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Pesticides : le baratin présidentiel au Salon de l’Agriculture

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
Article publié mi mars

Le président Emmanuel Macron s’est fait – copieusement – souffler dans les bronches par la profession agricole lors de l’ouverture du Salon International de l’Agriculture, le 25 février 2023.

L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 19 janvier 2023 a sans doute été la goutte qui a fait déborder le vase : il a mis fin aux dérogations permettant d’enrober des semences de betteraves avec un néonicotinoïde (imidaclopride ou thiaméthoxame en France) afin de lutter contre les pucerons vecteurs de redoutables viroses, les jaunisses.

On rappellera qu’à l’initiative de la section Grand Bassin Parisien de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), 2000 agriculteurs avec 500 tracteurs avaient défilé dans les rues de Paris le 8 février 2023.

Le problème est plus général. La profession agricole – dont on ne répétera jamais assez qu’elle nous nourrit – se voit progressivement privée des outils de protection des plantes que sont les « pesticides », sans solutions de remplacement.

Sur son compte Twitter, M. Gil Rivière-Wekstein, rédacteur d’Agriculture et Environnement, a publié une séquence dans laquelle il a interrogé M. Damien Greffin, président de la FDSEA Île-de-France.

Sur le @Salondelagri , à la rencontre des agriculteurs !@GreffinDamien , Président @FDSEAIDF a interpellé @EmmanuelMacron sur son engagement « Pas d’interdiction sans solution ». Un écran de poussière ? #SIA2023 #Agriculture pic.twitter.com/lAwfCq0t2t

— Gil Rivière-Wekstein (@AEGRW) March 1, 2023

Lors d’une rencontre en petit comité, il a été rappelé à M. Emmanuel Macron qu’il avait pris des engagements vis-à-vis de la profession sur le « pas d’interdiction sans solution ».

Il n’est évidemment pas nécessaire de préciser que ces engagements n’ont pas été tenus et que certaines filières se trouvent en réelle difficulté.

Le président trouve un bouc émissaire…

Selon M. Damien Greffin, M. Emmanuel Macron aurait fait savoir que les élus avaient des difficultés à prendre des décisions, le dossier des produits phytosanitaires ayant été confié, au nom de la science, à l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES).

On peut tomber de sa chaise !

Il est un président de la République qui, il n’y a pas si longtemps (en 2017), dans un tweet furieusement trumpien, avait « … demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans. »

J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans. #MakeOurPlanetGreatAgain

— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) November 27, 2017

Il y a aussi une Assemblée nationale qui, avec l’aval du gouvernement, a gravé dans le marbre de la loi nationale l’interdiction des néonicotinoïdes et de certaines substances ayant le même mode d’action…

Le président annonce…

Emmanuel Macron était-il outillé pour cette rencontre, ainsi que pour celles qui ont dû se produire dans les travées du Salon ? Selon les termes de l’Agence France-Presse (AFP), il a annoncé « le lancement d’un nouveau plan visant notamment à coordonner l’action de la France avec celle de l’Union européenne » :

« Pourquoi demander à nos agriculteurs des efforts que les voisins n’ont pas à faire ? On a eu récemment des décisions qui sont un peu tombées trop brutalement, on a mis des agriculteurs face à des oukases, sans solution […] On veut, au niveau européen, avoir une politique qui s’harmonise bien davantage. »

Curieux verbiage : le plan viserait à « donner de la visibilité à nos agriculteurs » ; il faut sans doute comprendre par là une certaine stabilité sur ce qui est autorisé ou interdit et la fin des décisions intempestives et impromptues.

Il y a aussi une inversion des rôles : il s’agit (ou s’agirait) désormais d’« avoir un calendrier européen qui correspond au calendrier français ».

Il fut un temps où nos élus (censés privés du pouvoir de décision…) décidaient pour – ou plutôt contre – la France, meilleure élève de la classe, avec la conviction que l’Union européenne allait suivre. Par exemple, l’UE a suivi pour trois néonicotinoïdes ou encore pour le diméthoate, pourtant indispensable pour les producteurs de cerises afin de lutter contre le moucheron asiatique (Drosophila suzukii).

Dorénavant, on ne prendra pas les devants… Ou plutôt, on prendra les devants mais en nous assurant que les autres suivent sans délai…

Et que fait-on pour les « impasses » ? Le mot d’ordre a évolué : il y aurait « des alternatives » conformément aux engagements précédents non tenus, des alternatives sans doute produites par la magie d’un mot d’ordre présidentiel.

Il y aura (aurait) aussi « des accompagnements ». Il faut peut-être lire que comme dans le cas de la betterave à sucre menacée de jaunisse le contribuable sera appelé à compenser les pertes subies par les producteurs et les filières d’aval.

En clair, si on estime que ce discours a été mûrement réfléchi, nos autorités sont prêtes à sacrifier la compétitivité, voire l’existence, de certaines filières agricoles, agroalimentaires et agro-industrielles, sur l’autel de la bien-pensance « écologique et sanitaire » fondée sur la mal-pensance des pesticides.

On imagine les conséquences d’un non-renouvellement de l’autorisation du glyphosate…

La « présidence  » annonce…

Pleinchamp, avec AFP, rapporte aussi que selon la « présidence », il y aurait « des financements publics » – quelle surprise ! – et une potentielle contribution des producteurs de produits phytosanitaires « qui devront nous dire à quel point ils s’investissent avec nous pour trouver des solutions ».

On est bien dans la pensée binaire, fondée sur l’axiome du « les pesticides, c’est pas bien »…

Tout cela est aussi fort cryptique et c… On imagine bien qu’une contribution du secteur de l’agrofourniture sera répercutée sur les agriculteurs par le biais des prix des produits. Et dans l’agrochimie, les entreprises ne sont pas toutes actives dans le business des alternatives (incidemment, celle qui est le plus dénigrée est aussi celle qui, à notre sens, est le plus impliquée).

Il y a aussi l’inévitable sortie sur les « clauses miroirs » :

« On ne peut pas ouvrir nos frontières sans avoir les même exigences de qualité […] Ce n’est pas cohérent de dire à nos agriculteurs « faites un effort », et de voir du sucre qui vient du Brésil, avec peu de normes environnementales et des produits interdits depuis 20 ans. »

C’est en partie un vœu pieux ! Il faudra bien importer quand la production européenne sera insuffisante pour répondre aux besoins. Ce sera aux conditions des pays exportateurs. Et on ne demandera plus rien à nos agriculteurs pour une filière que nos gouvernants auront détruite faute de prendre la mesure du rôle des produits de protection des plantes dans notre souveraineté alimentaire.

Le règne de l’improvisation ?

Tout cela a des relents d’improvisation. N’était-on pas préparé ? Ou est-ce le reflet du « en même temps » qui empêche nos gouvernants de prendre la mesure des vrais enjeux économiques et sociaux et d’y répondre et l’incite à ménager des susceptibilités dans une approche politicienne et, in fine, démagogique ?

La Première ministre Élisabeth Borne devait « dévoiler » les… « contours » du plan lors de sa visite au Salon International de l’Agriculture, le lundi 27 février 2023. Ce sera pour un prochain article.

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2023/0...