Le monde vacille au bord de multiples crises de sécurité alimentaire qui entraîneront des famines, des troubles politiques et sociaux et un effondrement économique dans un grand nombre de régions.
La guerre en Ukraine (qui a entraîné des pertes d’exportations de denrées alimentaires et une réduction des semis de printemps), les coûts élevés de l’énergie, les restrictions à l’exportation d’un grand nombre d’engrais, la spéculation sur les prix des denrées alimentaires, les goulets d’étranglement logistiques, les vulnérabilités financières et économiques consécutives à deux années de pandémie et les sécheresses persistantes dans de nombreuses régions agricoles clés sont autant d’éléments qui font que les marchés mondiaux sont soumis à des tensions alimentaires avant même la première mauvaise récolte de 2022.
Dans ce contexte, la Commission européenne a produit un document le mois dernier : « Safeguarding food security and reinforcing the resilience of food systems » (préserver la sécurité alimentaire et renforcer la résilience des systèmes alimentaires). Cette stratégie de l’UE sur la manière d’atténuer la crise de la sécurité alimentaire, les famines et l’augmentation de la malnutrition à venir consiste à promouvoir davantage la production alimentaire biologique, l’agro-écologie, la réduction de l’utilisation des engrais, l’agriculture de subsistance, les théories de justice sociale, Farm2Fork et l’augmentation de l’aide liée à l’alimentation (aux pays prêts à adopter une certaine idéologie de culte alimentaire partagée par une minorité d’activistes à Bruxelles). L’UE présente une recette pour la famine, les conflits civils et l’effondrement économique dans de larges pans du monde en développement… et leur communication s’en félicite.
Ce rapport officiel de l’UE a été rédigé par des personnes aux ventres pleins, aux rêves idéologiques de pureté alimentaire et qui n’ont aucune idée du défi que représente l’obtention d’une récolte. Douloureux à lire mais encore plus à ignorer, je présente ici mes commentaires sur certains passages. Je ne cesse de me pincer quand je dis que c’est l’état d’esprit de nos dirigeants européens. Ce serait drôle si tant de gens ne risquaient pas de mourir ou de souffrir de malnutrition, en grande partie à cause de leur idéologie ignorante du culte de la nourriture.
En fin de compte, ce n’est qu’un exemple de plus de l’arrogance issue de la richesse et de l’ignorance des idéologues.
Soutien aux pauvres… en quelque sorte
Une bonne partie de la communication de la Commission européenne porte sur la manière de financer ceux qui ont subi les conséquences de mauvaises politiques alimentaires. Il est triste de constater que tant de fonctionnaires bruxellois considèrent les paiements de la PAC comme une politique et que tout échec de la réglementation peut être corrigé en injectant de l’argent pour remédier aux difficultés qu’ils ont causées. Un élément clé de la stratégie Farm2Fork de la Commission est de fournir des fonds pour soutenir les agriculteurs lorsque leurs rendements diminuent ou que leurs cultures échouent. Une politique agricole fondée sur l’« échec programmé » ne peut guère être louée (mais l’argent empêchera peut-être les agriculteurs de protester).
Il n’est donc pas surprenant que la communication « Préserver la sécurité alimentaire et renforcer la résilience des systèmes alimentaires » déclare fièrement combien d’argent la Commission européenne va fournir aux consommateurs, aux agriculteurs et aux pays en développement. Mais si Bruxelles avait mis en œuvre des politiques agricoles rationnelles et fondées sur la science au cours des trois dernières décennies, cet argent et ces souffrances auraient-ils été nécessaires ?
Aide aux consommateurs à faibles revenus
Les Européens à faible revenu souffriront certainement de l’inflation et de la pénurie de denrées alimentaires, comme ils souffrent déjà des coûts élevés de l’énergie et des défis de l’emploi post-pandémie. La communication ne définit pas ce qu’est une personne à faible revenu, sauf pour dire qu’elle est vulnérable. Je soupçonne Bruxelles de penser qu’il s’agit d’une très petite population (puisqu’elle les a regroupés avec les réfugiés ukrainiens, soit moins de 1 %). Je ne suis donc pas certain qu’elle ait budgétisé une aide alimentaire pour un quart de la population de l’UE.
Il est encourageant de constater que la Commission européenne a reconnu que les prix élevés des denrées alimentaires entraînent une diminution de la consommation de fruits et légumes et une baisse du niveau de santé général (notamment une baisse du niveau d’immunité et une augmentation des risques d’obésité, de maladies cardiaques et de cancer).
Alors pourquoi, avec sa stratégie Farm2Fork, Frans Timmermans adopte-t-il des politiques qui vont sciemment augmenter les prix des denrées alimentaires et réduire les niveaux de nutrition et de santé en Europe ? Pire encore, étant donné qu’une demande accrue d’aliments biologiques dans l’UE mettra davantage de pression sur les pays en développement afin qu’ils produisent pour ce marché riche en croissance, Bruxelles exporte sa politique alimentaire axée sur la malnutrition.
Aide aux agriculteurs
Outre la perturbation de l’approvisionnement alimentaire mondial due à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’UE était déjà confrontée à une grave crise agricole avec la hausse des coûts de l’énergie, l’inflation des engrais et la perte de l’accès aux meilleures technologies agricoles disponibles en raison des entraves réglementaires. Alors que la communication vante à plusieurs reprises le fait qu’elle est un exportateur net de blé, l’UE n’exporte pas grand-chose d’autre et, comme Bruxelles a appliqué avec diligence le principe de précaution à tous les outils de protection des cultures, les Européens sont de plus en plus dépendants des autres pour mettre de la nourriture sur leur table. À la suite de la désastreuse interdiction des néonicotinoïdes, de nombreux pays européens importent désormais du colza (en grande partie d’Ukraine). Des décennies de restrictions sur les OGM et autres innovations en matière d’amélioration des plantes ont rendu les éleveurs de l’UE dépendants des importations de maïs (GM).
La Commission européenne parle comme s’il n’y avait pas de risque « généralisé » pour l’approvisionnement alimentaire en Europe… à moins que le coût des intrants n’augmente. Eh bien, les coûts des intrants augmentent depuis des années. Ce document ne comporte aucun scénario sérieux. Que se passerait-il, au vu des pénuries alimentaires, si certains pays interdisaient les exportations de produits alimentaires essentiels ? L’Indonésie vient d’être le dernier en date. Comment l’augmentation du coût des importations alimentaires affectera-t-elle les niveaux d’endettement ? Comment la constitution de provisions massives de nourriture par les consommateurs affectera-t-elle l’approvisionnement alimentaire ? Combien d’agriculteurs quitteront tout simplement leur métier alors que ces conditions s’aggravent ? La Commission européenne dit simplement : Crise ? Quelle crise ?
Il semble que la Commission européenne va assortir son financement de certaines conditions, donnant la priorité aux petits agriculteurs, aux chaînes d’approvisionnement locales et à ceux qui sont prêts à mettre en œuvre des méthodes de production durables (je suppose que cela signifie, suivant l’idéologie de Farm2Fork, des méthodes d’agriculture biologique). Les agriculteurs qui tentent d’augmenter leurs rendements et de contribuer à nourrir le monde peuvent donc se dispenser de postuler.
Aide aux pays en développement
L’échec le plus tragique de la politique agricole de l’UE réside peut-être dans les répercussions sur les pays en développement, dont les gouvernements sont contraints d’imposer des politiques alimentaires élitistes similaires à leurs petits exploitants afin de garantir les marchés d’exportation.
En 2002, la Zambie et le Zimbabwe ont rejeté l’aide alimentaire américaine lors d’une famine par crainte que des grains génétiquement modifiés ne soient semés et que les marchés d’exportation vers l’UE ne soient fermés. En 2005, la Commission européenne a averti l’Ouganda qu’il devait cesser d’utiliser du DDT pour protéger les habitations contre la malaria, car les exportations seraient bloquées si des résidus dérivaient sur les parcelles locales de légumes. Le colonialisme alimentaire élitiste de l’UE a un passé sombre, et il devient encore plus sombre.
Les pays qui luttent pour se nourrir et sortir d’une économie agraire fondée sur l’agriculture de subsistance ont récemment été assommés par des militants de la justice sociale imposant des solutions agro-écologiques alors qu’ils ont besoin des meilleures technologies agricoles disponibles. Si les pays en développement étaient capables de se nourrir eux-mêmes, alors les chocs des prix alimentaires ne détruiraient pas leurs économies et ne les enfonceraient pas davantage dans la dette.
Ce paragraphe doit être examiné de près. La Commission européenne lie-t-elle l’aide alimentaire et l’allègement de la dette aux pays en développement qui sont prêts à adopter des mesures de relance verte ? Par « relance verte », ce document fait-il référence au contenu du plan de financement post-Covid de l’UE (qui est obsédé par le Green Deal, le Pacte Vert) ?
En d’autres termes, les plus pauvres des pauvres ne recevront des fonds et une aide alimentaire que s’ils adoptent des mesures environnementales basées sur les idées des groupes de réflexion environnementalistes riches (biologique, sans engrais de synthèse ni semences innovantes) ? Les petits exploitants des pays en proie à la famine ont besoin de meilleurs rendements pour pouvoir conserver leurs terres et peut-être scolariser à nouveau leurs enfants. Affecter l’aide alimentaire aux pays en développement en péril en fonction de leur capacité à lutter contre le changement climatique (en adoptant des pratiques agricoles moins intensives et à plus faible rendement) relève de la pure folie sectaire.
Blâmer les autres
Dès la première page de la communication, la Commission européenne s’est efforcée d’indiquer clairement qu’elle n’est pour rien dans les crises de sécurité alimentaire à venir qui toucheront les pays en développement. Elle a blâmé l’invasion russe (quatre fois), les spéculateurs du marché (trois fois) ainsi que la pandémie et le changement climatique.
Mais la réalité est que trois décennies de politiques de précaution à l’égard des technologies agricoles innovantes (blocage de la plupart des OGM, rejet de l’édition de gènes, mise en œuvre d’une approche fondée sur les dangers interdisant la plupart des pesticides, restriction des outils d’élevage et limitation des engrais chimiques) ont fait de l’agriculture une profession non rentable et moribonde. L’Europe n’est plus capable de se nourrir et compte sur les surplus de production alimentaire des autres (comme l’Ukraine).
Comment diable les responsables européens peuvent-ils, en toute honnêteté, affirmer que nous sommes « largement autosuffisants pour les produits agricoles clés » ? Malgré les affirmations créatives passées affirmant le contraire, le déficit alimentaire annuel de l’UE (hors boissons et poissons) s’est élevé en moyenne à 8,376 milliards d’euros de 2010 à 2017 (OMC ). Les agriculteurs de l’UE ne peuvent pas nourrir leur bétail sans importations massives de maïs et de soja (principalement GM) en provenance d’Argentine, des États-Unis, d’Australie et d’Ukraine. « Largement autosuffisants »…
L’échec des politiques agricoles de l’UE a conduit l’Europe à ce point que sa dépendance vis-à-vis des importations et sa demande de cultures de luxe (biologiques) à faible rendement deviennent rapidement la raison de la pénurie alimentaire et de la vulnérabilité des pays en développement. Et la solution de la Commission à l’insécurité alimentaire à venir est de continuer obstinément à promouvoir son idéologie Farm2Fork pro-biologique qui étranglera encore plus la production agricole de l’UE, rendant les pays les plus pauvres, qui ne peuvent pas payer, encore plus vulnérables aux stress alimentaires.
La Commission européenne n’est pas en mesure de faire la leçon aux autres. Il est temps d’abandonner l’idéologie sectaire et d’adopter la realpolitik.
La cuisine de l’aide alimentaire mondiale d’Ursula
Le passage le plus arrogant de la communication de la Commission européenne intitulée « Préserver la sécurité alimentaire et renforcer la résilience des systèmes alimentaires » est la façon dont elle prétend être en mesure d’aider à nourrir le monde. Le document se vante fréquemment du fait que l’UE est un exportateur net de blé et semble laisser entendre qu’elle pourrait combler la pénurie mondiale de blé.
Mais ces chiffres ne sont pas honnêtes. Sur les 19 millions de tonnes exportées en 2021, 10,5 millions de tonnes ont été exportées par la France et deux millions de tonnes à destination de la Chine. En dehors de la France, de l’Allemagne et de la Pologne, la plupart des autres pays de l’UE ne sont pas d’importants exportateurs de blé. En 2021, l’Ukraine et la Russie combinées ont exporté deux fois plus de blé que l’UE.
Le type de marché d’exportation a également son importance. L’Ukraine a exporté du blé vers des pays comme le Yémen et l’Égypte, et le Programme Alimentaire Mondial. Cela diffère des exportations de blé de l’UE vers des pays riches comme le Royaume-Uni. Le fait que cette communication de la Commission s’attende à ce que les exportations augmentent en raison des « prix élevés qui encouragent les ventes à l’exportation » indique que Bruxelles espère jouer le jeu de la spéculation et capitaliser sur les malheurs des autres pays – mais seulement ceux qui sont en mesure de payer. Qu’est-il arrivé à la « solidarité » ?
Et qu’adviendra-t-il de l’approvisionnement en autres denrées alimentaires si tant d’agriculteurs se tournent vers le blé l’année prochaine ?
Mais le blé n’est pas le seul élément de la pénurie alimentaire à avoir un impact significatif sur les pays en développement. L’Ukraine et la Russie sont d’importants exportateurs de maïs, de tournesol, d’orge et de colza (et l’Union européenne en est le principal importateur). Les pays européens riches seront donc en concurrence avec les pays en développement tributaires des importations pour des produits de base rares. La Commission européenne aimerait prétendre qu’elle peut aider à nourrir le monde, mais ses silos, frigos et rayons sont essentiellement vides, avec des rendements érodés par des décennies de réglementations agricoles irresponsables et anti-scientifiques ; et maintenant, elle ajoute au problème.
Parler durement des restrictions commerciales
Il est réconfortant de voir que la Commission européenne comprend que les restrictions à l’exportation, les droits de douane et les interdictions sur les denrées alimentaires ne sont dans l’intérêt de personne et exacerbent les défis du système alimentaire mondial.
Mais Bruxelles devrait savoir qu’en matière de restrictions commerciales, aucune région ne le fait mieux que l’Union européenne. L’Europe prétend que ses interdictions réglementaires sur les OGM et ses restrictions sur le bétail répondent à des préoccupations de santé humaine. La moindre trace de résidu d’un pesticide frappé d’interdiction (le sort que subissent rapidement la plupart des ingrédients actifs dont dépendent les agriculteurs) entraîne le rejet des cargaisons. C’est la raison pour laquelle les militants ont travaillé si dur pour tenter d’interdire le glyphosate (afin de restreindre le commerce du maïs et du soja GM).
(Source )
Concernant les droits de douane eux-mêmes, un rapport sur les politiques commercial de l’OMC de 2019 a montré que les importations agricoles dans l’UE sont le secteur soumis aux plus grandes restrictions. Les importations de produits laitiers étaient frappées d’un droit de douane de 32 %, les produits animaux et les produits carnés d’une taxe supplémentaire de 19 %, et le sucre bénéficiait d’un droit de douane de 27 %. L’UE a donc beau jeu de dénoncer les restrictions à l’exportation alors qu’elle est le principal contrevenant en matière de commerce.
J’ai hâte de voir les fonctionnaires européens lier l’aide alimentaire à la suppression de toute barrière commerciale.
Les personnes qui ont rédigé cette communication officielle connaissent-elles quelque chose à l’Union européenne ? À l’agriculture ? À la justice sociale ? Attendez, c’est encore plus incroyable…
La solution de l’UE pour lutter contre la famine : l’agro-écologie ?
Ce qui s’est passé en 2022 est une horrible tragédie qui conduira probablement à une escalade de la souffrance humaine à des niveaux que le monde n’a jamais vus dans un passé récent. À un moment donné, la communication de la Commission européenne prend inexplicablement un mauvais virage dans une allée politique insensible.
Nous sommes dans une période où la sécurité alimentaire est menacée, où les risques de faim et de famine augmentent dans le monde, où des pays font faillite ou sont confrontés à des troubles civils… et la Commission européenne a choisi ce moment pour annoncer comment elle va soutenir les pays en développement dans leur transition vers l’agro-écologie et l’agroforesterie ? Whiskey, Tango, Foxtrot [ma note : les trois lettres sont les initiales d’une expression très grossière en anglais.] ???
Depuis quand l’agro-écologie est-elle une stratégie agricole officielle de la Commission européenne ? Ai-je manqué ce mémo ?
L’agro-écologie est un concept plutôt glissant avec de nombreuses définitions construites en fonction de divers intérêts politiques. Elle est largement promue par des guerriers de la justice sociale, des militants anti-industrie et des lobbyistes de l’agriculture biologique. Obsessionnellement naturolâtre, l’agro-écologie est construite sur une série de rejets des technologies agricoles modernes. Une approche scientifique de l’agriculture examinerait chaque situation et chaque besoin et développerait les meilleures technologies et systèmes pour obtenir une solution optimale, en vérifiant et révisant constamment si nécessaire. L’approche agro-écologique commencerait par une série de restrictions dogmatiques : les agriculteurs ne doivent pas utiliser d’intrants de synthèse, ils ne doivent pas travailler avec les grandes entreprises et ils ne doivent pas commercer sur les marchés internationaux. La recherche basée sur un tel dogme fondamentaliste n’est pas scientifique.
Il s’agit d’une construction politique. Les militants de l’agro-écologie se battent pour empêcher les petits exploitants africains d’utiliser de meilleures semences, des mesures de protection des cultures et des engrais de synthèse. Ils font pression pour que ces agriculteurs de subsistance restent pauvres. Et maintenant, la Commission européenne est arrivée (un peu tard) à la fête.
La Commission a vanté de manière curieuse l’implication de l’Union européenne dans le CGRAI [Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale – CGIAR en anglais], financé principalement par le gouvernement américain et la Fondation Gates (il est financé à hauteur de 2 % seulement par l’UE) ; cette institution a élaboré des propositions avant-gardistes sur la manière d’améliorer le développement dans les zones rurales. Les rapports de recherche académique du CGRAI n’étaient pas destinés à traiter les risques de famine. Et qu’a recommandé exactement le CGRAI pour faire face à la crise alimentaire qui s’annonce en raison de la situation en Ukraine ? D’augmenter massivement la production de céréales à court terme. Que les pays producteurs de pétrole augmentent autant que possible leurs approvisionnements en carburant afin d’alléger les coûts de transport et d’engrais. De fournir une aide alimentaire et financière importante.
Pas d’opportunisme pour promouvoir un concept fumeux de justice sociale et l’agro-écologie ici.
Farm2Fork
: qu’ils mangent de la brioche !
Ne jamais laisser une bonne crise se gaspiller. Cette Commission européenne s’est définie par sa stratégie Green Deal et elle a essayé, sans relâche, de la faire passer à travers l’enfer, la pandémie ou les grandes eaux. On peut donc s’attendre à ce que ces idéologues obsessionnels promeuvent leur stratégie Farm2Fork comme une solution à la faim dans le monde. J’aimerais bien inventer ça, mais…
Sauf que la crise actuelle n’a rien à voir avec une « alimentation équitable, saine et respectueuse de l’environnement » qui serait un droit social pour tous les Européens. C’est le contraire qui se produit. Le propre organisme de recherche de la Commission européenne, le Centre Commun de Recherche, estime que Farm2Fork entraînera une baisse globale du rendement agricole de 10 à 15 %. (Voir mon analyse .) Étant donné que la stratégie prévoit également le reverdissement des terres moins productives, ce déficit sera en principe comblé par une augmentation des importations (en provenance de pays qui pourraient être confrontés à des pénuries alimentaires). Qui a dit que Farm2Fork était équitable et respectueux de l’environnement pour les pays en développement ?
Deux mots : Sri Lanka
Bien que l’on ne sache toujours pas si le Sri Lanka a interdit les importations d’engrais en raison d’un manque de réserves de change ou, comme on l’a largement prétendu, parce que Vandana Shiva le lui a demandé, il ne fait aucun doute que le meilleur moyen de décimer les rendements agricoles et de créer une pauvreté instantanée est d’imposer des pratiques d’agriculture biologique à une population qui ne peut pas se permettre d’importer des denrées alimentaires. Cette communication de l’UE semble partager une certaine sympathie pour la logique du président sri-lankais Rajapaksa.
La Commission européenne suggère-t-elle en fait que, parce que les engrais et autres intrants agricoles sont plus chers, elle avait raison de proposer que nous arrêtions de les utiliser ? Le coût du carburant est-il trop élevé ? Les tracteurs émettent-ils du CO2 ?… Il faut donc ramener les charrues tirées par des chevaux (ce qui résout à son avis le problème des engrais). Je suppose que la vision à long terme de l’UE pour les zones rurales est d’arrêter l’agriculture – allouer quelques champs pour les visites des touristes, laisser un peu de bétail comme zoo pour enfants…
Ou peut-être pouvons-nous simplement appeler cela de l’agro-écologie.
L’un des piliers de l’agriculture durable, selon la Commission européenne, est donc l’agriculture biologique. Comment ? En réduisant les rendements et en exigeant que davantage de prairies soient retournées ? En allouant davantage de terres à la production d’engrais et de pesticides approuvés pour l’agriculture biologique ? Comment la production d’aliments biologiques (avec davantage de malformations et de champignons effrayants) peut-elle conduire à moins de gaspillage alimentaire ?
Qui a réellement écrit ce dogme militant ? Quelqu’un a-t-il soulevé au Parlement européen une objection à cette communication officielle ? Bruxelles est-elle décérébrée ? Ces idéologues de Bruxelles n’ont aucune compréhension de l’agronomie, aucune expérience de l’agriculture et aucun respect de la réalité.
Nous avons pratiqué l’agriculture biologique pendant des millénaires, avec des famines fréquentes et une malnutrition généralisée. Alors que certains des meilleurs chercheurs de ces 75 dernières années ont augmenté les rendements de manière exponentielle tout en réduisant les intrants, la Commission européenne semble penser qu’il suffit de financer un projet de recherche de trois ans sur l’agro-écologie pour revenir à des pratiques biologiques sans perte de rendement. Juste comme ça… une véritable révolution verte. Et ce sont ces personnes qui prennent les décisions politiques pour 450 millions d’Européens.
Je cherche une photo d’Ursula von der Leyen en Marie-Antoinette.
Alors que vous pensiez que cette horrible petite communication de l’UE ne pouvait pas être plus ridicule ou offensante, la Commission européenne cite sa participation à un sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, organisé par des militants, comme preuve que son idéologie peut fonctionner.
Les personnes qui passent trop de temps à Bruxelles ont tendance à estomper la différence entre aspiration et politique. Le Sommet sur les Systèmes Alimentaires de 2021 était également connu sous le nom de Sommet des Peuples ; des activistes du monde entier y ont imposé une liste de 300 engagements souhaités dans une déclaration de l’ONU, y compris le désir d’une faim zéro, d’une absence de déchets, de régimes alimentaires sains et de repas scolaires. Chacune des coalitions issues de ce sommet est fortement peuplée de groupes d’activistes qui n’ont aucune responsabilité dans l’alimentation de populations croissantes… mais ils prononcent des discours émouvants et exercent un lobbying intense pour que leurs points de campagne figurent dans le recueil final.
Oh oui, et plus de recherche en agro-écologie … et la paix dans le monde !
Et voilà, selon la Commission européenne, comment nous pouvons accélérer la transition vers une alimentation durable. Absolument ridicule, honteux et embarrassant.
Mon conseil à l’EFSCM
Ce document a planté le décor d’un nouveau Mécanisme Européen Permanent de Préparation et de Réaction aux Crises de Sécurité Alimentaire (EFSCM – European Food Security Crisis Preparedness and Response Mechanism). Il convient de noter que ce comité a procédé à ses consultations et a désigné ses membres en 2021, bien avant de penser à l’éventualité d’une invasion du grenier du monde. Je suppose qu’à l’origine, ils avaient simplement anticipé les conséquences de leur stratégie Farm2Fork.
Alors que ce groupe d’experts multipartite commence à recenser les risques et à formuler des recommandations, j’attends avec impatience de nouvelles consultations publiques. Voici mes dix principales recommandations pour leur stratégie de gestion des risques de crise alimentaire. Promouvoir les meilleures technologies agricoles disponibles ; L’agro-écologie repose en grande partie sur la suppression des technologies ; Reconnaître que le terme « biologique » est un label de marketing et une idéologie politique, et non un concept scientifique ; Mettre l’accent sur les politiques agricoles qui garantissent des rendements plus élevés ; Cessez de concevoir la PAC comme un mécanisme de financement de l’échec – laissez les agriculteurs cultiver leurs terres ; Comprendre que les distinctions artificielles telles que « naturel » ou « synthétique » ne sont pas scientifiques ; Accepter que l’intensification durable est un processus graduel en plusieurs étapes ; Approuver les technologies innovantes d’amélioration des plantes en fonction du produit et non du processus d’obtention ; En temps de crise, les idéologies rigides doivent être abandonnées ; Abandonnez Farm2Fork et écoutez vos scientifiques.
Pourquoi pensé-je que la Commission européenne n’adoptera aucune de ces mesures ?
L’horodatage de l’arrogance issue de la richesse de l’UE
Cette communication de la Commission devrait servir d’horodatage du point culminant de l’arrogance issue de la richesse, laquelle a mené les idéologues européens à poursuivre des politiques de culte environnemental sans dialogue sérieux ni compromis. Ils ont promu sans relâche leur Green Deal à travers la pandémie et maintenant à travers une crise majeure de guerre, de sécurité alimentaire et de réfugiés en Europe. En un peu moins de deux ans, la stratégie Farm2Fork a été sérieusement critiquée par la plupart des organismes scientifiques (y compris le propre Centre Commun de Recherche de la Commission) et pas une fois, pas d’un iota, les décideurs politiques n’ont reconsidéré leurs ambitions irréalistes ou écouté les autres. Cet engagement puritain à appliquer une stratégie qui a échoué pourrait être considéré comme admirable (d’un point de vue lyssenkien), mais il cache une arrogance idéologique qui ne peut être tolérée que par des activistes aisés qui pourraient se permettre les terribles conséquences de leurs croyances alimentaires médiévales.
Les événements mondiaux commencent à frapper Frans Timmermans et Ursula von der Leyen au visage. La Commission européenne ne peut pas continuer à diriger par idéologie et à résoudre les conséquences de ses échecs simplement en jetant de l’argent par les fenêtres. Le placard à provisions est vide – l’Europe n’est pas autosuffisante en matière de production alimentaire. Bruxelles n’est pas en mesure de nourrir le monde, et encore moins de faire la leçon aux autres et exiger que ses idéologies inapplicables soient suivies.
Il est temps pour Ursula et Frans de renoncer à leur vision du monde en forme d’arc-en-ciel et de licorne et d’adopter la realpolitik – des politiques fondées sur le compromis et les solutions pragmatiques. Je crains cependant qu’ils n’y parviennent pas et, étant donné que l’électorat ne peut pas les chasser, je prévois que Bruxelles perdra rapidement de son importance, les dirigeants nationaux de l’UE attendant simplement qu’ils terminent leur mandat. Ils seront rapidement oubliés, considérés comme les dinosaures d’une approche politique ratée, les représentants d’opportunités perdues et un symbole durable du gaspillage des dividendes de la paix de l’Europe.
Cette communication de la Commission exprime la pensée délirante d’une direction défaillante qui n’a aucun sens de l’observation ni aucun engagement dans le processus politique. Le monde a évolué, les talents innovants sont partis et l’Europe a perdu sa pertinence.
Article publié initialement le 28 avril 2022