Par Joseph Gallard.
Une série de tensions exacerbées a eu lieu depuis dimanche dernier entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie . On dénombre déjà 17 morts (12 militaires et un civil azéris et 4 soldats arméniens).
Des conflits latents au sujet de l’Artsakh, région autonome depuis 1994, sécessionniste de l’Azerbaïdjan mais peuplée à 95 % d’Arméniens. Un conflit sanglant a eu lieu sur ce territoire dans les années 1990 menant à 30 000 morts, un timide cessez-le-feu, et des négociations de paix sous la direction du groupe Minsk coprésidé par la France, la Russie et les États-Unis.
Regain des tensions à la frontière arméno-azerbaïdjanaise
Le président autocrate Ilham Aliyev – qui a succédé à son père Heydar Aliyev – avait déjà déclaré que son pays était légitime à chercher « une solution militaire au conflit ». Un message agressif qui s’est accentué ce dimanche, avec l’attaque de la frontière nord-est de l’Arménie (près de Tavush) par les troupes azerbaïdjanaises.
Ce qu’a dénoncé le Premier ministre Arménien – Nikol Pashanyan – comme une agression : « pour bien comprendre la situation, il convient de noter que cette position est située de notre côté de la frontière, sur le territoire souverain de la République d’Arménie, et les actions de l’Azerbaïdjan ne peuvent être décrites que comme une agression », à laquelle les autorités arméniennes auraient répondu de « manière graduelle ».
Le conflit semble dégénérer avec la déclaration du porte-parole du ministère de la Défense azerbaïdjanais : « La partie arménienne ne doit pas oublier que les derniers systèmes de missiles qui sont dans l’arsenal de notre armée permettent de frapper la centrale nucléaire arménienne avec une grande précision, ce qui peut conduire à une grande catastrophe pour l’Arménie ».
Une déclaration qui a de quoi alerter la communauté internationale, à la vue de la dangerosité d’une telle manœuvre, qui pourrait engendrer une catastrophe environnementale semblable à Tchernobyl (la centrale visée de Metsamor est d’une capacité de 408 MW).
Vladimir Poutine s’est dit « très préoccupé par l’escalade actuelle », et les forces russes se sont ainsi placées à la frontière et défendent désormais l’espace aérien arménien.
La multiplication des soutiens français à l’Arménie
En France de nombreuses voix se sont opposées à l’opération azérie. Laurent Wauquiez, Président de la Région AURA, a déclaré : « Je la condamne avec la plus grande fermeté alors que les frontières arméniennes ont été établies et reconnues par le droit international. J’appelle ainsi avec insistance les autorités françaises à se saisir en urgence de ce dossier pour demander officiellement à Bakou de mettre un terme à son opération militaire. »
Gilbert-Luc Devinaz (sénateur PS), président du groupe d’amitiés franco-arménien au Sénat appelle les deux protagonistes à l’apaisement, mais surtout le groupe Minsk à intervenir pour garantir la paix dans cette région du Caucase.
Dans une tribune, 11 parlementaires, dont Bernard Fournier, Danièle Cazarian, Guillaume Kasbarian, Guy Teissier mais surtout Valérie Boyer – très attachée à la question arménienne – ont dénoncé la position de la Turquie dans cette affaire et condamné le régime azéri : « nous condamnons sans appel le soutien apporté par la Turquie aux entreprises belliqueuses de l’Azerbaïdjan. Il est inadmissible de voir ainsi jeter de l’huile sur le feu un Etat membre du groupe de Minsk de l’OSCE – État supposé en tant que tel favoriser la résolution pacifique du conflit entre le Haut-Karabagh et l’Azerbaïdjan et promouvoir une réconciliation régionale. ».
Le rôle de la Turquie dans cette crise montre sa volonté interventionniste
La Turquie a en effet apporté son soutien à l’Azerbaïdjan avec l’enrôlement de mercenaires et le don de drones de combat. Une prise de position symptomatique des ambitions régionales et impérialistes d’Ankara.
Hulusi Akar ministre de la Défense Turc n’a cessé de multiplier les soutiens en faveur de Bakou : « Nous condamnons fermement l’attaque ignoble contre la région de Tovuz en Azerbaïdjan. La douleur de l’Azerbaïdjan est notre douleur. La mort de l’armée azerbaïdjanaise ne restera pas sans réponse ».
Dans cette déclaration il affirme la tendance d’un conflit et d’une intervention de la Turquie dans celui-ci. Erdogan semble une nouvelle fois affirmer la volonté impérialiste du régime.
Un nouvel exemple après les interventions en Syrie et en Libye. Cependant, avec la position de la Russie comme médiateur du Moyen-Orient, il semble peu probable que la sublime porte ne passe réellement à l’action, l’Arménie étant un allié traditionnel de Moscou.
Les tensions se sont ravivées ces derniers temps entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sur fond de crise de la Covid-19 et de montée du nationalisme dans les pays du Proche-Orient.
L’Azerbaïdjan a ainsi attaqué la frontière arménienne menaçant de bombardement la centrale nucléaire de Metsamor. Un réel danger qui pourrait causer une crise environnementale sans précédents.
La France qui copréside le groupe Minsk, qui est aussi fortement liée à l’Arménie (depuis Charlemagne) se doit de jouer un rôle de médiateur dans ce conflit, sous peine, une nouvelle fois, d’être reléguée sur le banc de touche, par une Russie devenue la médiatrice du Proche-Orient.
Joseph Gallard est étudiant en Sciences Politiques et vice-président du cercle de pensées droite de demain.
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