Par Nicolas Perrin.
Depuis 2008, nos dirigeants n’ont cessé de faire toujours plus de ce qui ne marche pas, en termes de politiques budgétaire et monétaire.
Comme nous l’expliquons depuis de nombreuses années, une crise n’est pas une orpheline de père et de mère qui surgit soudainement de nulle part. Une crise a des causes profondes, des racines qui s’étendent dans l’espace au fil du temps et qu’il est aisé d’identifier.
On a l’habitude d’envisager une crise comme un développement qui se précipite sous l’effet d’un évènement catalyseur, lequel est, quant à lui, impossible à déterminer à l’avance.
Cependant, le déclenchement d’une crise peut parfois être insidieux, avec une situation qui se dégrade aussi lentement qu’irrémédiablement. Comme l’explique Chris Martenson sur ZeroHedge , on n’est pas forcément dans l’évidence pleine et entière, « comme dans un blockbuster hollywoodien » […] « avec des avertissements clairs des scientifiques, des politiciens et des médias », après lesquels « tout le monde peut sombrer dans la panique ou alors devenir le héros courageux ».
Jusqu’à présent, « la dislocation se produit par étapes, graduellement, jamais le petit conte de la ‘grenouille ébouillantée’ n’aura été plus adapté pour décrire la situation ainsi que l’absence de prise de conscience », comme l’explique Bruno Bertez .
Cette fois, pas de crise à la Une des journaux avant le grand plongeon ?
Officieusement, nous sommes déjà en crise
Certains commentateurs estiment cependant que nous sommes déjà en crise depuis 2015, date du ralentissement économique de la Chine.
Et vous ne connaissez que trop bien la palette de cosmétiques à laquelle les autorités recourent pour masquer les dégâts et faire tenir l’économie « réelle », tout en rendant le système plus fragile : hausse des dépenses publiques, hausse de la fiscalité, politiques monétaires non-conventionnelles, répression financière…
En 2018, le développement de la crise s’est accéléré avec la tentative de normalisation de la Fed et de la BCE ; Jerome Powell et Mario Draghi ont alors annoncé que le moment était venu de retirer un soupçon de ce qui avait été donné.
Comme vous le savez, les tentatives de la Fed et de la BCE ne se sont pas révélées très concluantes : l’une comme l’autre ont depuis fait comprendre au marché qu’en cas de besoin, elles mettraient à nouveau la tournée du patron.
Ce constat ne se cantonne d’ailleurs pas à cette chronique.
Voici ce que concluait Natixis dans cette note du 31 octobre :
Ce n’est plus la peine de s’interroger sur le risque de crise financière, nous sommes en crise financière avec la dépréciation des devises des pays émergents, avec le recul des cours boursiers, particulièrement en Chine, pour les banques européennes. Il faut réviser à la baisse les hypothèses de croissance, car cette crise aura des conséquences négatives sur la croissance.
Rappelons qu’en janvier 2019, les États-Unis de Donald Trump n’étaient plus qu’à quelques encablures du record de longévité parmi les cycles d’expansion économique américains (120 mois dans les années 1990).
Phases d’expansion économique américaines les plus récentes (en trimestres)
https://www.contrepoints.org/?attac...
La probabilité qu’un évènement déclencheur vienne officialiser la crise n’a donc jamais été aussi élevée.
Vers l’officialisation de la crise en 2019
Outre le surendettement mondial, il y a pléthore de raisons qui justifient que l’ambiance sur les marchés ne soit pas à l’optimisme, comme le relevait Natixis les 26 et 30 novembre.
Risques systémiques : ça se bouscule au portillon
Nassim Taleb explique quant à lui qu’il est vain de chercher à prophétiser de quelles contrées va arriver le prochain cygne noir – ce qui compte, c’est d’être préparé.
Cela ne l’empêche cependant pas de rappeler quelques fondamentaux, comme par exemple le fait que rien ne garantit que les clients du Trésor américain voudront éternellement « jouer aux billes » avec lui : « les Chinois et les États surproducteurs étaient des clients réguliers… peut-être que demain, ils ne seront pas là ». Qui prendrait alors leur place ?
Du côté de la BCE, Danièle Nouy, répondait au mois de septembre 2018 à la question d’un journal letton : « Qu’est-ce qui pourrait provoquer la prochaine crise ? »
« Je ne sais pas, mais je suspecte que ce pourrait être le marché immobilier. Nous savons avec certitude qu’il y aura une nouvelle crise. Mais nous ignorons quand et pour quelle raison », expliquait la responsable de la supervision du secteur bancaire.
Natixis est plus mondialisée dans son approche. L’équipe de recherche de Patrick Artus explique que ces derniers temps, il n’y a qu’à se pencher pour ramasser un bâton de dynamite.
Voici ce qu’elle écrivait en synthèse de cette note :
« De nombreux mécanismes pourraient déclencher la prochaine crise financière : une hausse non anticipée des taux d’intérêt des pays de l’OCDE due par exemple à une hausse non anticipée de l’inflation ; la levée des contrôles des capitaux en Chine ; la poursuite des sorties de capitaux depuis les pays émergents ; la perte du statut de monnaie de réserve du dollar avec les politiques (budgétaire, commerciale) menées par l’administration Trump ; le retour de la défiance sur la solvabilité des pays périphériques de la Zone euro »
Comme vous pouvez le constater, la dette demeure au cœur du sujet.
Cela est d’autant plus gênant que les choix de nos dirigeants nous condamnent à faire face à des crises de plus en plus sévères.
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