« Retraites : pourquoi Macron se trompe »
Le syndrome de la goutte d’eau pourrait être fatal à Emmanuel Macron. Il y a un an, les Gilets jaunes ébranlaient le pouvoir au prétexte d’une taxe de trop sur les carburants. Cette fois, le projet de réforme des retraites promet une révolte plus puissante encore, tant les perdants sont nombreux. Les "grands débats", lancés par le chef de l’Etat dès les premiers mois de 2019, n’ont jamais calmé la nation éruptive. Aussi est-ce une incapacité de Macron à comprendre l’état de la France qui le pousse à commettre les mêmes fautes, en maniant maladroitement l’explosif dossier des retraites. Les forces en présence lui interdisent, sauf à mettre le pays en état d’insurrection, de jouer longtemps du menton. La posture martiale annonce des compromis, des évitements, des reculs. Il ne serait pas surprenant d’entendre à nouveau le chef de l’Etat promettre d’autres "grands débats", sur les retraites cette fois, afin de remettre à plus tard les décisions attendues. Quand Gilles Le Gendre, le président des députés LREM, prévient l’autre jour : "Nous ne calerons pas", il s’enferme dans un volontarisme intenable. Même si une réforme des retraites est justifiée, le rejet du pouvoir est tel qu’il rend improbable un revirement rapide de l’opinion en sa faveur. Le quinquennat de Macron et son prétendu nouveau monde pourraient bien n’avoir duré que deux ans et demi.
Depuis son élection, le chef de l’Etat reproduit les mêmes erreurs. Elles se résument en sa méconnaissance des disparités de la France profonde. Sa vision technocratique, comptable et européiste s’oppose à une société en quête de protections, d’enracinement, de localisme. Le fanatisme universaliste dont Macron s’est fait le chantre, en exposant sa propre personne en exemple, est au cœur du malentendu avec les Français oubliés. Ceux-ci veulent être considérés pour ce qu’ils sont et non pour l’idée approximative que s’en fait une élite déconnectée. L’universalisme à l’excès est une violence pour les peuples, car cette idéologie porte en elle l’indifférenciation et la négation des particularismes. Appliqué aux retraites, l’universalisme impose la fiction de citoyens interchangeables. Or la vie est évidemment plus subtile, plus complexe. En ce sens, le député LR de l’Oise, Eric Woerth fait preuve de plus de réalisme et de pragmatisme quand il propose, dans Le Figaro de ce lundi, la mise en place d’un régime universel de base auquel s’ajouterait le maintien de régimes complémentaires autonomes et différenciés en fonction des besoins et des secteurs, quitte à ce qu’ils s’ouvrent à une capitalisation. Macron l’orgueilleux est condamné à revoir sa copie.