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Nous avons oublié la Première Guerre Mondiale mais nous portons encore le deuil

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Par Daniel Hannan, depuis Oxford, Royaume-Uni.

Chaque année je trouve le 11 novembre plus triste encore que l’année précédente. C’est en partie parce que je deviens sentimental – je trouve de plus en plus difficile de réciter une poésie sans trémolos dans la voix – mais c’est surtout parce que ceux qui sont tombés sont désormais plus proches de l’âge de mes enfants que du mien.

Quand j’étais petit garçon, j’étais, comme le sont les petits garçons, instinctivement pro-guerre. Aux environs de onze ou douze ans, j’ai commencé à lire les premiers poètes de la Première Guerre Mondiale, mais j’étais toujours principalement attiré par les éléments héroïques de leurs écrits : leur endurance dans des circonstances monstrueuses. Plus tard, à l’adolescence, la question de savoir si la Grande Bretagne aurait dû s’impliquer (je pense maintenant qu’elle n’aurait probablement pas dû, mais c’est un débat difficile à trancher) me taraudait. Maintenant, je trouve toute cette histoire presque trop mélancolique pour en parler.

Une Cérémonie du Souvenir était organisée à l’école de mes enfants vendredi matin. Nous avons chanté des hymnes familiers, récité des mots familiers et les anciens élèves tombés au front furent nommés. Une petite école, une longue liste : plus de 120 morts. Pour chaque neuf garçons qui ont répondu à l’appel, deux ne sont pas revenus. Dans la liste, j’ai remarqué ce qui semblait être deux séries de trois frères : deux fois trois télégrammes à deux mères qui attendaient impuissantes. Regarder les enfants rassemblés pendant que l’énumération des noms continuait était presque insupportable, plusieurs parents avaient les larmes aux yeux.

Un ancien élève de l’école y était revenu en tant que professeur, puis en était devenu le directeur. Il avait connu presque chacune des victimes de l’école de la Grande Guerre, soit en tant que camarade de classe soit en tant qu’ancien élève : un mort, en moyenne, tous les douze jours pendant quatre ans et quart. Nous ne sommes pas faits pour un deuil d’une telle ampleur .

L’enseignant qui a prononcé le discours nous a dit quelque chose dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. Il y a 53 Villages-Reconnaissants au Royaume-Uni : des villages où il n’y a pas de mémorial de guerre parce que chacun de ses jeunes gens est revenu vivant. Quand on pense qu’il y a plus de 16 000 villages dans le pays, on entrevoit l’ampleur de la tragédie.

« Tragédie » est, pour une fois, un mot tout à fait adapté, car la tragédie peut être ressentie par procuration. Ce n’est pas simplement qu’il ne reste presque plus de vétérans de la Première Guerre Mondiale, c’est que presque personne parmi nous ne se souvient avoir perdu des amis ou de la famille dans cet enfer. Bien sûr d’autres sont tombés dans les conflits ultérieurs, et nous leur rendons hommage. Mais, alors que nous approchons du centenaire de la Grande Guerre, notre tristesse est une tristesse de seconde main.

Ne faites pas l’erreur, cependant, de penser que cela en fait une contrefaçon. Comme les tragédiens grecs l’avaient bien compris, nos émotions peuvent être provoquées par l’expérience d’un autre. Les rituels du 11 novembre – le silence, les prières, les mots de Laurence Binyon – sont apparus pour consoler les familles endeuillées. Un siècle plus tard, ils déclenchent, chez nous qui sommes des générations suivantes, la catharsis, au sens strict du terme : le sentiment d’être vidé et nettoyé par la libération émotionnelle.

La génération qui pleure ses fils a disparu, puis ce fut au tour de celle qui pleura ses camarades, puis de celle qui pleurait ses pères, s’accrochant peut-être à des bribes de souvenirs d’enfance. Ensuite, ceux qui sont tombés sont devenus des visages sur des photographies jaunies. Maintenant, ce sont des noms sur des arbres généalogiques. Bientôt, ils ne seront plus qu’une part de l’Histoire. Pourtant, nous nous souviendrons d’eux.

Article initialement publié en novembre 2013.

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Sur le Web – Traduit de l’anglais par Laure Lancelle Sanvito pour Contrepoints

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