jugement de ses concitoyens.
Ces articles pourraient vous intéresser :
https://www.contrepoints.org/2021/0...
Gaspard Koenig : « Je ne suis pas antilibéral ! » https://www.contrepoints.org/2021/0...
Isabel Diaz Ayuso, une gestion libérale de la crise sanitaire https://www.contrepoints.org/2020/0...
Madrid fait le choix de la liberté économique https://www.contrepoints.org/2019/1...
Brexit : l’Europe a-t-elle peur des libéraux ?