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Pologne et Italie : quand l’UE se morcelle de toutes parts

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Par Alexandre Massaux.

La décision de la Cour constitutionnelle polonaise du jeudi 7 octobre fait réagir. Elle considère que la Constitution polonaise est au-dessus des traités européens. En effet, ses derniers contiendraient, selon la cour , des dispositions inconstitutionnelles.

Ce n’est pas la première fois qu’une Cour constitutionnelle européenne bloque le droit européen : la Cour allemande de Karlsruhe avait considéré en 1974, avec l’arrêt Solange , que le droit européen ne primerait sur le droit allemand que s’il respectait les libertés fondamentales allemandes. Cette même Cour a l’année dernière bloqué le plan de relance européen pendant un temps.

Néanmoins, la décision polonaise fait réagir car elle s’inscrit dans la continuité de tensions entre le pouvoir polonais et les institutions européennes qui dure depuis quelques années et concerne l’État de droit, à tel point que certains médias en viennent à mentionner l’idée du Polexit : la sortie de la Pologne de l’UE.

Pourtant un certain nombre de facteurs démontrent que ce scénario est improbable et qu’il est plus à craindre des initiatives de l’Italie .

L’interdépendance entre la Pologne et le reste de l’UE (et surtout l’Allemagne)

L’idée d’un Polexit a été explicitement rejetée par les dirigeants polonais comme Jaroslaw Kaczyński , le chef du parti au pouvoir Droit et Justice :

Nous voyons l’avenir de la Pologne sans équivoque dans l’UE, mais nous voulons résoudre la crise qui frappe actuellement l’Union.

L’interdépendance qui existe entre la Pologne et l’UE rendrait les deux camps perdants en cas de sortie. En effet, la Pologne était le premier bénéficiaire net du budget européen avant la crise du covid. Le gouvernement est aussi favorable à la liberté de circulation au sein de Schengen notamment grâce au système de travailleurs détachés.

Ainsi, ce n’est pas tant la Pologne qui voudrait sortir, que certains politiciens des pays d’Europe de l’Ouest (comme les Pays-Bas voire la France) qui veulent la pousser dehors car ils la voient comme un membre encombrant. Néanmoins, l’importance de l’économie allemande (et surtout l’industrie) en Pologne oblige les deux pays à coopérer et Berlin à adopter une attitude plus diplomatique envers Varsovie et le reste de l’Europe centrale.

Le groupe de Visegrad composé de la Pologne, de la Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie représente le principal partenaire commercial de l’Allemagne. Compte tenu de l’influence de Varsovie en Europe centrale, un départ de la Pologne aurait des conséquences néfastes sur l’économie allemande. Cette dernière étant la priorité de Berlin (le cas de la coopération avec la Russie avec Nord Stream étant un bon exemple), on imagine mal l’Allemagne mettre de l’huile sur le feu.

De plus, selon une étude du Pew Research Center de 2019, la population polonaise est l’une des plus favorables à l’UE avec 80 % approuvant cette dernière. En comparaison, seulement 58 % des Italiens et 51 % des Français approuvaient l’Union. Certes, la crise du covid a certainement amoindri la confiance, mais la tendance est plus inquiétante pour l’Italie.

Attention à l’Italie

L’Italie fait moins parler d’elle au niveau européen. Pourtant plusieurs signes montrent que si un pays pourrait être tenté par la sortie de l’UE ce serait elle. L’Italie s’est sentie abandonnée par l’UE lors de la crise du covid. En 2020, 42 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles quitteraient l’UE, contre 26 % en novembre 2018. Ce chiffre concorde avec la faible popularité de l’UE en Italie mis en avant par l’étude du Pew research center mentionné ci-dessus, se dirigeant dans le sens d’une aggravation.

Mais surtout les deux partis nationalistes italiens alliés la Lega et les Frères d’Italie cumulent à eux deux 40 % dans les sondages . Compte tenu de l’instabilité chronique des gouvernements italiens, le risque d’une prise de pouvoir dans le futur est important. S’ils ne sont pas pour la sortie de l’UE, des tensions pourraient émerger et les faire changer de position.

D’autant plus que l’Italie est la troisième économie de l’UE et était avant la crise sanitaire un contributeur net de l’UE. Son appartenance à l’eurozone est à double tranchant : d’un côté cette interdépendance peut modérer ses ardeurs, mais une sortie de l’Italie de l’UE pourrait faire éclater la zone euro qui est déjà mise sous pression par la dette monumentale de l’Italie à 156 % du PIB .

La décentralisation ou le chaos

Ces différentes tendances démontrent que l’UE est de plus en plus sous la pression de forces qui expriment leur mécontentement. Même des pays et des partis pro-européens sont fatigués de la situation actuelle. Les Frugal Four n’hésitent pas à montrer leur profond agacement à devoir payer pour des pays du sud ne sachant pas équilibrer leurs finances et pour des pays de l’Est qui critiquent l’UE tout en bénéficiant des subventions.

Malgré des critiques très différentes, l’Union est devenue une désunion. À bien des égards l’uniformisation politique et monétaire est en train de fragiliser dangereusement les réussites de la construction européenne. Le marché commun et la libre circulation interne sont menacés et les pays européens s’affrontent politiquement.

Il devient urgent que l’Union européenne revienne à une base plus décentralisée avant qu’elle ne se fracture durablement.

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