Voilà, cela fait des mois, le mouvement a pris de l’ampleur depuis un peu plus de deux ou trois ans, que des migrants se noient en Méditerranée. Un coup, c’est une dizaine, une autre fois, c’est une quarantaine, parfois une centaine et à chaque fois, bien sûr, quelques voix pour s’en émouvoir et puis c’est tout, on oublie et en croisant les doigts on espère que le prochain coup, il n’y en ait pas beaucoup, et si possible, plus du tout. Il y a quelques jours, une dizaine, je ne sais plus, ils furent 400 à se noyer. On en a parlé, on s’est ému et encore une fois, nous nous sommes tus.
Et puis là, ce weekend, on nous dit que c’est 700 ! 700 migrants, sur un cargo d’infortune, parait-il pris de panique à la vue d’un navire s’approchant, ont fait chavirer leur embarcation. Selon quelques témoignages, ce sont 700 migrants qui auraient ainsi péris. Il parait même que certains étaient enfermés dans la soute. Aucune chance d’en réchapper. Des femmes, des jeunes, des enfants, des hommes ont péri. Noyés. 700. Peut-être plus. Mais 700, voilà qui doit parler aux oreilles de nos dirigeants qui tous, sans exception, à travers toute l’Europe, s’en émeuvent et y vont de leur " Cela doit cesser ", " C’est monstrueux ", " On doit faire quelque chose ", " C’est la faute à l’Europe ", " Ceux qui se sont livrés à pareil trafic sont des terroristes, des esclavagistes ", " C’est une honte ", blablabla... 700, voilà qui fait réagir, comme s’il y avait de la magie dans ce chiffre puisque 400 ne semblait pas suffisant.
Alors, on - personne d’ailleurs ne sait très bien qui est ce " on " - convoque d’urgence, à Bruxelles, une réunion, pour cet après-midi, une réunion extraordinaire des ministres des affaires étrangères et de l’Intérieur de l’Union ; même Jean-Philippe " Harlem " Désir en est. On parle d’une réunion tout aussi extraordinaire, car non prévue, de tous les chefs d’Etats pour cette fin de semaine. Il va falloir prendre des décisions. Plus jamais ça ! Il en aura fallu 700.
Mais quelles décisions ? On ferme les frontières de Schengen ? On renvoie les bateaux qui traînent là d’où ils partirent (parce que l’on sait d’où ils viennent) ? On met sur pied une marine européenne ( avec quels sous ? ) pour remplacer Triton qui avait remplacé Mare Nostrum ? On dégomme les potentats locaux qui s’engraissent au lieu de mettre leurs pays dans la voie du développement ? On envahit la Libye ? On décide de ne plus accorder l’asile aux migrants ? On prend solennellement la décision de ne plus payer la sécu, les soins, le gîte et le couvert aux migrants et on le fait savoir au monde entier, histoire de les décourager ? On balance par avion sur les lieux d’embarquement de clandestins et dans les pays concernés des milliers de photos des cadavres repêchés, histoire de leur montrer à quoi ils s’engagent en montant dans ces bateaux maudits ?
J’ai vu et entendu ce samedi, en live, un député européen très très en colère quand il s’est mis à nous parler de ce problème. Il avait honte d’être Français, il avait honte d’être européen qu’il nous a dit. Lorsque je lui ai demandé ce qu’il avait fait lui, depuis deux ans, là où il siège, pour régler ce problème, un brin piteux, il nous répondit, je le cite de mémoire : J’en parle tous les jours à Bruxelles, j’alerte mais il ne se passe rien ! Rien ! Et pourtant, les solutions existent, " on " les connaît " mais personne ne bouge.
La solution, " on " la connaît tous. Et depuis longtemps. Elle passe par la stabilisation politique et le développement des pays d’origine de ces migrants. Sauf que ces pays s’appellent l’Irak, la Syrie, la Libye, l’Érythrée, le Niger, la Somalie, le Maroc et quelques autres. Des pays qui sont tous soit aux mains de musulmans extrémistes, soit aux mains de musulmans modérés, soit de dictateurs, soit dans le plus grand chaos. Pas sûr que tous ces gens-là soient sensibles à l’argument du droit d’ingérence. Autrement dit, il faudra du temps, beaucoup de temps et encore beaucoup plus d’argent et une volonté inflexible pour aller mettre de l’ordre là dedans. En a-t-on la volonté ? Pas si sûr...
Et en admettant que la volonté y soit et que des moyens nécessairement colossaux soient engagés, il faudra des mois et des mois, voire des années pour arriver à pacifier et développer ces pays, si tant est que cela soit possible. Si tant est que ces peuples veulent bien enfin entrer dans l’Histoire...
Alors vous voyez, il y a de fortes chances que le chiffre magique perde sous huit jours ou un mois de son " efficacité " médiatique. Il va falloir s’habituer à ces drames. Nous allons vivre avec.
Une chose est sûre et certaine, l’Union Européenne, ou disons plutôt les peuples qui la composent, n’a pas vocation ni les moyens d’accueillir toute la misère du monde. Ils sont, nous dit-on, 11 000 à avoir débarqué en huit jours... En huit jours seulement. Ils sont officiellement 35 000 à avoir débarqué depuis le début de l’année dans le sud de l’Europe.
Et deux bateaux ayant chacun à leur bord entre 400 et 500 migrants ont été repérés aujourd’hui...
Folie passagère 2745.
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