Avez-vous pris votre abonnement 2024 ? Non ! CLIQUEZ ICI !
Ou alors participez avec un DON


Découvrez des pages au hasard de l’Encyclo ou de Docu PN
A compter du 25 mai 2018, les instructions européennes sur la vie privée et le caractère personnel de vos données s’appliquent. En savoir +..

Le nucléaire durable de quatrième génération : une nécessité morale

, popularité : 5%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Cet article s’inspire de points saillants du livre de Claire Kerboul L’urgence du nucléaire durable à mettre entre les mains du plus grand nombre.

Le nucléaire actuel n’est pas durable. Le développement du nucléaire durable de quatrième génération pour fournir à la France l’énergie dont elle a besoin, en économisant la ressource, reste à mettre en œuvre. Et bien que les échéances paraissent encore lointaines à certains décideurs, c’est une nécessité morale urgente au regard des futures générations pour ne pas épuiser, au cours de ce siècle, le seul élément fissile sur Terre, l’uranium 235.

Durable ?

Le nucléaire actuel est une source d’énergie peu émettrice de gaz à effet de serre pour produire de la chaleur et de l’électricité mais il utilise très mal la ressource : 1 % de l’uranium naturel. Ce dernier est composé de 99,3 % d’uranium 238 (U238), et de 0,7 % d’uranium 235 (U235).

Et l’U235 est le seul élément terrestre, un don de Dieu (?), qui permet d’initier et d’entretenir une réaction nucléaire en chaîne dans les réacteurs. Sans lui, il ne serait plus possible de démarrer et d’entretenir une réaction nucléaire en chaîne, y compris avec du thorium, nulle part dans le monde.

De plus, le nucléaire actuel produit des déchets radioactifs de haute activité à vie longue (transuraniens ) qui pourraient être fissionnés dans un réacteur durable pour produire de l’électricité. Les seuls déchets ultimes à vie beaucoup plus courte (quelques dizaines d’années) seraient les produits de fission.

Le nucléaire actuel n’est donc pas durable…

Or, celui-ci existe et son développement doit se préparer maintenant afin de ne pas « brûler » définitivement au cours de ce siècle la seule matière fissile naturelle sur Terre à l’origine de toutes les réactions nucléaires, l’U235.

Cette exigence de durabilité implique, comme pour toute filière de production industrielle, d’utiliser avec parcimonie la ressource naturelle et de minimiser les déchets ultimes produits.

Voici un conte horrible

Un jeune fermier hérite d’une belle ferme dotée de meubles, de charrettes et d’outils. Étant imprévoyant et adepte de la facilité, pour se chauffer il décide de brûler dans sa cheminée les meubles, les charrettes et les manches d’outils ainsi que tous les objets en bois de la ferme parce que c’est plus simple et moins cher que d’aller le scier dans l’immense forêt pourtant proche.

Il décide aussi d’aller vendre à bas prix ce petit bois sur le marché extérieur (à l’export). Les affaires sont prospères car les autres vendeurs des fermes environnantes utilisent le bois de forêt qu’il faut extraire avec peine. Aussi décident-ils tous de briser les meubles, les manches d’outils, les charrettes et même les charpentes de leur ferme parce que c’est effectivement plus simple et qu’ils deviennent ainsi concurrentiels.

Vendeurs et clients, cherchant toujours les prix les plus bas, sont satisfaits durant « un certain temps » de ce commerce de bon bois sec qui brûle bien.

Soudain, les fermiers s’aperçoivent tous ensemble que la ressource s’est tarie dans leur ferme. Mais il ne reste plus d’outil ni de charrette pour extraire le bois de l’immense forêt et il n’y a plus aucun bois de chauffe à acheter nulle part.

Au milieu de leur ferme détruite et vide, dans le froid de l’hiver et sous la pluie, il ne reste plus aux fermiers qu’à gémir sur leur imprévoyance, et aux clients à maudire leur avidité qui les a rendus aveugles.

Ce conte désespérant représente exactement la situation de l’énergie nucléaire actuelle en France et dans le monde.

Les fermiers sont les décideurs politiques de la stratégie énergétique des fermes-États.

Le bois « de ferme » est l’uranium 235 (U235).

L’immense forêt est l’uranium 238 (U238) dont la gigantesque énergie durable ne peut être extraite que grâce à l’outil U235… tant qu’il existe.

Les clients sont les États qui achètent des centrales nucléaires de troisième génération bon marché consommant l’U235, rare dans la nature au regard de l’U238 cent fois plus abondant.

La morale de cette histoire : arrêtons de brûler les meubles (l’U235) de la maison Terre pour se chauffer et allons utiliser le bois de chauffe disponible (U238) dans l’immense forêt proche !

Des neutrons « lents » et « rapides »

Les réacteurs nucléaires dits « à neutrons lents » (RNL) de deuxième génération (REP) et troisième génération (EPR) actuellement en exploitation ont l’avantage de produire aujourd’hui l’électricité pilotable décarbonée (4 grammes de CO 2 par kilowattheure (gCO2/kWh) en France et 12 gCO2/kWh dans le monde) la moins chère, avec celle issue de l’hydraulique des barrages.

L’électricité nucléaire produit deux fois moins de CO2 que l’éolien (10 gCO2/kWh), 12 fois moins que le photovoltaïque (30 g), 100 fois moins que le gaz (418 g), 200 fois moins que le pétrole (730 g), et 250 fois moins que le charbon (1058 g). Et l’occupation au sol du nucléaire est 50 à 300 fois moindre que celle des autres sources d’énergie bas carbone pour une même production d’électricité.

Mais les réserves de l’uranium naturel (contenant seulement 0,7 % d’U235) actuellement consommé par ces réacteurs « RNL » sont estimées à environ un siècle à peine pour le parc mondial actuel appelé à croître de 45 % d’ici à 2040 (chiffres 2020 de l’Agence Internationale de l’Énergie).

Cet immense gaspillage des RNL depuis une cinquantaine d’années n’est pas « durable » car ces réacteurs utilisent moins de 1 % de l’uranium naturel, alors que 100 % (100 fois plus !) pourraient être utilisés dans la quatrième génération de réacteurs dits « à neutrons rapide » (RNR) qui, elle, est durable.

Dans le nucléaire, 238 vaut 100 fois plus que 235 !

Le mot durable doit s’entendre dans la définition que lui donne l’ONU pour la première fois, en 1987, afin de définir le développement durable : « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».

Attention : Un RNR est « durable » non pas uniquement parce qu’il est « durable dans le temps », mais aussi parce qu’il économise beaucoup la ressource et réduit sensiblement la production de déchets, selon la définition première de l’ONU en 1987.

Le renouvelable n’est pas nécessairement durable

Les centaines de milliards d’euros engloutis en Allemagne et en France dans le développement à marche forcée des énergies renouvelables éoliennes et photovoltaïques par nature intermittentes et aléatoires (EnRI), ainsi que la prévision, insuffisante pour le moment, de lancement de la construction d’une douzaine de RNL « EPR2 » risquent de conduire la France à manquer d’énergie et notamment d’électricité dans quelques dizaines d’années.

Elle dispose pourtant sur son sol d’une énorme quantité de matière énergétique pour des RNR (plus de 400 000 tonnes d’uranium, soit deux fois les réserves mondiales en équivalent pétrole) qui permettrait d’assurer ses besoins en électricité pendant des milliers d’années.

L’impact important des panneaux photovoltaïques et éoliennes, dites « énergies renouvelables », sur les ressources en terres rares, leurs conséquences environnementales et leur bilan carbone global qui n’est pas favorable au climat avec leurs externalités (batteries, centrales de compensation au gaz et au charbon) illustrent la différence de sens entre renouvelable et durable.

Ces EnRI ne peuvent pas suivre les variations de la demande et doivent être complétées le plus souvent par des moyens thermiques alimentés en énergie fossile, ce qui dégrade significativement le bilan carbone du système complet. Leurs productions ingérables nécessitent d’immenses stockages (inexistants) d’électricité, et ne sont donc pas « durables ».

L’hydroélectricité serait une bonne solution partielle de stockage mais son potentiel est limité par le nombre de sites disponibles.

Les EnRi sont des solutions malhonnêtes qui brouillent parfois les esprits en France et en Europe.

Dans ces conditions, le nucléaire durable des RNR apparaît alors comme LA seule solution pour fournir sur le long terme une électricité décarbonée, massive, propre, largement pilotable et disponible à toute heure, jour et nuit, afin de prendre le relais des actuels réacteurs RNL (REP et EPR).

Pourtant, dans certains cercles de pouvoir, dans de nombreux grands médias, et y compris au sein même d’institutions d’enseignement, il est littéralement impensable que le nucléaire puisse être une ressource énergétique vertueuse ! L’opinion et les croyances y surpassent le savoir.

Pourquoi ce gâchis ?

Au début de l’aventure électronucléaire, économiser la ressource qui était bon marché et réduire les déchets n’était pas la priorité.

Le seul argument qui va prévaloir pendant des décennies, et encore aujourd’hui, sera économique. Seule une augmentation excessive du coût de l’uranium aurait pu justifier la construction de RNR, ce qui ne sera pas le cas. L’uranium naturel est aujourd’hui toujours bon marché et ne compte quasiment pour rien (environ 5 %) dans le coût de production, et 2 % dans le prix de vente aux particuliers. Le déni de la finitude des ressources naturelles et son gaspillage continuent.

La recherche du prix le plus bas a conduit EDF à privilégier les RNL pour être compétitif face au gaz bon marché à l’époque, et surtout au charbon toujours très bon marché.

Le CEA indique dans son étude de décembre 2012 :

« Le développement des systèmes de quatrième génération, basés sur le recyclage dans des RNR, de l’uranium et du plutonium contenus dans les combustibles usés, constitue une perspective de production d’une électricité sans émission de gaz à effet de serre, sûre et économiquement compétitive répondant aux objectifs d’une gestion durable des matières nucléaires ».

Or, le nucléaire est encore exploité aujourd’hui avec les premières technologies RNL conçues pour fissionner l’U235, et quasiment rien d’autre (12 % de Pu239 au mieux).

Seuls les RNR peuvent fissionner tous les noyaux (uranium, plutonium et transuraniens) disponibles, fissiles ou pas.

Aujourd’hui, la ressource naturelle d’uranium doit être préservée car, comme toutes les ressources issues de la Terre, elle est limitée, surtout par sa faible teneur en U235. Cette ressource doit être utilisée le plus efficacement possible et avec parcimonie dans des RNR alors qu’elle est aujourd’hui gaspillée dans des RNL. Sinon l’humanité répètera l’erreur qui a consisté à brûler en à peine plus de deux siècles les réserves d’énergies fossiles accumulées pendant des centaines de millions d’années.

En résumé, l’U235 est à consommer avec modération… si l’humanité veut pouvoir utiliser l’U238 sans modération pour les générations à venir… bien au-delà de ce siècle !

Pourtant, depuis 30 ans, cette notion de gaspillage de la ressource ne choque personne au sein de cette filière industrielle.

Les RNR surgénérateurs

Par le phénomène remarquable de « surgénération », les RNR sont durablement « autonomes » en produisant leur propre matière fissile qui leur servira de combustible, le plutonium (Pu239), formé à partir de l’U238. C’est le meilleur exemple possible d’économie circulaire dans le domaine nucléaire.

Puisque le combustible U238 pour les RNR est déjà présent en France en grande quantité, l’énergie ainsi produite n’a plus à intégrer les coûts et les dégâts environnementaux actuels de l’amont du cycle (extraction minière et enrichissement).

De plus, ces RNR recyclent en les « brûlant » la partie des déchets à vie longue produits par les RNL, les « transuraniens ». Au final, il ne reste donc plus que des produits de fission à vie nettement plus courte ce qui réduit considérablement la durée du stockage géologique en la ramenant à 500 ans.

Outre l’avantage principal de préservation des ressources pour les futures générations, les coûts globaux de production d’électricité des RNR doivent tenir compte de ces économies substantielles en amont et en aval de cette industrie.

Enfin, les RNR, notamment ceux refroidis au sodium, ont un meilleur rendement thermodynamique en produisant de la vapeur à plus haute température que les RNL (43 % à comparer à environ 33 % pour un RNL à eau pressurisée), ce qui permet de produire encore davantage d’électricité avec une même quantité d’uranium.

Voilà les raisons profondes et fortes qui militent pour un développement urgent du nucléaire durable avec des RNR de quatrième génération, dont la montée en puissance en France et dans le monde se déroulera en parallèle avec des RNL qui fourniront le Pu239 indispensable à leur démarrage… pour économiser l’U235.

Les fausses solutions

Certains préconisent la mise au point de réacteurs au thorium alors qu’on dispose de quantités considérables d’uranium, le multirecyclage en RNL qui revient à transmuter le plutonium en déchet, ou encore d’attendre une lointaine et peut-être chimérique fusion nucléaire pour la production d’électricité.

Il faut se méfier des idées fausses et des diversions qui détournent l’attention des véritables solutions, dispersent les finances et les talents et empêchent d’avancer efficacement dans la bonne direction. La magie utilise aussi le détournement d’attention qui est une technique essentielle à la base de toute illusion… pour tromper les sens.

Attention : par manque d’anticipation sur ce futur de la filière « surgénératrice », les matières stratégiques Pu239 et U238 pourraient être perdues si rien n’est fait pour montrer leur future utilité, car l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) serait alors en droit d’exiger leur classification définitive en déchets.

Le besoin d’une vision large

Aujourd’hui, la France n’a plus de vision globale et à long terme de politique énergétique. Elle semble davantage gouvernée par l’idéologie que par les faits depuis plusieurs décennies. Le divorce semble prononcé entre l’action politique et la raison. Est-ce définitif ?

Les véritables experts (et non les pseudo-experts autoproclamés) regardent consternés l’incohérence des lois et des plans successifs censés poser le cadre d’une « transition écologique » sur laquelle personne ne s’accorde vraiment. Abandon de l’électronucléaire ? Déploiement tous azimuts d’énergies renouvelables intermittentes sous perfusion de charbon et de gaz ? Les deux « en même temps » ? Selon quel dosage ?

Ce plaidoyer pour le développement urgent d’un nucléaire durable fondé sur des RNR de quatrième génération constitue un appel aux présidents de la République française actuel et futurs en faveur d’une vision stratégique à long terme impliquant un changement de cap radical.

Il s’agit de refonder la filière nucléaire pour l’engager dès maintenant sur la voie du nucléaire durable avec des RNR surgénérateurs, en s’appuyant au début sur le trésor stratégique (Pu239 produit par les REP et EPR actuels et stocks d’uranium naturel appauvri) pour que le nucléaire devienne l’énergie durable de la France, comme elle est en train de le devenir dans le monde (cf. Rapport AIE 2020).

La compréhension de cette réalité par nos gouvernants leur permettra d’aboutir à une vision claire de la politique énergétique indispensable à la prospérité de la France. Ensuite, une ferme volonté conditionnera sa mise en œuvre dans la durée.

Un homme courageux et clairvoyant viendra-t-il un jour prochain, (sans tarder) aux portes de la Cité pour donner à la France l’énergie de son futur ?

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2023/0...