Une confusion évidente vient perturber l’analyse des données covid. Je ne prétends pas être épidémiologiste et mon billet ne comprend pas la liste de chiffres, formules et références qui caractérisent les publications scientifiques. Simplement, chirurgien dans un centre traitant des patients covid depuis mars 2020, j’expose un avis.
J’insiste sur ce point : un avis, car depuis le début de cette pandémie trop d’avis d’experts ont été reçus comme des vérités. En sciences, seules valent les données prouvées et il faut encore les prendre avec circonspection : la demi-vie des connaissance médicales est évaluée à cinq ans. Rien ne tient définitivement. La science progresse en dévorant son propre passé. Les avis, eux, restent des avis, parfois pertinents, parfois exotiques.
La tâche complexe du comptage des cas covid à l’hôpital
Le comptage commence par le recueil des données, une tâche complexe. Les grands hôpitaux disposent de brillants statisticiens mais ils sont bien les seuls. En guise de recueil, prenons l’exemple des certificats de décès, ailleurs qu’en ces centres de référence.
Vous comprendrez que je décris un certain quotidien proche du mien : vous êtes sollicité afin de remplir le formulaire de décès d’un patient que vous avez longtemps côtoyé et apprécié, juste avant huit heures alors que l’on vous a réveillé à deux heures du matin, que le bloc s’agace de ne pas vous savoir en salle, que les membres de la famille, en larmes, vous attendent, muets autour du corps gisant dans une chambre où vous échangiez tous la veille, que les autorités administratives exigent expressément leur paperasse, indispensable, faute de quoi les agents des pompes funèbres ne pourront pas se déplacer, que la chambre sera bloquée, qu’il faudra un dépôt, que et que et que…
Il n’est que trop temps, d’autant que le médecin traitant insiste pour vous avoir. Alors vous cochez les cases, complétez les blancs, consignez, adresse, heures, circonstances, première, seconde, troisième. Résultat : arrêt cardio-respiratoire revient chroniquement en tête de liste. Chacun de mes confrères, et je n’en doute pas, collige avec sérieux : arrêt cardio-respiratoire par insuffisance rénale sur cancer de la vessie, mais uniquement dans la mesure du possible. L’INSEE n’aura qu’à faire avec.
La problématique de la causalité d’un décès est également sujette à discussion. Elle avait été abordée sous Sarkozy. Au-delà d’un certain délai, la personne hospitalisée pour accident de la voie publique n’était plus censée être décédée de l’accident mais des suites de celui-ci. On avait crié au scandale, suspecté des intentions politiques, mais définir des critères épidémiologiques ne sous-entend pas bidouiller. Et, là encore, d’autres structures attendent sans grande patience, la justice, entre autres. Il s’agirait que ça avance.
Covid ou accident vasculaire cérébral ?
Et puis, même si cela n’est pas statistiquement fondamental, outre les complexités, après mars 2020 ont été observés quelques arrangements bien humains de petits « scandales » qui se sont ébruités. J’ai vu plusieurs patients pour lesquels le terme covid avait été apposé un poil rapidement. Un patient, qui avait perdu son père d’un accident vasculaire cérébral, s’est vu interdire l’accès au corps. Il a exigé d’en connaitre le motif. Le confrère a évoqué la covid. Le patient a rétorqué non, AVC.
Le médecin a insisté : covid. Soit, a conclu le patient, montrez-moi la PCR. Tortillage de doigts et rougeur faciale… Idem, pour une patiente décédée d’un cancer. Cette fois, le médecin s’est excusé. La raison : la CIM 10 , classification internationale des actes, accorde un tarif supérieur à l’établissement (non au praticien) en cas de comorbidité déclarée. Normal : le diabétique obèse insuffisant cardiaque opéré de sa prothèse mérite davantage d’attention que le sportif bénéficiant de la même procédure.
Le code U07 et ses déclinaisons ont été employés quelque peu généreusement. Quel pourcentage de patients décédés de covid correspond à de véritables décès covid ? Je ne sais pas. Un taux marginal est d’évidence le fait d’une cotation abusive mais vous comprenez combien les biais sont complexes. Les petits dérapages ne sont pas pour autant le fait d’une volonté collective ou d’un mouvement organisé.
Désorganisation
Le variant Omicron siège partout, aussi contagieux que peu menaçant . Il touche indistinctement soignants et patients. Les reports de procédures sont permanents alors que nous subissons le contrecoup des vagues précédentes et les conséquences mortifères de l’hystérie savamment entretenue par un État en pleine confusion. Les défauts de soins ont été innombrables.
Les patients en panique ont évité les centres de soins mais le cancer ne connait pas la crise. La désorganisation actuelle ne connait pas de précédent. Les ministres, à qui l’on ne demandait finalement que d’assurer l’intendance, ont largement failli dans leur mission, allant jusqu’à la déléguer à des entreprises privées tout en continuant à exiger moyens et personnel. En revanche, pour tout ce qui ne le concernait pas, l’État a été prolifique.
Chaque jour, mails, contraintes, injonctions de la part de toutes les officines , ARS, HAS, ministère de la Santé, DGRS… à qui il a fallu adjoindre les avis du Conseil de l’Ordre. Les boites aux lettres s’en remettront-elles ? Je ne sais pas…
Ce matin encore, notre directeur nous annonçait que nous nous trouvions dans l’impossibilité d’accueillir des urgences, faute de personnel. Je veux bien qu’au sommet de l’État personne n’ait souhaité cette épidémie mais, une fois celle-ci enclenchée, on aurait aimé qu’il n’attise pas le feu comme il l’a fait. On aurait souhaité qu’il apaise, qu’il remédie aux problématiques matérielles et humaines mais surement pas scientifiques. Les statistiques, dans tout cela…
Nous en aurons une analyse précise, une fois la crise passée, les données figées et les calculs établis : il faut souvent deux ans. Là encore, erreur récurrente de nos médias, on a exigé tout et tout de suite. Je parierais bien que certains auront des surprises en découvrant la réalité des chiffres, largement en deçà des fantasmes : non nous n’avons pas vécu la peste mais un peu plus que la grippe de Hong Kong de 1968 à 1970 et la grippe asiatique de 1956 à 1958.
Parmi les hospitalisés, on dénombre aujourd’hui de nombreux patients positifs, PCR+, ceux qui n’ont pas été éloignés avant même que nous n’en soyons informés. Pour être franc, depuis le début de cette crise je cotoie énormément d’asymptomatiques très étonnés à l’annonce de leur positivité. Au départ, ils réagissaient un peu, quand on leur disait que le scanner basse dose était anormal et qu’ils avaient choppé le truc. Aujourd’hui ils s’en moquent et ils ont bien raison.
La létalité d’Omicron est équivalente à celle de ces grippes saisonnières dont on ignore chaque année l’existence. Jusqu’alors, une pathologie responsable de 0,3 % de mortalité laissait les braves patients indifférents. Je me pose cette fondamentale question : pourquoi poursuivre dans cette direction ? Statistiques, erronées ou biaisées, peu alarmantes, létalité marginale, risque infime, conséquences en revanche dramatiques d’une politique brouillonne dans ses grands jours, rien de glorieux dans l’action du gouvernement.
Et n’oublions pas que le président a levé une légion d’antivax en bramant très intelligemment vouloir les emmerder , ce qui devrait évidemment nous faciliter la tâche à l’avenir : comment convaincre les réfractaires au Gardasil et autres indispensables préventions ? On les enverra à Manu le Prodige…
Une administration avisée, s’il en est une, devrait s’activer à lever les contraintes. La problématique essentielle, la surcharge des lits de réanimation, ne se pose plus et s’est assez peu posée, hormis certaines grandes villes au-delà de mars 2020.
72 % seulement des patients sont-ils véritablement hospitalisés pour covid ? C’est tout à fait envisageable. L’État glisse-t-il certains indicateurs sous le tapis, afin de justifier sa politique ? ça l’est également.
Pourrait-on se souvenir que jamais, dans l’histoire du pays, on n’a ainsi pisté un virus par un dépistage massif, ruineux et anxiogène, inventant chaque semaine de nouveaux indicateurs manipulés sans la moindre expérience.
Certes, les épidémiologistes maitrisent leur spécialité mais désolé pour eux : la biologie des épidémies est complexe et les simulations numériques encore imparfaites. Reste le bon sens, celui qui s’impose si souvent, au lit des patients. Il faut atterrir, alors que l’affaire est en voie d’achèvement.
L’avion trace depuis trop longtemps des cercles dans un circuit d’attente. La politique des aides financières va nous revenir droit dans le nez, agrémentée d’une hausse des cours du pétrole. L’urgence médicale est passée. Une autre s’avance.
L’État socialiste, interventionniste, omniscient, omnipotent, bouffi de graisse et de suffisance, se pensait à même de terrasser les épidémies, de réguler le thermostat du climat, d’accompagner les candidats au changement de sexe, de purger l’histoire de ses écarts détestables et de remettre le mâle blanc à sa place, tout en bas, mais sa philosophie pour candides s’est ratatinée contre le mur de la réalité. L’urgence, s’il en est une, est maintenant de s’en défaire. Si seulement la covid pouvait avoir terrassé les fadaises des illuminés de la gauche…