Par Victor Fouquet.
Un article de l’IREF
Après l’Assemblée nationale le 5 juin, le Sénat a, à son tour, rejeté le 3 juillet les deux projets de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour les années 2021 et 2022, les dépenses du budget de l’État atteignant un niveau historiquement élevé malgré un contexte de reprise économique.
Pour rappel, le Parlement avait déjà rejeté le projet de loi de règlement pour 2021 l’été dernier. Si elle n’a pas de conséquences financières à proprement parler, l’absence de loi de règlement pose néanmoins des difficultés techniques dans l’établissement comptable du bilan patrimonial de l’État, ainsi que dans la gestion du solde de certains comptes spéciaux (lesquels retracent, tel le compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions », des recettes affectées à des dépenses particulières).
À l’examen des comptes publics ainsi arrêtés par le gouvernement, la gestion de la crise sanitaire semble, contrairement à celle de la crise financière de 2008, où le niveau des dépenses publiques était rapidement revenu à son niveau antérieur, avoir marqué non pas une situation exceptionnelle et temporaire, mais un nouveau plancher de dépenses durablement rehaussé.
Ainsi, après avoir connu un pic à presque 80 % lors de la crise sanitaire , le surcroît des dépenses par rapport aux recettes du budget général de l’État est encore aujourd’hui de 55 %, loin des 29 % du début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron . Et ce alors même que les recettes fiscales ont augmenté en 2022 bien plus rapidement que la croissance du PIB, l’écart entre la prévision et la réalisation s’établissant à près de 36 milliards d’euros (ampleur qui en dit long sur les difficultés de chiffrage de l’administration fiscale).
Par rapport au solde budgétaire de 2021, le solde de l’État (un nouveau déficit de 151,4 milliards d’euros…) s’est « amélioré » en 2022 uniquement parce que les dépenses du plan d’urgence et du plan de relance liées à la crise sanitaire sont en voie, progressive et pour ainsi dire naturelle, d’extinction.
Parallèlement, le nouveau cycle de mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages et des entreprises (d’un montant estimé par la Cour des comptes à plus de 11 milliards d’euros, dont près de 8 milliards au titre des seules remises sur les prix des carburants), prises cette fois-ci pour répondre au retour de l’inflation (5,2 % en moyenne annuelle) et aux conséquences du déclenchement de la guerre en Ukraine, a profondément dégradé les finances publiques du pays.
L’ensemble des moyens mis en œuvre par l’État pour endiguer l’accélération des prix et afficher ainsi un taux d’inflation plus faible qu’à l’étranger a coûté au total environ 38 milliards d’euros.
Augmentation de la charge de la dette : 21 milliards d’euros entre 2020 et 2022
Avec un déficit public pour 2022 égal à 124,5 milliards d’euros (les administrations publiques locales présentant un solde à l’équilibre, tandis que celui des administrations de sécurité sociale est en excédent), soit 4,7 % du PIB, la France reste très éloignée de l’objectif de 0,3 % du PIB fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
La répétition de déficits aussi élevés, autrement dit la poursuite de notre financement « à crédit », est d’autant plus inquiétante que l’environnement monétaire a changé et que, avec une augmentation spectaculaire de la charge de la dette de 21 milliards d’euros entre 2020 et 2022, ce sont huit années de baisse qui ont été effacées en deux ans seulement. Cette dernière hausse est très préoccupante car il ne s’agit, pour l’heure, que de l’effet de l’inflation sur la dette indexée, auquel va venir s’ajouter ces prochaines années l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur le renouvellement des titres…
Il est alarmant – et ô combien significatif quant à la nature de la politique économique menée par l’actuel pensionnaire de l’Élysée – de constater que les dépenses ordinaires (dépenses publiques hors charges de la dette et sans prendre en compte les mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire et à la crise énergétique) ont progressé plus rapidement en volume au cours du premier quinquennat d’Emmanuel Macron (1,2 % par an en moyenne) que pendant le quinquennat de François Hollande (1 % par an en moyenne).
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