De tous nos souvenirs rien ne refait le temps,
On peut bien s’y complaire, rien ne s’use autant,
De mémoire affadie ils renaissent pourtant,
Mais le vécu même demeure inexistant.
Ils surgissent parfois en des fulgurations,
On croit les revivre en une résurrection,
Et pourtant chaque fois la mémorisation
Capote en son élan de reconstitution.
Et le vide se creuse autour du trou béant,
S’enlisant toujours plus en oublis diffluents,
Comme si le présent trouvait peu bienséant
De faire revivre ce qui fut échéant.
Pour ne pas rompre ce qu’elle tient du passé,
La pensée ravaude ce qui est effacé,
Travestissant au mieux, pour les recommencer,
Des instants restés en creux ou même chassés.
Et l’humeur du moment peut les enjoliver
Comme tout au contraire aussi les réprouver :
La mémoire est toujours ce filtre inachevé
Qui peut nous harceler ou bien nous préserver. (20/10/214)