Par Jean-Philippe Delsol.
Un article de l’Iref-Europe
Après les annonces électorales de grands projets, sont venues les désillusions.
Depuis l’automne 2018, le gouvernement passe son temps à colmater les brèches qui s’ouvrent sur tous les fronts. Il s’y consacre d’autant plus que les groupes de pression ont tous compris que la revendication était un moyen efficace d’obtenir satisfaction.
L’ère de la revendication
— Après la hausse de la CSG de 1,7 %, les petits retraités élèvent la voix et ils sont presqu’aussitôt bénéficiaires d’une mesure d’exonération sur les retraites en dessous de 2000 euros pour un coût de 1,6 milliard d’euros.
— Les Gilets jaunes secouent la France et il est décidé de baisser encore l’impôt sur le revenu de 5 milliards, d’augmenter par divers artifices la rémunération de 100 euros par mois au niveau du SMIC, de supprimer les hausses de taxes carbone et de mettre en œuvre sans délai la défiscalisation des heures supplémentaires.
— Les policiers grognent et une prime de 40 euros mensuels leur a été accordée depuis janvier dernier.
— Les élus locaux protestent contre la non-revalorisation des bases de calcul de leur compensation à la taxe d’habitation et le parlement rétablit sans tarder l’indexation requise.
— Les avocats descendent dans la rue pour conserver la maîtrise de leurs retraites et le dispositif législatif envisagé est aussitôt retiré.
— Les personnels hospitaliers se mettent en grève larvée et un plan jugé impossible peu avant est proposé pour sauver l’hôpital …
Ces diverses protestations n’étaient d’ailleurs pas toutes injustifiées, loin de là.
Mais les réponses n’ont pas été appropriées et le mécontentement s’amplifie, pour durer peut-être à partir du 5 décembre.
Macron pyromane
Monsieur Macron est décidément très loin du terrain malgré ses gesticulations régulières dans de grands débats mis en scène sans vergogne.
C’est la politique de Macron qui allume les feux qu’il cherche ensuite à éteindre à grands frais.
Le bouquet final de cette incompréhension est la réforme des retraites qui réunit contre elle toutes les colères parce que, pour traiter un vrai problème de justice, elle apporte des solutions au mieux boiteuses et défaillantes, au pire plus injustes encore.
Plutôt que d’insuffler de la capitalisation dans le système pour le pérenniser, cette réforme universalise les régimes par répartition, dont on sait qu’ils iront vers un déséquilibre croissant inéluctable, en pillant les réserves des régimes complémentaires et indépendants pour faire face aux besoins immédiats sans répondre aux exigences du long terme.
Plus gravement, elle ne règle pas la difficulté du financement des régimes publics auxquels l’État verse chaque année une contribution considérable, soit près de 50 milliards d’euros pour le régime de retraite des fonctionnaires et 6,2 milliards pour les régimes spéciaux .
Dans son dernier rapport du 21 novembre 2019, le COR précise qu’en 2019, le taux de contribution des employeurs de fonctionnaires de l’État pour leurs pensions de retraite est de 74,28 % pour les civils et 126,07 % pour les militaires ; il est de 30,65 % à la CNRACL (collectivités locales) contre 16,46 % à la CNAV et l’AGIRC-ARRCO pour un salarié du secteur privé sous le plafond de la Sécurité sociale.
Les salariés du secteur privé cotisent donc pour leurs retraites à un taux global de l’ordre de 28 %, déjà très élevé par rapport aux cotisations versées dans les autres pays, mais en sus ils payent par leurs impôts et autres taxes, une très large partie de la retraite des fonctionnaires.
Macron pompier ?
Or le projet de réforme Delevoye ne modifie en rien cet état d’injustice chronique.
Pire, tout en soutenant que désormais tous les retraités seront traités de la même manière , il envisage que le nouveau système dit « universel » bénéficie à l’avenir d’un concours de l’État égal à celui d’aujourd’hui, ce qui signifie qu’il prévoit de maintenir aux fonctionnaires des retraites privilégiées financées grâce à cet abondement exceptionnellement élevé.
Néanmoins, le COR prévoit que malgré ce sur-financement étatique, le système des retraites supporterait un déficit de 2 à 8 % selon des scénarios variés mais optimistes, ce qui sera insoutenable.
D’autant qu’il faudra en sus continuer vraisemblablement à financer des régimes spéciaux qui ne sont pas près de disparaître .
La réforme apparait donc aussi injuste qu’irréaliste et a sans doute peu de chance d’aboutir.
L’erreur majeure de M Macron et son gouvernement a été de penser que la centralisation des politiques résoudrait les problèmes comme une potion magique. C’est l’inverse qui est vrai.
Il faut rendre leur liberté aux citoyens pour gérer leurs affaires, leurs assurances sociales, leur emploi, l’école de leurs enfants…
Les retraites françaises coûtent cher aux assurés pour leur donner une pension plus faible que dans beaucoup d’autres pays qui ont déjà opté pour la capitalisation.
En France, l’école et l’université privées sont moins coûteuses que les mêmes établissements du public…
Il existe donc de grandes marges de gain de pouvoir d’achat pour les foyers qui opteraient, s’ils le pouvaient, pour des dépenses autres que celles que l’État leur impose et en obtiendraient en sus un meilleur service.
Plutôt que de recentraliser la France, il faut la libérer de son carcan jacobin et permettre à tous ceux qui le souhaitent de retrouver la maîtrise de leur vie en même temps que plus d’aisance.
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