Par Nathalie MP Meyer.
Il fallait voir le ton grave et la mine importante du ministre de l’Économie Bruno Le Maire alors qu’il expliquait cette semaine sur BFM TV que le gouvernement avait « mis sur la table » 450 milliards d’euros, soit 20 % de la richesse nationale pour « sauver notre économie » complètement bouleversée par le confinement anti Covid-19 :
Notre réponse à la crise du #Covid19 a été immédiate et massive : 450 milliards d’euros d’aides et de garanties de l’État, soit 20 % de la richesse nationale pour sauver notre économie. #BourdinDirect pic.twitter.com/0ZuDOWbVwX
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) May 25, 2020
Oui, mesdames et messieurs, 450 milliards ! 20 % de la richesse ! Vous vous rendez compte de l’engagement exceptionnel et exemplaire de ce gouvernement ? Comme disait non sans fierté le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin quelques jours plus tôt, « peu de pays au monde ont fait autant que nous ». En effet.
L’État s’occupe de tout
En réalité, des sommes aussi abyssales, des sommes qu’il faudra bien payer un jour, devraient susciter les plus grandes inquiétudes pour l’avenir, mais il faut croire que pour Bruno Le Maire et son collègue de Bercy, la quantité sur-dosée est gage de qualité et de crédibilité. Que ne ferait pas le gouvernement pour impressionner les Français et les convaincre une bonne fois pour toutes que l’État s’occupe de tout ?
C’est ainsi que Bruno Le Maire gonfle à plaisir des chiffres déjà vertigineux en incluant dans les 450 milliards d’aides à l’économie les 315 milliards d’euros de prêts garantis par l’État . Pour l’instant, ce sont les banques qui financent ces prêts tandis que l’État encaisse sa commission de garantie. Le Trésor, donc nous les contribuables, n’en serons de notre poche que si les entreprises bénéficiaires font faillite. Or il est assez peu probable qu’elles se retrouvent toutes dans cette situation.
Mais peut-être Bruno Le Maire s’imagine-t-il que cette stupide esbroufe gouvernementale aura pour effet de rassurer les acteurs économiques et les poussera à retrouver leur niveau d’activité habituel le plus vite possible.
Une question de confiance
Or le point de conjoncture publié par l’INSEE hier 27 mai 2020 montre surtout que du côté des entreprises comme du côté des consommateurs, la reprise plus ou moins rapide de l’activité dépend beaucoup de la confiance des acteurs dans l’avenir et de la fin des interdictions et limitations d’activité qui perdurent encore dans les secteurs de l’hébergement-restauration, les transports, et les activités culturelles notamment.
Parmi les éléments mis en évidence par l’INSEE, on note que le déconfinement qui a commencé le lundi 11 mai a enclenché un rebond significatif de la consommation des ménages. Dès la première semaine, elle se situait environ 6 % en deçà de son niveau « normal » alors que l’écart estimé lors du précédent point de conjoncture était de -32 %. Les secteurs les moins dynamiques sont bien ceux qui restent soumis aux exigences du confinement tels que carburants, transports, hébergement, etc. :
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Du côté de la production, on observe que depuis le début du déconfinement, elle est remontée progressivement de telle sorte que « la perte d’activité liée à la crise sanitaire ne serait désormais ‘plus’ que de l’ordre de -21 % contre -33 % estimé début mai ».
De la même façon que pour le versant consommation, les secteurs encore soumis à confinement comptent parmi les plus pénalisés :
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Quant au niveau de confiance des acteurs de l’économie, il me semble intéressant de noter que les ménages sont plus inquiets des perspectives financières de la France en général que de leur propre situation personnelle, d’où un net penchant en faveur de la nécessité d’épargner qui se double depuis le déconfinement d’un rebond des opinions en faveur de la nécessité de consommer.
De leur côté, les entrepreneurs sont encore très pessimistes, quoique moins qu’au mois d’avril 2020 qui avait vu leur moral chuter très sévèrement. De ce point de vue, le secteur de l’agro-alimentaire résiste bien tandis que tout ce qui est hébergement-restauration est, encore une fois, au plus bas.
À noter cependant que les enquêtes sur le moral des ménages et des entreprises ont été menées du 28 avril au 19 mai 2020, ce qui inclut pratiquement deux semaines de confinement et pèse en conséquence sur le résultat final.
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Ménages Entreprises
Au vu de tout ceci, l’INSEE table sur un recul du PIB de 20 % au deuxième trimestre 2020, après un recul de 5,8 % au premier (record européen , rappelons-le). Le recul global de 8 % sur l’année 2020 anticipé par le gouvernement ne pourra être tenu que si l’activité économique retrouve son niveau d’avant crise dès le mois de juillet – une situation que l’Institut juge peu réaliste.
D’autant moins réaliste, je crois, que le gouvernement s’ingénie à rendre le déconfinement le plus compliqué possible alors que sa levée dans tous les secteurs constitue une condition indispensable du retour « à la normale ».
Un retour à la normale, comment ?
Tout à l’inverse, les déplacements ainsi que l’accès aux plages et aux espaces verts restent soumis à de multiples contraintes, le plus souvent sans justifications sanitaires évidentes. Les règles sur les conditions de travail en entreprise ainsi que l’accueil des clients dans les commerces sont drastiques et tendent à créer pour les employeurs et les commerçants une forme d’insécurité juridique peu propice au dynamisme de la reprise.
Mais au fond, s’agit-il vraiment de revenir « à la normale » ?
Bruno Le Maire, à l’unisson avec Emmanuel Macron et tout le gouvernement, peut se gargariser tant qu’il veut des milliards qu’il met sur la table pour « sauver » notre économie, il apparaît de façon de plus en plus évidente que les aides en question relèvent en réalité d’une sorte de chantage que les entreprises ne peuvent refuser maintenant que nombre d’entre elles ont été mises à terre par la décision gouvernementale de confiner strictement.
S’il ne s’agissait que d’aider les entreprises… Et encore. Quand on s’aperçoit que la crise économique consécutive au confinement anti Covid n’est que la goutte qui a fait déborder le vase de situations préalablement peu florissantes, il est de beaucoup préférable de laisser les secteurs concernés se restructurer puis repartir de l’avant que de maintenir artificiellement en vie des entreprises en échec à coup de subventions qui ne servent qu’à retarder le moment de la faillite.
Mais en l’occurrence il s’agit aussi de profiter de la crise pour imposer aux entreprises – aussi bien les moins en forme comme Air France ou Renault que celles qui ne souffrent que des effets du confinement – le respect de quelques conditions qui, toutes, brillent par leur dirigisme vert :
« Air France doit devenir la compagnie la plus respectueuse de l’environnement de la planète. C’est la condition à laquelle je suis le plus attaché. » (Bruno Le Maire)
« Faire de la France la première nation productrice de véhicules propres en Europe (…) c’est tout le sens du plan de relance. » (Emmanuel Macron à propos du plan de relance du secteur automobile)
On a déjà entendu ce genre de rodomontades écologiques dans la bouche de nos dirigeants. Lors de sa visite au Salon de l’agriculture 2019, Emmanuel Macron voulait déjà faire du vignoble français « le premier vignoble du monde sans glyphosate » .
Autrement dit, alors que la situation économique de la France est des plus précaires et alors que nos finances publiques étaient tout sauf saines avant le début de la crise du Covid-19, le gouvernement n’hésite pas à nous endetter encore plus pour exiger d’entreprises fragilisées qu’elles augmentent leur risque en changeant complètement de modèle économique.
Là où il faudrait un retour au marché et un assouplissement significatif des contraintes et réglementations qui pèsent depuis trop longtemps sur les entreprises françaises, là où il faudrait remettre de la confiance et de la liberté, le gouvernement n’a pas d’autre idée que de complexifier à l’extrême les étapes du déconfinement et d’y ajouter son lot d’esbroufe et de dirigisme idéologique.
Il est vrai qu’entre monde d’avant et monde d’après, toute une escouade de « gentils people » secondés par Attac, Oxfam ou la CGT d’un côté et par Julien Aubert et ses amis LR de l’autre sont venus dénoncer les supposées violences du supposé « néolibéralisme » français dans nos médias. Et il est vrai aussi que 2022 se rapproche. Ça promet.
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