Jean-Luc Mélenchon joue la petite musique de la rupture à gauche pour placer son produit, l’Union populaire, qui promet d’être le véhicule politico-idéologique de la nouvelle extrême gauche de la gauche. Dans un entretien donné au Journal du Dimanche ce dimanche premier mai, il affirme que face à Emmanuel Macron, président « mal élu », « le rapport de force est bien meilleur qu’il y a cinq ans » et lui permettrait de prétendre à la majorité politique aux élections législatives en vue de gouverner. Cela ne se fera que si les gauches s’allient entre elles autour du chef qui est bien décidé à dicter les termes du nouveau « bloc de gauche » en formation.
Venezuela in Europe
Ce programme, c’est une gauche de rupture, profondément anti-libérale et anti-capitaliste, qui promet l’aventure sud-américaine des régimes autoritaires et des républiques bananières comme au Venezuela et à Cuba . La promesse de liquidation de la social-démocratie au profit du populisme d’esprit marxiste a tout de même suscité l’indignation d’une parti des cadres historiques du PS, du moins ce qu’il en reste.
Stéphane Le Fol, Julien Dray ou encore François Rebsamen ont critiqué toute idée de rapprochement avec LFI. En revanche, vendre le Parti socialiste pour un plat de lentilles ne pose pas de problème à Olivier Faure qui essaie de maintenir l’illusion d’une forme d’égalité entre les partenaires à cette Union populaire chargé de catapulter Mélenchon à la place du Premier ministre .
C’est que Mélenchon est en position de force à gauche. Un accord avec les Verts et les communistes pour les législatives est pratiquement acté, le Parti socialiste devrait suivre. Grâce à un numéro de tribun qui a réussi à impressionner les rédactions et les états majors politiques, Jean-Luc Mélenchon a transformé sa défaite au premier tour de l’élection présidentielle en victoire dans le camp de la gauche. Il était peut-être sur la troisième marche du podium dans la course à la magistrature suprême, mais a réussi à devenir la valeur refuge de la gauche morale dont les formations sont en miettes.
Si lors de la crise sanitaire, LFI a joué la carte de la défense absolue des libertés publiques face à l’autoritarisme macronien, la tactique ne doit pas masquer la grande stratégie du grand timonier des insoumis. L’alignement de l’Union sur les propositions les plus radicales de LFI promet un basculement du référenciel à gauche vers la bureaucratie marxisante et autoritaire la plus radicale.
Le caillou mélenchoniste dans la chaussure macronienne
Pour Emmanuel Macron, l’émergence d’une gauche autoritaire n’est pas forcément une bonne nouvelle. Marine Le Pen est pour lui l’adversaire idéal pour créditer le récit manichéen entre un « camp progressiste » et un « camp populiste », l’un dynamique et tourné vers la mondialisation, l’autre passéiste et nationaliste.
Incapable de rassembler sous son nom, l’épouvantail Marine Le Pen offre le pouvoir à Emmanuel Macron sans avoir à répondre de son bilan. En d’autres termes, peu importe la vacuité de son programme, il est certain d’avoir des élus tellement elle est nulle. Avec Mélenchon le petit clivage progressiste/populiste vacille : le petit pépère des peuples peut reconstituer une gauche qui pourra contester le « progressisme » macronien sur son flanc gauche en lui opposant un programme qui forcera le nouveau président de la République à se positionner (à droite).
Pour l’instant la stratégie élyséenne consiste essentiellement à piller sans vergogne le programme écolo de Mélenchon tout en diabolisant une formation que les troupes macronistes présentent comme le bastion de l’indigénisme, du désordre social et politique, de la haine des autorités et du communisme (ce qui n’est pas totalement faux non plus). Une nouvelle bataille s’est donc engagée entre le chef de l’État et le leader insoumis , mais sur le terrain de la communication. Désormais, Macron cherche à convaincre qu’il fera un écolo communiste plus raisonnable et plus sérieux que Mélenchon lui-même. Étonnante stratégie d’étouffement, catastrophique pour la France, mais assez inédite dans l’histoire politique du pays.