La région Afrique du nord Moyen Orient présente la triste particularité de compter un nombre important – et sans cesse croissant - de pays qui, après avoir été tenus d’une main de fer par des despotes pendant plusieurs décennies, ont sombré dans l’instabilité au cours de l’Histoire récente. Soit du fait d’une intervention extérieure (Irak, 2003), soit à la suite des soulèvements de 2011 ayant entraîné la chute des dictateurs et abouti à la guerre civile (Libye, Syrie, Yémen). Plus récemment, le Liban a pu paraître sur le point de rejoindre ce groupe, par un effet de pourrissement de son système politique, aggravé par les tensions régionales et par la conjonction de crises diverses, sanitaire, humanitaire et économique. Le Soudan, en proie à la guerre civile depuis avril 2023, pourrait venir allonger la liste.
Une terminologie, née aux Etats-Unis dans les années 90, parle d’« États faillis », en fonction d’un certain nombre de critères qui paraissent en l’occurrence réunis. On évitera toutefois de recourir à cette expression, d’une part parce que son corollaire, le State building, en justifiant des interventions étrangères, a fait la preuve de son inefficacité, voire de sa nocivité. D’autre part en raison de sa connotation définitive alors que dans tous les pays concernés la population reste unie par un profond sentiment d’appartenance nationale qui permet d’espérer à terme une reconstruction venue de l’intérieur.
Comme il est par ailleurs difficile de parler de « crise » pour des situations qui perdurent parfois depuis dix ans et plus, on adoptera l’expression « État défaillant ».
Dans ces pays, le niveau de délitement et de dysfonctionnement de l’État est en effet devenu tel que celui-ci n’assume plus les fonctions qui fondent normalement sa légitimité. Il a perdu le contrôle d’une partie ou de l’ensemble du territoire ; Il n’a pas les moyens d’empêcher la présence ou les opérations ponctuelles de forces étrangères ; Il subit l’influence déterminante de pays tiers ; Il n’exerce plus le monopole de la violence face à différents acteurs non étatiques (milices, réseaux mafieux, groupes jihadistes…) ; Incapable de générer de la cohésion sociale, son fonctionnement est marqué par le clientélisme et la corruption ; Il n’assure plus les services publics de base (eau, électricité, éducation, santé) ; Il ne parvient pas à fixer sa population (flux de réfugiés et mouvements de déplacés).
Ces pays sont un sujet de préoccupation pour la communauté internationale dont ils démontrent l’incapacité à apporter des réponses efficaces et appropriées. Leur instabilité constitue une menace par-delà leurs frontières, en raison des risques d’exportation du terrorisme, des flux de réfugiés et des luttes que se livrent des puissances tierces sur leur territoire, au risque de générer un embrasement généralisé.