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Mathieu Bock-Côté : Les Deux Occidents

, par  Matthieu Creson , popularité : 4%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
Bonjour Visiteur à partir du 15 juillet 2025

Le sociologue, essayiste et éditorialiste Mathieu Bock-Côté vient de faire paraître un nouveau livre, intitulé Les Deux Occidents (Paris, Presses de la Cité), dont on notera également le sous-titre provocant : « De la contre-révolution trumpiste à la dérive néosoviétique de l’Europe occidentale ».

C’est que, selon l’auteur, ce que l’on nomme ordinairement l’Occident se serait scindé en deux blocs aux valeurs et aux orientations idéologiques désormais irréconciliables : l’Amérique trumpiste et l’Europe progressiste. Autrefois marqué par l’antagonisme Ouest/Est durant la Guerre froide, le monde se trouve aujourd’hui en proie à un clivage inhérent au camp des démocraties libérales, avec d’un côté les États-Unis des conservateurs, réfractaires au wokisme et à l’idée d’une possible dissolution de l’ « identité américaine » dans un monde de plus en plus internationalisé, et, de l’autre, le camp des sociaux-démocrates à l’européenne, adeptes de la « troisième voie », favorables à l’économie de marché dès lors qu’elle est tempérée par une forte dose de redistribution et de de réglementation étatiques. Ce dernier camp, appelé par Mathieu Bock-Côté celui de l’ « extrême centre », se montrerait depuis plus de 20 ans insensible au « réveil des peuples », que l’auteur compare à de véritables rebelles refusant de se soumettre aux diktats de la caste dirigeante et omnipotente (p. 22), fût-elle démocratiquement élue.

On trouvera déjà dans l’ouvrage en question une analyse de ce que Mathieu Bock-Côté nomme le « moment trumpien ». Croyant pouvoir dérouler indéfiniment leur idéologie du « nouvel ordre mondial » née de la chute du Mur de Berlin en 1989 (que l’auteur définit – p. 37 – comme une combinaison de « mondialisme, humanitarisme, néolibéralisme, multiculturalisme, néoféminisme et politiquement correct »), les élites progressistes se seraient heurtées ces derniers temps à un obstacle imprévisible sur leur route en la personne de Donald Trump, lequel aurait pleinement saisi et su incarner l’existence d’un profond courant populaire de contestation de l’ensemble de la classe politique au pouvoir. S’il existe bien un certain consensus politique depuis une trentaine d’années chez une majorité de dirigeants à l’échelle planétaire, que l’on qualifiera de « sociaux-démocrates », on regrettera toutefois que Mathieu Bock-Côté ne saisisse pas mieux les bienfaits de la mondialisation libérale , pourtant largement avérés , mondialisation que l’on accuse souvent de faire disparaître l’ « identité des peuples ». « Rompre avec le Nouvel ordre mondial, écrit-il, voulait aussi dire rompre avec les structures mentales de la mondialisation et de l’idéologie du libre-échange qui avait réduit chaque société à une zone économique appelée à s’intégrer dans le grand marché planétaire, et devant aplanir ce qui dans sa culture ou son organisation sociale pouvait être un frein à cela. (…) La mondialisation faisait violence aux sociétés et broyait les peuples en fragilisant les classes moyennes, au nom d’une conception à bien des égards illusoire de la prospérité » (p. 59). Contrairement à ce qui est écrit ici, la mondialisation économique n’est nullement imposée d’en haut, par une quelconque caste d’élites technocratiques, vers la base, c’est-à-dire les peuples, qui en subiraient bon gré mal gré les délétères effets : comme nous l’enseigne la théorie économique classique , la mondialisation repose au contraire sur l’internationalisation des échanges, lesquels, par définition, ne peuvent qu’être mutuellement bénéfiques… sans quoi il n’y aurait tout simplement pas d’échange possible. La mondialisation n’est de ce point de vue qu’une transposition à l’échelon international du principe de l’échange libre. Et outre le fait – ce qui n’est pas rien ! – que la mondialisation a permis d’arracher des millions de gens de par le monde à la grande pauvreté, c’est cette même mondialisation, cible de toutes les attaques, allant de l’extrême gauche à l’extrême droite, qui non pas sclérose les cultures, mais leur permet au contraire de s’enrichir et de se perpétuer au contact d’autres cultures avec lesquelles elles interagissent librement.

Outre cette méprise sur le sens et les effets de la mondialisation, on regrettera que Mathieu Bock-Côté aborde certaines questions dont il traite – l’État de droit, la démocratie, la bien-pensance idéologique commune à la gauche et à l’ « extrême centre »… – essentiellement sous l’angle des peuples, et non du point de vue des individus. Pour lui, comme pour une large part des penseurs conservateurs actuels – au sens européen du terme -, il existerait une entité qu’on appelle le peuple, qui serait davantage que la somme des individus qui sont censés le composer. Ne déclarait-il pas par exemple sur la chaîne CNews il y a quelques années : « L’État est l’expression d’un peuple, d’une nation » ? Ne fustigeait-il pas, sur le plateau du même média, le décalage entre la « politique spectacle » (expression certes appropriée) et le « peuple » ? On peut donc regretter que Mathieu Bock-Côté hypostasie le peuple comme il le fait : il faudrait plutôt rappeler qu’une nation se compose toujours d’individus, la plus petite minorité comme disait Ayn Rand, et qu’elle fonctionne ou devrait fonctionner à ce titre un peu comme un club : fruit de l’histoire, une nation est une entité organique qui n’est jamais complètement figée et qui rassemble des gens qui partagent un certain nombre de valeurs et de principes communs.

Le chapitre du livre qui intéressera probablement le plus un lecteur de sensibilité libérale est le chapitre 4, intitulé « La renaissance libertarienne et la révolution antibureaucratique ». L’auteur rappelle déjà l’ancienneté de la tradition libérale/libertarienne aux États-Unis, qui s’est trouvée réactualisée au moment de la contestation du New Deal de Franklin Roosevelt dans les années 1930, du fait que ce même New Deal s’était accompagné d’un élargissement sans précédent de la sphère étatique au détriment de la liberté de choix et d’action des individus. Quoique devenue populiste, la droite américaine actuelle serait aussi soi-disant réceptive au courant d’idées libertarien, auquel on a pu associer un Elon Musk. Or, il nous semble au contraire que la droite américaine a abandonné des penseurs comme Mises, autrement dit l’école autrichienne en économie (dont Carl Menger et Friedrich Hayek font aussi partie), pourtant autrefois largement constitutive de ses principes fondamentaux.

À propos justement des représentants de cette école, Mathieu Bock-Côté écrit : « Depuis sa renaissance, la philosophie libertarienne se présentait comme une doctrine ‘élitiste’, visant à réformer les sociétés occidentales par le haut, selon une logique conduisant, si on la laissait aller jusqu’au bout, à une abolition du politique et à un individualisme absolu. Au niveau international, le libertarianisme s’est constitué comme mouvement autour d’une stratégie de percolation, notamment avec la Société du Mont-Pèlerin, en 1947 : il fallait d’abord convaincre les élites de ses vertus, qui elles-mêmes convaincraient les médias, qui convaincraient le commun des mortels de changer de philosophie et de changer de vie » (p. 168-169). Face à cette tendance que Mathieu Bock-Coté juge donc « élitiste » du libertarianisme, il y a aurait un libertarianisme « enraciné », « fièrement populiste » : celui de Murray Rothbard – dont on rappellera tout de même qu’il fut un disciple de Mises ! « C’est ce libertarianisme à la Rothbard, écrit l’auteur, qui trouve une nouvelle jeunesse en Occident » (p. 171). Cette distinction entre deux libertarianismes, l’un « élitiste », l’autre « populiste », ne nous semble à vrai dire guère pertinente. Mieux vaudrait rappeler la distinction , la seule valable à notre sens, qu’avait établie Hayek entre libéralisme et constructivisme : les représentants de celui-ci prétendent toujours imposer un « projet de société », pur produit de l’ingénierie sociale, là où les défenseurs de celui-là entendent laisser aux individus l’initiative et les marges de manœuvre nécessaires à la conduite libre et responsable de leur existence. Il faut aussi rappeler qu’il y a, à côté de ce que Mathieu Bock-Côté et d’autres appellent l’extrême centre, c’est-à-dire en gros les sociaux-démocrates adeptes de la « troisième voie » entre capitalisme de marché libre et interventionnisme étatique, précisément les représentants de cette école autrichienne (dont Rothbard), hélas trop peu connus en France. Une école dont l’économiste Pascal Salin disait qu’il faudrait plutôt baptiser « école française », étant donné que ce sont des penseurs et économistes français (Jean-Baptiste Say, Frédéric Bastiat notamment) qui, les premiers, ont défendu ces idées.

On lira donc avec profit le dernier livre de Mathieu Bock-Côté, qui, comme ses livres précédents, contient des analyses souvent fines, justes et lucides des ravages du politiquement correct woke et de l’idéologie bien-pensante à la mode, dans le style incisif qui est le sien. On saluera aussi le fait que son livre comporte tout un chapitre consacré au renouveau (réel ou supposé) de la pensée libertarienne outre-Atlantique et à la révolte antifiscale et antibureaucratique. Mais on déplorera une vision qui nous semble par trop « collectiviste » et insuffisamment individualiste des sujets traités (ainsi la prévalence régulière, au fil des pages, de la notion de « peuple » sur celle d’ « individu »).

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