L’adoption de la Loi immigration a provoqué un tollé inattendu dans le monde universitaire : démission du ministre de l’Enseignement supérieur (refusée par Matignon et l’Élysée), tribunes de présidents d’écoles et d’universités, interventions médiatiques multiples contre les dispositions de la loi touchant aux étudiants. C’est qu’en effet, pour beaucoup d’écoles supérieures et d’universités, l’étudiant étranger est une manne financière indispensable.
Beaucoup de professeurs se sont émus que des restrictions puissent être imposées aux étudiants étrangers : frais de scolarité plus élevés, caution de retour, suppression des aides au logement, voire sélection à l’entrée. Édouard Philippe avait déjà tenté, sans succès, de faire payer des frais d’inscription plus élevés aux étudiants étrangers, et déjà les universités s’y étaient opposées. Ce qui signifie qu’aujourd’hui c’est le contribuable français qui finance les études des étrangers qui viennent en France.
Pour beaucoup d’universités, et pour de nombreuses formations en licence et en master, la présence des étudiants étrangers est indispensable au maintien de l’existence de ces formations. C’est l’un des nombreux secrets de Polichinelle que la corporation universitaire se garde bien d’éventer : pour bon nombre de formations de piètre niveau, qui n’attirent pas les étudiants français, faire venir des étudiants étrangers permet de les remplir et donc d’assurer la survie des postes et des prébendes. Les taux d’échec de ces étudiants sont au-dessus du taux d’échec des Français (déjà très élevé) ce qui permet de faire coup double : comme ils redoublent plus, ils assurent des inscriptions pour l’année d’après, et comme un grand nombre d’entre eux disparaissent après quelques semaines, tout en restant inscrits, ils ne prennent pas de place dans les salles de cours. En général, ces formations délaissées reçoivent le bas du panier mondial, des étudiants dont le niveau réel n’a pas été vérifié en amont, ce qui ne semble poser aucun problème moral à des universitaires qui pratiquent la bonne conscience et la moraline d’usage.
Plongeons-nous dans les rapports de Campus France pour voir comment cela fonctionne dans les détails. Les chiffres cités dans l’article issu de Campus France sont extraits du rapport « La mobilité étudiante dans le monde. Chiffres clefs », Campus France, juin 2023. Campus France agrège des données collectées auprès d’organismes internationaux, comme Eurostat, l’OCDE ou l’Unesco.
La France à la peine dans les classements mondiaux
Les 5 premiers d’accueil de la mobilité étudiante (effectifs en 2020) : États-Unis : 957 475 Royaume-Uni : 556 877 Australie : 458 279 Allemagne : 368 717 Canada : 323 157
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La France se classe à la 6e position avec 252 444 étudiants étrangers, soit 300 000 étudiants de moins que le Royaume-Uni, et 200 000 étudiants de moins que l’Australie. La France fait à peine mieux que les Émirats arabes unis et le Japon. Remarquons d’ores et déjà que les pays qui attirent le plus sont ceux où la sélection est la plus forte : sélection à l’entrée, frais de scolarité élevés (voire très élevés), coût de la vie étudiante, bien souvent caution pour le retour.
Alors même que les universitaires opposés aux dispositions de la loi expliquent que plus on sélectionne plus cela abîme l’attractivité étudiante. C’est tout l’inverse qui est à l’œuvre.
Le rapport note que pour l’année scolaire 2020/2021, le nombre d’étudiants étrangers en France a dépassé la barre des 400 000. Malheureusement, les chiffres pour les autres pays ne sont pas indiqués (contrairement à 2020), ce qui ne permet pas de réaliser des comparaisons.
Et encore ces données n’indiquent-elles que la quantité, mais pas la qualité. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur d’autres données, qui émanent du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, celles de la réussite en licence et master, par continent.
Il s’agit de la note d’information du SIES « Parcours et réussite des étudiants étrangers en mobilité internationale », juillet 2020.
Les étudiants étrangers échouent en masse
Pour l’ensemble des étudiants français et résidents étrangers, le taux d’échec en licence est de 71,6 %.
Cet immense gâchis humain et financier ne semble troubler personne. Plus de 90 % de réussite au bac pour aboutir à plus de 70 % d’échec en licence. Cet échec massif ne devrait-il pas être la première des priorités de l’université ? Et quand on parle d’échec, encore faut-il avoir à l’esprit que beaucoup de passages sont donnés ou bien facilités. Si les notations étaient à la mesure du niveau des copies, le taux d’échec serait beaucoup plus important.
Les taux d’échec varient selon les disciplines : plus important en droit et sciences politiques (71,8 %) qu’en économie (62,6 %) et lettres et sciences humaines (63,2 %). Étant professeur dans cette filière, j’ai de très gros doutes quant au fait que ce soit celle avec le plus faible taux d’échec (même s’il est très important par ailleurs). Compte tenu du niveau de maitrise de l’orthographe et de la syntaxe, c’est le cas typique de filière où les passages sont facilités.
Regardons ce qu’il en est pour les étudiants étrangers.
Taux d’échec en licence : Amérique : 62,5 % Afrique subsaharienne : 72,5 % Maghreb : 75,4 % Asie et Océanie : 61,2 %
Les étudiants d’Asie et d’Amérique échouent moins que les Français, ceux d’Afrique échouent davantage. Ce qui se vérifie également dans les masters, où les taux d’échec oscillent entre 60 % et 50 %. Pour le dire autrement, près des deux tiers des étudiants africains qui viennent en France échouent en licence. Certains mettront 4 ans pour obtenir une licence, d’autres finiront par s’évaporer de l’université, mais le visa étudiant leur aura permis de venir légalement en France. Une telle boucherie étudiante ne semble pas, là non plus, émouvoir les universitaires qui y voient au contraire un élément « du rayonnement de la France ».
Ces données sont pourtant terribles : la France accueille moins d’étudiants que les grandes nations, elle sélectionne très peu, et ceux qui viennent sont, pour les deux tiers d’entre eux, d’un niveau faible voire très faible. Cela finit par se savoir, dans les pays émetteurs, que les meilleurs vont aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne, et que le bas du panier va en France. On peut faire mieux en termes d’attractivité et de rayonnement.
Les taux d’échec en master sont eux aussi colossaux : 62,5 % pour les étudiants d’Afrique subsaharienne, 50 % pour les étudiants asiatiques, 56,5 % pour les étudiants français. Après l’obtention d’une licence, de tels taux d’échec sont anormaux. Ils démontrent que la sélection n’a pas lieu et que beaucoup d’étudiants servent à remplir des formations impasses qui n’attirent pas. Les universitaires seraient beaucoup plus crédibles s’ils dénonçaient ce carnage humain.
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Le tri universitaire
Dans son rapport de juin 2023 , Campus France constate que les principaux pays d’où sont originaires les étudiants étrangers sont le Maroc, l’Algérie, la Chine, l’Italie, le Sénégal. L’Afrique du Nord Moyen-Orient est la zone d’origine la plus importante (29 %), la deuxième étant l’Europe (25 %). Sur cinq ans (2018-2023), la plus forte hausse concerne les étudiants venus d’Afrique subsaharienne (+40 %).
Au total, 13% des étudiants en France sont étrangers. Quant à leur répartition, les étudiants internationaux sont inscrits, pour les deux tiers d’entre eux, à l’université (65 %), puis en écoles de commerce (14 %), en écoles d’ingénieurs (7 %) et en formations en lycée (classes préparatoires notamment – 5 %). Avec des typologies par continent très différentes.
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Ceux qui sont inscrits à l’université proviennent essentiellement d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne, alors que les Asiatiques ne représentent que 10 % du total. Mais, en école de commerce comme en école d’ingénieurs, les étudiants asiatiques représentent plus du tiers des étudiants étrangers, et les étudiants d’Afrique subsaharienne à peine 15 %. Chaque établissement capte son marché étudiant sur des zones géographiques précises et déterminées.
L’origine des doctorants est elle aussi différente de l’origine de l’ensemble des étudiants puisque le pays le plus représenté est la Chine, suivi du Liban, de l’Italie et de l’Algérie.
Les universitaires ont raison de dire que l’attractivité de la France est un enjeu de puissance. Mais pour que cela soit effectif encore faut-il attirer les meilleurs étudiants, et ne pas se servir des Lumières de la France pour combler des filières et des formations bouchées dans le seul but de les maintenir en existence afin de sauver les postes et les prébendes. Plutôt qu’une fausse démission, le ministre de l’Enseignement supérieur aurait dû s’attaquer à ce chantier essentiel.