Par Jonathan Frickert.
Zéro, c’est le nombre de régions qui devraient passer au Rassemblement national à l’issue de l’élection des présidents de région dans quelques jours.
Un échec pour un parti annoncé quasi quotidiennement comme étant aux portes du pouvoir.
Dans un contexte de scrutin couplé avec des élections départementales à la faible participation, ce second tour a confirmé les résultats du premier.
Frappés d’une abstention massive , les favoris de la prochaine présidentielle sont apparus comme ce qu’ils ont toujours été : des colosses aux pieds d’argile, incapables de mobiliser sur un scrutin local.
Le RN cale face à un boulevard
Marine Le Pen est donc la grande perdante de ces élections. Son parti, annoncé en mesure de l’emporter dans au moins une région, a été incapable de s’imposer, y compris en PACA, où l’ancien ministre UMP Thierry Mariani parvient à faire un moins bon score que celui de Marion Maréchal il y a maintenant six ans.
Outre des sondages flatteurs, ce second tour pouvait pourtant donner l’avantage aux candidats marinistes. Les maigres résultats au soir du premier tour étaient en effet dus à une démobilisation plus importante dans l’électorat RN que dans le reste du spectre partisan et en particulier de la droite républicaine.
Le mauvais score du RN a également empêché l’habituel front républicain de se former. Sur les 17 régions françaises, il y avait en moyenne 3,5 listes présentes hier, contre 2,8 il y a six ans. Davantage de triangulaires donc, mais également de quadrangulaires et même de quinquagulaires.
Une situation illustrée par un article du Huffington Post, pour qui le fief de Marine Le Pen n’était plus considéré comme un point chaud du scrutin cette semaine. Seul le sort de la région PACA était en suspens, avec un avantage pour Renaud Muselier, fort du soutien de Bernard Tapie et de Nicolas Sarkozy, qui a pourtant nommé Thierry Mariani ministre des Transports lors de sa présidence.
Le RN bénéficie nationalement de la phase finale de sa dédiabolisation, associant désormais un discours dangereusement socialisant et une langue de bois à faire rougir un énarque. Mais cette transformation du RN en nouveau parti socialiste n’aura rien arrangé à sa situation au niveau local.
Un parti présidentiel exsangue
De son côté, la majorité présidentielle a fait de la figuration, handicapée par les mauvais scores du RN qui ont stérilisé toute la stratégie présidentielle de fissure de la droite par la pression du front républicain. Une situation ajoutée aux défections de la part de son principal allié, le MoDem, dont beaucoup d’élus ont préféré jouer la sécurité en s’alliant dès le premier tour aux Républicains en Île-de-France et dans les Hauts-de-France .
Dans ce sens, le déplacement du couple présidentiel au Touquet ce dimanche afin de participer au vote apparaît comme une image particulièrement humiliante pour le président de la République. Dans les Hauts-de-France, LREM a appelé à voter pour Xavier Bertrand, principal opposant du président de la République hors RN et donc susceptible de l’emporter face à lui.
L’image illustre donc particulièrement l’état de La République en Marche dimanche soir.
Une situation qui n’empêchait pas les ministres présents sur les plateaux de parler de victoire de la majorité en raison de l’absence de victoire du Rassemblement national…
La droite républicaine tient le choc
Avec sept régions conservées, la droite républicaine sort grande victorieuse du scrutin. Au premier tour, l’électorat de 2017 de François Fillon était le seul électorat à s’être déplacé majoritairement. Une donnée guère étonnante compte tenu de la structure d’un électorat se réduisant désormais aux seniors, connus pour être moins abstentionnistes que le reste de la population.
Laurent Wauquiez sort du bois
Parmi les sept présidents sortants se trouvent trois présidentiables : Bertrand, Pécresse et Wauquiez. L’ancien président des LR, connaissant une traversée du désert depuis le score déplorable de son parti aux élections européennes, sort de ce scrutin avec le meilleur score des trois présidentiables cités avec 56 % des suffrages et un RN encore plus bas que dans la région capitale. Un retour sur la scène nationale qui s’est ressenti jusque dans les discours de victoire des candidats, évoquant davantage des discours présidentiels qu’autre chose.
Une gauche résistante malgré des fractures
De son côté, la gauche connaît un bilan similaire, ayant conservé pour sa part les cinq régions qu’elle détenait. Cependant, en Île-de-France, elle a fait face pour la première fois de son histoire à un nouveau type de front républicain. La campagne d’entre-deux tours a été marquée par le soutien inattendu des socialistes Manuel Valls et Jean-Paul Huchon à la candidate de droite. L’ancien président de la région a ainsi fait un choix inverse de celui de Lionel Jospin et François Hollande qui appelaient à voter pour Julien Bayou, tête de liste de l’union de la gauche dans la région et auteur d’un montage photo particulièrement clownesque lors de l’annonce de l’accord passé avec Audrey Pulvar et Clémentine Autain.
Une division de la gauche républicaine montrant bien la césure en cours en son sein entre une frange républicaine et une frange de plus en plus véhémente à l’égard de l’Occident et de ses valeurs.
Le spectre de l’abstention
Ces résultats ne coulaient pourtant pas autant de source. L’abstention du premier tour a rendu le second tributaire de la remobilisation des électeurs habituels des différentes formations, et ce davantage que des habituelles tractations du petit théâtre politique pour faire face aux différentes menaces réelles ou feintes.
Cette abstention rendait donc les pronostics a priori compliqués.
Dimanche soir, la participation n’était cependant guère plus reluisante que lors du premier tour puisqu’elle peinait à atteindre 35 % au niveau national, soit une hausse de moins de deux points depuis dimanche.
À titre de comparaison, sur les trois derniers scrutins régionaux, la participation a augmenté en moyenne de 6 points entre le premier et le second tour, avec un pic de 8 points en 2015 dans un contexte de menace FN pour les partis traditionnels.
Deux vies politiques parallèles
Ces élections montrent qu’il existe aujourd’hui deux niveaux de vie politique.
D’une part, la vie politique nationale, avec un clivage entre LREM et RN, deux partis dotés d’une incarnation, mais incapables du moindre ancrage local pour soutenir leur édifice partisan ni de vider la droite traditionnelle de ses forces locales.
D’autre part, la vie politique locale, où les partis traditionnels reprennent leur place, mais restent incapables de voir émerger la moindre figure nationale.
Le vote obligatoire, un viol démocratique
Depuis le premier tour, certains ont tenté de trouver un remède à ce mal démocratique, notamment en proposant le vote obligatoire . Une manière de compenser l’absence d’enthousiasme pour les élections par un authentique viol démocratique. Tel est notamment le cas de Jean-Luc Mélenchon, qui l’a introduit dans son programme présidentiel de 2017 .
Après avoir tué le consentement à l’impôt, la classe politique serait-elle tentée de tuer le consentement démocratique ? Un consentement qu’il parait pourtant plus urgent que jamais de revigorer après un quinquennat marqué par l’agitation et l’autoritarisme…
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