Israël a donc tué le chef du Hezbollah. Provoquant un spasme d’exultation orgiaque en Occident en général, et chez nous en particulier. Pour ce faire, Israël a utilisé le terrorisme et les crimes de guerre, c’est-à-dire en détruisant des quartiers entiers et en massacrant des centaines de civils libanais innocents. Depuis toujours, c’est ce qu’Israël fait le mieux.
Mais ce qui est terrible pour un occidental, pour un Français, c’est ce que cette exultation raconte. Sur ce que nous sommes, sur notre racisme, notre sentiment de supériorité, notre absence de morale, notre goût du sang. Et nous continuons à pousser Israël dans l’impasse sanglante où il est en train de se perdre.
Parce qu’on va rappeler à ceux qui jubilent qu’en juillet 2006, l’armée de l’air israélienne, avait détruit 59 lance-roquettes fixes à moyenne portée positionnés dans tout le sud du Liban. Dan Halutz chef d’état-major de l’IDF annonça alors à son gouvernement : « Toutes les roquettes à longue portée ont été détruites. NOUS AVONS GAGNÉ LA GUERRE ». C’était en 2006…
Et c’est le même Halutz qui dit craindre aujourd’hui une guerre civile dans un Israël dirigé par Netanyahu et sa bande.
Il s’agirait nous dise les extatiques d’une nouvelle démonstration, après l’opération terroriste des pagers, des formidables capacités d’Israël. Qui a fait savoir avec gourmandise que l’opération des téléavertisseurs avait pris 15 ans à préparer. Et tout cela pour quel résultat stratégique ? Remplir les hôpitaux du sang des victimes civiles non seulement n’apporte pas le moindre avantage stratégique mais au contraire contribue à enfoncer l’État d’Israël devenus paria dans le statut d’État voyou dirigé par des voyous. Le Hezbollah est évidemment affaibli, l’Iran peut être gêné, mais la retenue de ce dernier démontre que « l’axe de la résistance » achète du temps, ce dont désormais Israël ne dispose plus. Cela fait 80 ans que les Israéliens massacrent des civils, rasent des villages et tuent les dirigeants des mouvements qui s’opposent à eux.
Il y aura bientôt un an qu’ils affrontent le Hamas à Gaza, en vain. Cela fait plus de 20 ans qu’ils essaient de se débarrasser du Hezbollah, en vain. 80 ans qu’ils essaient de se débarrasser du peuple palestinien, en vain. Le prix payé par les Palestiniens, ceux qui les soutiennent et les civils arabes innocents est considérable. Mais Israël soutenu à bout de bras par un Occident en décomposition a-t-il encore le temps de démontrer qu’il peut être autre chose que ce qu’il montre aujourd’hui ? C’est peu probable. Ce terrible échec était-il inscrit dans le projet initial d’émancipation de Theodor Herzl ? La greffe de ce bout d’Occident impérialiste à cet endroit pouvait-elle prendre ? Nous n’en savons rien, mais la marche de l’Histoire nous a conduit à cet échec.
Les peuples de la région n’acceptent pas sa présence et comme l’avait dit Ben Gourion à Nahum Goldmann : « Pourquoi les Arabes feraient-ils la paix ? Si j’étais, moi, un leader arabe, jamais je ne signerais avec Israël. C’est normal : nous avons pris leur pays. […..] Certes, Dieu nous l’a promis, mais en quoi cela peut-il les intéresser ? Ils ne voient qu’une chose : nous sommes venus et nous avons volé leur pays. Pourquoi l’accepteraient-ils ? Ils oublieront peut-être dans une ou deux générations, mais, pour l’instant, il n’y a aucune chance. Alors, c’est simple : nous devons rester forts, avoir une armée puissante. Toute la politique est là. Autrement, les Arabes nous détruiront. »
Est-ce cette logique de « l’armée puissante » qui a conduit au sionisme perverti des Netanyahu, Smotrich et autre Ben Gvir ? Les historiens en décideront, en tout cas aujourd’hui Israël n’est puissant que du soutien d’un Occident contesté et très affaibli. Le confrontant à une contradiction insoluble entre les « valeurs » qu’il prétend porter et le soutien sans faille à une violence génocidaire. Jusqu’à quand ?
Le sud global quant à lui se prépare méthodiquement et se dirige vers ce qui constitue son objectif principal, la réorganisation du monde sans l’Occident. Il est probable qu’il ne s’en détournera pas et ne cédera pas aux objurgations des excités qui souhaitent l’affrontement. Jusqu’à Alexandre Douguine perdant son sang-froid : « C’est désagréable à admettre, mais la détermination radicale d’Israël à détruire impitoyablement ses ennemis contraste clairement avec le comportement non seulement de ces ennemis, mais aussi de nous-mêmes dans nos relations avec le régime de Kiev. [….] Encore une fois, celui qui est le plus rapide a raison. Celui qui agit de manière plus décisive et téméraire gagne. Mais nous, nous sommes prudents et constamment hésitants »
Le problème c’est que les dirigeants de pays comme la Russie, l’Iran et la Chine sont les « adultes dans la pièce » : ils sont prudents et modérés, soucieux de la sécurité du processus de transformation du monde qu’ils ont initié, et qu’ils conduisent. Jusqu’à présent, ils évitent soigneusement de prendre des mesures qui constitueraient des réponses aux provocations occidentales. Comme l’a répété Poutine à plusieurs reprises, ils ne le feront que lorsqu’elles atteindront des niveaux « existentiels ».
C’est un chemin délicat, mais qui pouvait penser que ça ne puisse pas être le cas ? Ils ont en face d’eux, des fanatiques, des idéologues obtus, des enragés, des cinglés, des meurtriers, voire des criminels infâmes. Et pour corser le tout il y a parmi eux et en grand nombre de parfaits imbéciles.
Dans ces conditions, garder son sang-froid n’est pas chose facile. Car ils ne jouent plus aux échecs et sont confrontés à un dilemme. Soit une réponse brutale aux provocations pourrait conduire à une escalade mortifère. Soit l’absence de réaction peut elle aussi conduire à une escalade. Parce que les tarés d’en face, comme Netanyahu et sa bande en font la démonstration tous les jours, en déduisent que tout leur est permis.
Parmi ceux qui se réjouissent parfois bruyamment des coups portés au Hezbollah certains ne sont pas des fanatiques ou des imbéciles amateurs de massacres, mais seulement viscéralement attachés à l’existence de l’État d’Israël. Essayant probablement d’apaiser l’angoisse qui se fait insistante et qui se rattache à ce qu’ajoutait David Ben Gourion à son interlocuteur : « « Mais si tu me demandes si mon fils Amos, qui aura cinquante ans à la fin de l’année, a des chances de mourir et d’être enterré dans un Etat juif, je te répondrais : 50%. »
On aura une pensée pour eux.