Depuis le début du mois de juillet 2023 les prix des carburants sont largement repartis à la hausse, le SP95 passant en un mois de 1,81 euro à 1,93 euro. Il se rapproche ainsi de la limite symbolique des deux euros, qui, selon toute vraisemblance, devrait être atteinte à l’automne.
La raison principale invoquée dans les médias est celle du prix du baril de pétrole qui depuis fin juin s’est réenchéri de 11 % passant de 75 dollars à 85 dollars. Cette hausse rapide est liée d’une part à une demande très soutenue des pays du sud-est asiatique, d’autre part à une volonté des pays producteurs, Arabie Saoudite en tête, de maintenir des prix hauts via une réduction des quotas.
Pourtant, quand on analyse en détails les différents facteurs contribuant au prix de l’essence , les causes ne sont pas nécessairement celles que l’on croit.
Rappelons que le prix de l’essence peut être décomposé en cinq parties : Le prix du baril de brut Le change euro/dollar La marge de raffinage La marge de distribution incluant le transport des produits raffinés Les taxes.
1) Depuis la crise énergétique de l’automne 2021 renforcée par le conflit russo-ukrainien, le baril de pétrole qui se vendait 42 dollars en 2020 n’est plus jamais descendu sous les 70 dollars . Toutefois, depuis le début 2023 les prix sont assez stables autour de 80 dollars, alors qu’en 2022, ils on en moyenne largement dépassé les 100 dollars.
2) Le taux de change euro dollar 2023 (autour de 1,09 dollar/euro) est nettement plus favorable qu’en 2022 (autour de un dollar/euro)
3) Suite au conflit russo-ukrainien et à l’assèchement des produits raffinés, la marge de raffinage avait atteint des sommets en 2022 avec notamment un invraisemblable pic historique à 190 euros/tonne en octobre 2022. Si la marge de raffinage reste aujourd’hui élevée (de l’ordre de 50 euros/tonne) par rapport à la normale (elle devrait se situer entre 20 euros et 25 euros par tonne), elle a très fortement baissé par rapport à la moyenne 2022.
5) Les taxes sont quant à elles restées constantes avec une TICPE à 0,68 euro et une TVA de 20 % appliquée au prix HT.
Rappelons également que durant l’année 2022, l’État avait largement mis la main à la poche avec une ristourne de l’ordre de 0,15 centimes entre avril et septembre puis portée à 0,30 euros/litre en septembre et octobre 2022 puis finalement supprimée début 2023.
4) Reste la marge de distribution. Au cours du premier semestre 2022, compte tenu des prix très élevés du baril et de la marge de raffinage, les distributeurs avaient pour des raisons commerciales évidentes baissé leur marge entre 15 et 20 centimes d’euro. Depuis l’automne 2022 profitant des ristournes puis de la baisse du prix du baril et des marges de raffinage, les distributeurs ont accru leur marge de façon substantielle avec un pic à 28 centimes en avril 2023. Depuis, l’accroissement du prix du baril les a conduits à de nouveau baisser leur marge. Ainsi observe-t-on une corrélation inversée très nette entre marge de distribution et prix du baril.
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Gauche : évolution de la marge de distribution
Droite : corrélation marge de distribution et prix du baril de Brent
(Source des données UFIP)
L’augmentation récente du prix du baril n’explique donc que partiellement le prix à la pompe dont la valeur élevée reflète aussi une extra marge de distribution toujours effective. Conformément à la logique commerciale décrite ci-dessus, une baisse de la marge de distribution autour de 20 centimes à la rentrée devrait absorber en partie l’accroissement récent du prix du baril.