Par Bernard Kron1.
La crise sanitaire liée au Covid dont le virus se diffuse dans l’air comme les spores a mis en exergue la crise du système de santé auquel le Ségur sera incapable de mettre un terme.
Vaccination obligatoire pour les soignants
Ce sera contre-productif : recours, grèves, démissions des personnels sont des sérieuses menaces.
Réarmer les hôpitaux et recruter des personnels en leur donnant des protections serait plus réaliste que de les obliger à se vacciner.
En effet, l’immobilisme des administrations n’a pas permis de faire face à la troisième vague du printemps pour éviter la surcharge des réanimations. Rien n’a été fait pour pallier la pénurie de respirateurs, des personnels soignants, le sous-équipement des classes et des bureaux en extracteurs d’air.
La quatrième vague nous menace maintenant, faute d’une vaccination suffisante de l’ensemble de la population.
La situation de la pandémie
Des éléments nouveaux commencent à se faire jour et nous éclairent sur les traitements possibles et les mesures urgentes à mettre en œuvre.
Les vagues successives de la Covid continuent de se répandre cet été avec le variant delta. Cela risque de durer et de compromettre la rentrée. Il faudra vivre longtemps avec ce virus . Il faut donc se préparer. La France a choisi pour cela de booster la vaccination et de mettre en place le pass sanitaire . La prévention avec les mesures barrière et la vaccination ne sera pas suffisante pour éviter des drames à l’automne.
La vaccination a malheureusement pris un retard difficile à rattraper, car si 80 % des personnes âgées sont vaccinées, seulement 50 % des adultes à risques le sont. Ce retard ne pourra pas être rattrapé en deux mois.
Les progrès de la prise en charge des malades
La prise en charge des malades a progressé bien qu’il n’y ait toujours pas de traitement spécifique.
Les traitements par les antiviraux ne marchent pas. Les protocoles de traitement précoces avec l’hydroxychloroquine prônés par le professeur Raoult n’ont pas fait preuve de leur efficacité réelle. Ils ont pourtant leurs défenseurs. L’ivermectine et l’artémisia sont largement utilisés en Asie et en Afrique, sans que l’on puisse en tirer de vraies conclusions.
L’OMS et l’Académie de médecine déconseillent formellement l’utilisation inconsidérée de l’artemisia pour traiter la Covid-19, tant que des protocoles thérapeutiques rigoureusement codifiés et scientifiquement étayés n’auront pas fait la preuve de son efficacité. Sa consommation à grande échelle serait susceptible d’entraîner l’apparition de résistances aux antipaludiques. Pourtant l’Afrique n’a pas beaucoup d’autres solutions faute de vaccins en nombre suffisant.
Les formes graves sont l’objet d’une meilleure prise en charge. Elles sont plus rares chez les vaccinés ayant reçu deux doses mais cette protection n’est pas totale.
La surveillance précoce de la saturation dans le sang de l’oxygène par optiflow, la mise sous anticoagulants et les anti-inflammatoires ont permis d’éviter d’intuber en réanimation la moitié des cas graves avec une diminution de la mortalité de près de 40 %.
Le nombre insuffisant de lits de réanimation reste cependant préoccupant pour cette automne car les personnels manquent.
Protection vaccinale et variants
On sait maintenant qu’avec deux doses la protection est excellente même si elle n’est pas totale (entre 60 et 90 %). On ne sait toujours pas si les vaccinés peuvent rester contaminants et si la vaccination ne risque pas de favoriser la diffusion de variants. La question de la durée de l’immunité n’est pas encore résolue. Il faudra peut-être une troisième injection 6 à 12 mois après la vaccination. Le dosage des anticorps permettra de prendre la bonne décision.
Ce virus mute en permanence, sa multiplication se fait avec des copies non conformes lors de sa réplication. Le variant le plus efficace prendra la place des précédents mais ne sera pas forcément plus agressif.
L’arrivée de ces nouvelles vagues entraîne des politiques différentes selon les continents et les cultures. Certains pays qui peuvent contrôler leurs frontières comme la Nouvelle-Zélande visent zéro Covid , ferment leurs frontières, testent, isolent et ne vaccinent pas. D’autres qui ont un afflux de touristes permanent, comme Israël cherchent à vacciner tous leurs habitants, même les enfants, et contrôlent strictement les arrivées.
La France qui se trouve à la croisée des chemins cherche encore la vérité avec le pass sanitaire et l’obligation vaccinale pour certaines catégories de population.
Des nouveaux vaccins sont à l’étude.
Un vaccin plus efficace pourrait être celui qui serait mis au point à partir de la fraction fixe du virus qui ne mute pas. Le laboratoire Valneva est sur cette voie de recherche mais aboutira-t-il ? Le vaccin de Novavax utilise la technologie sous-unitaire de protéines vaccinantes. Il contient des fragments de protéines suffisants pour apprendre au système immunitaire à reconnaitre le virus, sans l’inoculer. Il semble plus maniable et très efficace contre le variant delta . Celui-ci est devenu majoritaire pendant l’été.
L’obligation vaccinale
Elle a deux objectifs, protéger contre les formes graves et atteindre l’immunité de groupe. Pour la Covid-19 elle devra dépasser 80 à 90 % de vaccinés.
Le problème est mondial et la protection est moins bonne face aux nouveaux variants qui continueront de circuler car vacciner le monde entier nécessitera des années.
Il faut bien sûr que l’immunité acquise reste efficace au cours du temps. Si ce n’est pas le cas, des rappels de vaccination seront nécessaires. Déjà la Grande-Bretagne propose une troisième dose aux vaccinés face au variant delta .
Cette obligation est à l’ordre du jour dans de nombreux pays mais pose des problèmes juridiques complexes. En effet, étant donné l’urgence, ces vaccins ont fait l’objet d’une autorisation conditionnelle, contrairement aux vaccins obligatoires largement éprouvés par leur recul. Les laboratoires à l’origine des sérums anti-Covid se sont engagés à poursuivre leurs essais et à fournir aux autorités de nouvelles données pendant encore deux ans.
Les juristes rappellent qu’il est normal de passer par une loi dans la mesure où l’obligation vaccinale porte atteinte à certains droits fondamentaux , comme l’intégrité corporelle, le respect de la vie privée ; et éventuellement le droit à l’instruction puisqu’un étudiant en médecine qui refuserait d’être vacciné pourrait être exclu.
Une récente décision de la Cour européenne des droits de l’Homme vient cependant conforter la légitimité de l’obligation vaccinale.
Dans un arrêt rendu le 8 avril 2021 elle estime qu’elle est « nécessaire dans une société démocratique », lorsqu’il y a un impératif de santé publique.
La vaccination sera rendue légalement obligatoire pour les soignants, les aidants et certaines corporations. Sa conformité avec la Constitution risque d’entraîner des recours. Ce sera alors le Conseil constitutionnel qui statuera.
Le pass sanitaire vert , rendre payant les tests, sont une façon déguisée de rendre obligatoire cette vaccination mais peuvent être difficiles à contrôler.
À quand une vraie réforme de la santé ?
En pleine crise sanitaire, les questions de santé sont quasi absentes du projet de loi dite 4D – différenciation, décentralisation, déconcentration, décomplexification – présentée le 12 mai dernier en conseil des ministres lors de la troisième vague qui a obligé au reconfinement. Elles ont été également quasi absentes de la campagne des élections régionales et départementales.
Quel candidat à l’élection présidentielle aura le courage de s’attaquer à une vraie réforme de la santé dans un tel contexte ? C’est un vrai choix de société que j’évoquais dans mon livre .
Une réforme du système de santé qui paraissait incontournable face aux nouveaux défis sanitaires n’a pas vu l’ombre d’une réalisation avec la loi « Ma santé 2022 ». Les grèves et manifestations restées sans effet en 2019 avant la pandémie ont recommencé à se multiplier au mois de juin avec les infirmières et les internes.
L’échec des élections régionales doit faire réfléchir aux enjeux de l’élection présidentielle. Une réforme en profondeur de la santé devrait être au centre des débats.
La piste proposée par l’Institut santé mérite d’être étudiée. Elle s’était montrée efficace pour l’Internat quand il était un concours régional avant 2002. Pourrait-on l’étendre à tout le système ?
Les politiques nationales et européennes devraient se cantonner aux risques épidémiques, à la pollution, aux réels contrôles des modificateurs hormonaux et aux contrôles des médicaments. Leurs productions devront être relocalisées en Union européenne pour éviter de nouvelles pénuries.
Les régions se consacreraient à la qualité des établissements de soins et à faciliter leur coopération pour mettre fin aux déserts médicaux.
Réussir la transformation de l’État sanitaire en un État stratège
L’État doit être garant du principe constitutionnel de l’égalité d’accès à des services de santé de qualité pour tous dans tout le territoire. La décentralisation doit conduire à un meilleur usage de l’argent public.
Avec la crise économique l’État sera-t-il capable du transfert intégral aux collectivités territoriales des budgets existants pour ces missions ?
L’État devra définir la stratégie nationale de la santé et son bon financement. Il doit se réformer afin d’être plus efficient. Une redéfinition des périmètres de son action dans le domaine de la santé est indispensable. Il faudrait qu’il soit renforcé dans ses missions exclusives régaliennes et que certaines de ses compétences soient déléguées à d’autres instances, telles les collectivités territoriales. Encore faut-il que les injonctions de la GOPE le permettent et ne soient pas contradictoires.
Les collectivités territoriales doivent avoir la liberté de proposer des solutions différentes liées à leurs spécificités, avec une évaluation régulière pour décider de leur pérennité. Mais cette décentralisation ne doit pas être un piège qui multiplierait encore plus les administrations.
Pour cela, il est nécessaire de définir clairement ce qui dépend de l’OMS, de l’Union européenne, du gouvernement central, du ministère, des régions et des soignants eux-mêmes.
Le rôle des départements et des collectivités pour la protection et la prévention
Dans la continuité de la protection maternelle et infantile, la santé scolaire et la santé universitaire seraient confiées aux départements. Les mauvais indicateurs sanitaires en milieu scolaire et la perte d’attractivité de la médecine scolaire montrent l’échec du pilotage par l’Éducation nationale. Dans l’intérêt de la santé des enfants et des jeunes et de la cohérence du pilotage de la prévention en santé, il faut aller au bout de cette logique. Alors allons-nous vacciner aussi les enfants ?
Outre les missions de prévention sanitaire, le département devra rester le chef de file du social et du médico-social, pour les agréments des structures et l’orientation des usagers.
La réforme des études médicales n’est pas adaptée à la crise.
L’État a montré toutes ses limites dans le pilotage de la Covid, dans la formation des soignants et de la démographie médicale.
L’Appel des 50 pour une décentralisation de la santé propose de revenir à un Internat régional. Cela permettrait d’adopter le nombre de postes à la situation sanitaire des territoires pour mettre fin à la désertification.
L’Institut santé suggère de transférer aux régions la compétence de la formation médicale et la gestion de sa démographie. Encore faudrait-il disposer d’assez de seniors pour les encadrer. Pour cela il faudra les préparer à cette fonction dès le deuxième cycle.
Le Ségur, la loi 4D et les élections de juin 2021 ont été des occasions manquées pour cette refondation. Il ne faudrait pas qu’il en soit de même lors de la campagne présidentielle qui leur succédera avec de fausses promesses, faute de quoi le système exploserait.
En automne la situation risque d’être alarmante. Même si les vaccins semblent assez efficaces contre ces mutants, d’autres variants comme le delta plus, l’epsilon ou d’autres risquent de prospérer.
Bernard Kron est auteur deBlouses Blanches colère noire, MaxMilo éditions ↩
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