Les monnaies suivent les civilisations depuis 3000 ans, elles sont des créations humaines, et pourtant elles restent des ovnis. Leur rôle est de permettre l’échange de biens à travers un support capable de « cristalliser » de la valeur dans le temps, une sorte de confiance palpable.
S’il est compliqué de définir une monnaie , c’est parce que nous avons utilisé des centaines de monnaies différentes qui n’ont rien de commun, à part être une monnaie. Et aucune d’entre elles n’entre dans les critères d’Aristote : unité de compte, réserve de valeur et intermédiaire d’échange.
Avec l’inflation, nos monnaies d’État sont de mauvaises réserves de valeur : un dollar a perdu 95 % de sa valeur en 50 ans. L’or est un piètre moyen d’échange : d’une part, on peut facilement se faire avoir en achetant un lingot ; d’autre part, son poids le rend coûteux à transporter.
Aujourd’hui plus que jamais, nos monnaies laissent perplexe, et c’est tout le sujet de cet article que de découvrir leur fonctionnement.
Je dis bien nos monnaies, pas pour parler des euros, francs ou dollars. Toutes les monnaies d’État se ressemblent de nos jours. Nos monnaies, car derrière un nom unique comme « le dollar » se cachent plusieurs types de monnaies totalement différentes.
L’histoire du dollar américain est fascinante, et illustre parfaitement l’évolution des monnaies au fil du temps. Au départ, le dollar était directement lié à une pièce en or, ce qui signifie qu’il pouvait être échangé contre une quantité spécifique d’or. Cette période, connue sous le nom d’étalon-or , garantissait la stabilité de la valeur du dollar, car la quantité d’or disponible limitait la quantité de dollars en circulation.
Cependant, au fil du temps, les besoins économiques et les contraintes financières ont conduit à une transformation significative du dollar. Le billet de dollar est devenu une représentation de la valeur de l’or, plutôt que de l’or lui-même. En d’autres termes, le dollar était toujours adossé à l’or, mais les gens n’échangeaient plus directement des pièces d’or contre des billets de un dollar. Cela a permis une plus grande flexibilité dans l’économie, et a simplifié les échanges commerciaux.
Puis, au cours du XXe siècle, le dollar a connu une révolution monétaire majeure.
En 1971, le président américain Richard Nixon a mis fin à la convertibilité du dollar en or, abandonnant ainsi l’étalon-or.
Cela signifiait que les dollars n’étaient plus liés à une réserve d’or tangible. Ils sont devenus essentiellement du papier sans garantie. Cette transition, connue sous le nom de Nixon Shock, a donné naissance au système monétaire actuel, où la plupart des monnaies du monde sont des monnaies fiduciaires , c’est-à-dire qu’elles n’ont de valeur que parce que les gens ont confiance en elles, et les acceptent comme moyen de paiement.
En parallèle, le dollar a également évolué dans le monde numérique.
Les fonds que vous avez sur votre compte bancaire sont une forme encore différente de dollar, souvent appelée « monnaie scripturale » ou « monnaie électronique ». Cette monnaie n’existe que sous forme de données comptables dans les systèmes bancaires. Elle peut être créée électroniquement lors de l’octroi d’un crédit, ce qui signifie qu’elle peut être multipliée presque à l’infini par les banques.
Cette monnaie électronique est celle que nous utilisons dans nos transactions quotidiennes, que ce soit par virement, par carte bancaire ou même par des moyens plus modernes tels que les paiements via téléphone mobile. Elle a le pouvoir de stimuler l’économie en facilitant les transactions rapides et en permettant le financement de projets, mais elle comporte également des risques, notamment celui de l’inflation excessive si la création monétaire n’est pas bien gérée.
Enfin, la dernière forme de dollar est les obligations.
Lorsque vous détenez une obligation, vous possédez essentiellement une dette contractuelle d’un gouvernement. Si l’État vous doit 100 dollars en obligations, cela signifie qu’il a émis une promesse de vous payer cette somme à une date future convenue, généralement avec des intérêts.
Dans un monde idéal, cette promesse serait perçue comme une quasi-monnaie, car elle garantit un paiement futur par l’État qui émet la monnaie. Vous pourriez, en théorie, échanger cette obligation avec d’autres investisseurs sur un marché obligataire, leur assurant ainsi un paiement futur sécurisé, ce qui en ferait un instrument financier relativement stable et liquide.
Cependant, ce sentiment de sécurité n’est pas toujours justifié, comme cela a été mis en évidence par le krach boursier de l’été dernier. La crise boursière de l’été dernier a été déclenchée par une hausse rapide des taux directeurs, qui sont les taux d’intérêt fixés par les banques centrales. Cette hausse soudaine a eu des répercussions majeures sur le secteur financier.
En augmentant les taux directeurs, les banques centrales ont rendu les nouvelles obligations plus alléchantes, car mieux rémunérées que les anciennes obligations. Et c’est ainsi que le prix des obligations sur le marché secondaire s’est déprécié de 20 %. Ce véritable krach boursier a fragilisé toutes les banques, certaines ont même fini en faillite comme la Silicon Valley Bank.
Nos monnaies sont donc plus que jamais douteuses : nous avons le choix entre un bout de papier sans garantie, un dépôt qui vient directement d’un crédit et en subit son risque, ou des obligations, que la banque centrale peut faire vaciller à n’importe quel moment.
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Pour en savoir plus, voir la conférence donnée à Lausanne par l’auteur de cet article.