Par Philippe J. Lacoude.
Montrant une fois de plus que son « intelligence est un obstacle (sic !) », Bruno Le Maire persiste et signe. Quelques minutes après le message du président Trump dénonçant sur Twitter la taxe GAFA française, le ministre de l’Économie assure que la France « mettra en œuvre ses décisions nationales » garantissant par là-même des mesures américaines de rétorsion économique. Si l’impôt sur les sociétés du numérique peine à entrer dans les caisses de Bercy, que faut-il faire ?
La réforme fiscale américaine de 2017
Les États-Unis et la France étaient les champions du monde de la taxation des entreprises avec les taux marginaux les plus élevés des pays développés, soit 35 % pour les États-Unis. La réforme Trump de décembre 2017 a remis le taux maximum de l’impôt sur le revenu américain (maintenant 21 %) dans la moyenne de celui des pays de l’OCDE.
Cette réforme a aussi institué un impôt unique de rapatriement des bénéfices des filiales à l’étranger qui sont taxés à 8 %. Les multinationales américaines avaient accumulé près de 3000 milliards de dollars à l’étranger, dont une grande partie dans des filiales situées dans des paradis fiscaux. La loi a encouragé les entreprises à ramener l’argent aux États-Unis, ceci à des taux très bas.
De là viennent le boom de l’économie et de la bourse ainsi que la hausse des profits, des salaires et des recettes fiscales.
Fiscalité territoriale
La loi a également modifié le système américain, passant d’une fiscalité globale à une fiscalité territoriale. Au lieu qu’une société paie le taux d’imposition américain (35 %) sur les profits gagnés dans n’importe quel pays (moins un crédit pour les impôts versés à ce pays), chaque filiale paie maintenant le taux d’imposition du pays dans lequel elle est légalement établie.
De ce fait, les grandes entreprises américaines n’ont plus autant intérêt à essayer de cacher leurs revenus américains dans des lieux fiscaux favorables. Surtout, elles sont devenues encore plus sensibles aux taux démentiels payables en France.
C’est un gros avantage pour les sociétés américaines par rapport à la situation précédente. En même temps, c’est un coup porté aux pays dont la taxation est la plus punitive, par exemple la France… Pour les entreprises américaines, cela réduit encore plus l’attractivité de la France en matière fiscale.
Tout cela est la raison fondamentale de l’agitation du Sinistre des Finances Exsangues, Bruno Le Maire. La France est championne du monde du taux marginal de l’impôt sur les sociétés à 34,43 % devant la Belgique à 33 % et le Mexique à 30 %. Loin, loin devant les États-Unis (21 %), le Royaume-Uni (19 %) ou l’Allemagne (15,83 %).
Notons au passage que seule la France part en guerre contre les géants américains du numérique. Le Royaume-Uni ou l’Allemagne ne semblent pas souffrir d’une érosion de leurs recettes fiscales. Pourquoi ?
Bercy sait très bien qu’il faudrait faire la même chose que les Américains, c’est-à-dire diviser le taux marginal de l’impôt sur les sociétés par deux. Après tout, les études économiques de l’OCDE ou de la Tax Foundation montrent que lorsque les taux de l’impôt sur les sociétés dépassent environ 25 %, la base fiscale s’érode tellement que les recettes baissent. Pour les économies ouvertes, ce taux maximal au-delà duquel les recettes fiscales baissent quand on augmente le taux de l’impôt sur les sociétés est d’environ 17 % à 18 %. À part Thomas Piketty, Bruno Le Maire et Emmanuel Macron, tout le monde comprend que ceci est simplement l’effet Laffer appliqué à cet impôt.
Sauf que nous entendons déjà nos Gilets jaunes, nos syndicalistes, nos journalistes subventionnés et la clique d’universitaires ratés qui pollue l’EdNat crier « cadeau aux riches ! », « les actionnaires à la lanterne ! » et « ranlarjen ! »… Ne rêvons pas ! La France ne baissera pas son impôt sur les sociétés. Pas vraiment.
Taxer le chiffre d’affaires ?
Bercy sait aussi que les entreprises américaines ne font pas de profits en France. D’où l’idée de les taxer non sur leurs profits mais sur leur chiffre d’affaires quitte à déclencher des représailles qu’un pays sur la paille comme la France de 2019 ne peut pas endurer :
Si taxer le chiffre d’affaires paraît adroit – dans la brume mentale d’un énarque –, en réalité, cette idée est délétère. D’abord parce qu’elle discrimine contre des acteurs particuliers, garantissant de longs procès perdants devant de multiples instances internationales. Ensuite, parce que ceci contrevient probablement aux traités fiscaux bilatéraux entre les deux pays. Et enfin, parce que la « solution » au problème n’est pas de taxer Uber, Google, Microsoft, Tweeter, Facebook, Amazon, ou Apple aux taux français mais bien évidemment de taxer Total, Accor, Hermès, LVMH et le reste du CAC 40 au taux américain de 21 %.
Ou moins… Après tout, le taux optimal de l’impôt sur les sociétés est de zéro !
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