C’est bientôt la rentrée, et pour des millions de parents et d’enfants, c’est bientôt le moment de faire un terrible constat : cette année, peut-être pour la première fois, ou peut-être comme l’année dernière, ils feront partie des pauvres.
La bonne nouvelle ? Être pauvre, c’est tendance. C’est responsable, c’est bon pour la planète. Donc ne venez pas vous plaindre, on vous l’a dit et répété : le temps de l’abondance est terminé.
De toute façon, depuis l’épisode des Gilets jaunes , tout le monde a compris le message : l’État est à la ramasse, et il faut arrêter de l’écouter. L’État est un miséreux qui vous prendra jusqu’à votre dernier sou plutôt que de se poser la moindre question sur son efficacité et son utilité.
Et donc, on recycle, on réutilise, on bricole. C’est vertueux, c’est dans l’air du temps.
Heureusement qu’existe l’excuse climatique pour fabriquer la petite histoire de l’inflation.
L’essence est chère ? Mais c’est pour sauver la planète, pour que les gens arrêtent de rouler en 4×4, et pour éviter des incendies de forêts en été.
L’électricité est chère ? Mais c’est pour financer la mise en place des énergies renouvelables qui diminueront le CO2 et empêcheront les canicules du mois d’août.
Les fruits et légumes sont chers ? Mais c’est parce que l’on relocalise la production en France, pour faire travailler les paysans français, éviter les produits industriels, les serres chauffées et le transport.
Les fournitures scolaires sont chères ? Mais c’est parce que l’on consomme trop et que la planète n’arrive pas à fournir toutes les ressources qu’on lui demande.
Excuses et baratin
L’écologie est l’excuse numéro 1. Arrive ensuite la guerre en Ukraine.
Après, viennent les explications plus ou moins farfelues qui circulent sur Internet, celles que l’on n’a pas le droit de dire, mais que tout le monde connaît. Personne n’y croit vraiment, mais comparées au niveau de bêtise du discours officiel, elles paraissent presque raisonnables.
Mettons les choses au point immédiatement : personne ne vote (ou ne vote pas) pour entendre des excuses. Deux tiers des parents disent se restreindre sur les dépenses de rentrée pour leurs enfants. Au moins, on ne peut pas dire que c’est une minorité d’allumés, d’antisciences ou de fascistes.
Deux tiers des parents font dorénavant partie des pauvres.
On ne peut pas avoir à la fois le beurre et l’argent du beurre, mais on peut toujours les demander aux politiciens. En l’occurrence, on n’a ni le beurre ni l’argent.
En chute libre
En tant que libéral, on devrait applaudir à l’action du gouvernement : tout une partie de la population française est en train de faire sécession, voire devenir quasiment survivaliste !
Moins les Français dépenseront dans les achats, plus les rentrées fiscales diminueront. Plus les Français trouveront de solutions alternatives s’arrangeant plus ou moins avec la légalité en nageant dans le cambouis des réglementations (entendez par là les diverses solutions de débrouille), au plus charges et impôts passeront en dehors des radars.
Imaginez les deux tiers des Français vivant en parfaite autarcie écolo : cultivant leur blé et cuisant le pain dans un four à bois, finie la TVA, finie la TIPP, finis les impôts sur les sociétés, les impôts sur les revenus…
Applaudissons des deux mains la fin de l’abondance ! La fin de l’abondance, c’est la fin de l’économie, et la fin de l’économie, c’est la fin de l’argent des taxes et des impôts, donc la fin de l’État providence et de son paternalisme insupportable.
Tout le monde se moque des survivalistes, jusqu’au jour où se produit l’apocalypse !
Il y a juste un petit problème avec cette vision bucolique du monde de demain : ce n’est clairement pas ce que l’État veut, ou peut ! N’allez pas imaginer que parce que vous réparez vous-mêmes vos vieilles chaussures, leur prix diminuera dans l’avenir. N’imaginez pas que parce que vous roulez moins, cela fera diminuer le montant des taxes sur l’essence.
Bien au contraire !
L’État aux abois
Parce que la sobriété et la hausse des prix, c’est à sens unique. C’est à vous de faire l’effort, l’État n’en fera aucun. Dans cette spirale de bonnes excuses, il ne peut y avoir qu’une fuite en avant. Il est hors de question que les rentrées fiscales diminuent parce que les Français consomment moins : c’est juste impossible !
La seule question est de savoir jusqu’à quand les excuses suffiront, parce que quand on peut plus, on peut plus.
D’une façon ou d’une autre, l’État va devoir trouver une solution à cette fuite en avant qui dure depuis 150 ans, depuis que la France humiliée a voulu à la fois copier et se venger de l’Empire allemand en singeant le modèle d’État providence bismarckien. Depuis 150 ans, le socialisme s’est développé dans tout le pays comme un cancer, métastasant tous les pans de la société au fil du temps : sécurité, religion, éducation, santé, économie…
Le pays quant à lui va devoir admettre que le socialisme est un monstre à deux visages qui prend d’une face ce qu’il donne de l’autre.
D’un autre côté, on peut avoir la faiblesse de penser que les Français devraient quand même plus ou moins vite se rendre compte que les promesses de progrès, d’abondance, de sécurité, sont de moins en moins tenues.
Le contrat socialiste léonin
Est-ce admissible que deux tiers des Français doivent se priver, juste pour envoyer leurs enfants à l’école, sensée être gratuite , puisqu’elle est obligatoire ?
De quoi est fait ce nouveau contrat social qui se dessine subrepticement ? L’école est obligatoire, mais vous devez vous priver pour y envoyer votre enfant. La sécurité est un monopole, et vous n’avez pas le droit de vous défendre vous-mêmes, ni même d’être prêts à vous défendre en portant une arme , mais vous devez restreindre vos déplacements parce que cette sécurité n’est pas garantie partout. La laïcité est obligatoire, mais les tensions religieuses ne font qu’augmenter. La santé est gratuite, mais vous devez attendre partout.
Réponse usuelle : c’est injuste, l’État doit payer !
Observation désabusée : si c’était si facile, ce serait déjà fait.
Remarque ironique : jusqu’où peut donc s’appliquer la première leçon du sorcier (les gens sont stupides, ils croient ce qu’ils ont envie d’entendre, ou ce qu’ils redoutent d’entendre).
Conclusion inavouable : tout cela finira mal, laissons-les avec leurs délires politiques et voyons comment s’en sortir seuls, parce que si nous devions compter sur eux, dans dix ans nous y sommes encore.
Le deal socialiste a de moins en moins de sens.
On se demande d’ailleurs pourquoi l’État y est si attaché. C’était compréhensible (sans le justifier) en 1871 quand il s’agissait de transformer les habitants du territoire en citoyens assujettis à des devoirs au service de l’impérialisme national. On vous éduque, on vous protège, on vous donne un avenir, en échange de quoi vous vous engagez à donner de votre personne à la grandeur de la France, par vos impôts, ou par votre sacrifice dans les tranchées.
Mais aujourd’hui ?
Le monde a totalement changé
Le deal actuel est bien plus simple : il consiste à savoir si nous en avons pour notre argent. Et il ne faut pas avoir un Nobel d’économie pour se rendre compte que l’État est un piètre fournisseur, pour le dire gentiment.
Il y a quand même une question évidente, un éléphant au milieu de la piscine : quand les Français vont-ils se rendre compte que s’ils doivent se priver pour envoyer leurs enfants à l’école, c’est justement parce que l’école est gratuite !
La gratuité , en économie, ça n’existe pas.
La seule solution pour que l’école soit gratuite, serait que tous les professeurs, surveillants et autres millions de personnes qui y travaillent le fasse gratuitement. Et encore, il faudrait que les agriculteurs acceptent de fournir gratuitement la nourriture de la cantine, que quelqu’un donne les locaux et tout ce qui est nécessaire à leur fonctionnement : chauffage, électricité, eau…
Donc si c’est gratuit, c’est que personne n’y gagne d’argent. Et si personne ne gagne d’argent, tout est cher, parce que dans un monde de pénurie, ce sont toujours les riches qui ont le pouvoir.
Le modèle social actuel n’a pas été conçu pour enrichir les Français, il a été conçu pour fortifier l’État et lui permettre de développer ses visées impérialistes en transformant les individus en citoyens : en contribuables et en conscrits.
Changer l’État et changer de modèle social
Mais tout cela coûte. Coûte même très cher. Très, très cher !
L’État doit actuellement coûter plus cher que la totalité des services qu’il dispense. Non seulement il coûte cher, mais il interdit que des solutions moins coûteuses se développent, il prétend être la seule et unique solution, et il refuse tout dialogue pour se remettre en question.
Imaginez que l’on vous perfuse le bras droit, qu’on prenne la moitié de votre sang, puis que le reste soit réinjecté dans votre bras gauche. Nous en sommes là. C’est indolore quand on le fait de temps en temps. C’est mortel quand on dépasse les limites de ce que l’organisme peut supporter. Nous en sommes là, ou pas loin.
Alors oui, il va falloir trouver une solution économique pour remplacer l’école gratuite. Une solution qui propose un enseignement de qualité sans pour cela mettre de côté les plus défavorisés. Surtout qu’au train où vont les choses, il n’y aura bientôt plus que des défavorisés dans ce pays.
Il y a de nombreuses solutions, sans compter celles qu’il reste à inventer : chèque éducation , écoles indépendantes , contrats… mais nous sommes très, très loin de là. Aucune proposition n’aura de sens tant que l’État ne se sera pas posé la question de savoir dans quel but il dispense ses services : pour atteindre des visées de grandeur et d’impérialisme, ou pour être au service des habitants du pays et œuvrer à leur épanouissement et à leur autonomie.
Il est indispensable que l’État se réforme. Mais pour ce faire, il doit revenir à sa place et réaliser que le modèle dans lequel il enferme le pays depuis 150 ans est totalement dépassé. S’il ne le fait pas, il entraînera le pays avec lui dans sa chute.
Ce n’est plus une question philosophique, c’est un impératif.